12 octobre 2023
Cela fait maintenant deux ans que ma petite est partie, ma petite étoile et je pleure dans mon lit, comme souvent. Cela fait deux ans que ça s'est passé mais c’est toujours aussi difficile. Mon mari est au travail mais j’ai pris ma journée de congé. Je ne comprends toujours pas comment j’ai pu laisser les choses déraper autant. J’aurais dû le voir venir.
Je suis une mère horrible. Mon instinct maternel est parti, je ne sais où, je ne sais quand et je me sens vraiment mal. Mais je suis mal placée pour me plaindre, car ma fille, la chair de mon sang, a dû souffrir beaucoup plus que je ne souffrirai jamais, et je n’ai pas été là, je n’ai pas su voir les signes.
Bien sûr, j’ai porté plainte contre les gosses qui frappaient et harcelaient mon enfant. Mais ça n’a pas tenu devant un juge. Ils ont dit que si elle avait pris ces médicaments, c’était sûrement aussi à cause de la situation familiale. C’est vrai que ces dernières années son père et moi étions accablés de travail. Mais on n'était pas des parents horribles pour autant. Enfin c’est ce que je pensais, visiblement j'avais tort, et elle en a fait les frais.
Après sa mort, je me suis rendue compte qu’elle avait jeté son portable, que sa chambre était remplie de mots insultants, qu’elle avait jeté tous ses posters, et j’en passe. Je ne sais pas comment j’ai fait pour rater ça. Pourquoi je ne m’en suis rendu compte qu’une fois le pire arrivé ?
J’ai même retrouvé un journal. Elle y raconte toute les violences qu’elle subit à cause de son homosexualité. Les pages sont difficilement lisibles : elles sont pleines de ratures et de tâches, mais j’y distingue tout de même le principal. A-t-elle cru qu’on la jugerait pour ça ? Jamais je ne ferais ça. Je n’ai pas vu les signes, ni de son homosexualité, ni de son harcelement, mais jamais je ne rejeterais ma fille, pour aucune raison au monde. C’est mon petit amour, c’est la fille que j’ai mis au monde. C’est mon amour à moi. Je m’en voudrais toujours de ne pas avoir su l’aider.
Vers la fin du carnet, elle y raconte sa rencontre avec une fille dans ses rêves, une certaine Noor. Elle dit qu’elle veut la rejoindre.
J’espère qu’elle l’a fait, qu’elle l’a rejointe, qu’elle est heureuse. Et j’espère surtout qu'elle est en paix.
Je t’aime, je t’aimerai toujours ma Ezra.
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J'ai rêvé d'un autre monde
Short StoryQui n'a jamais voulu s'enfuir dans ses rêves ? Ezra, elle, le fait. Elle fuit ses journées. Mais c'est comme ça qu'elle y rencontre Noor. Est-elle réelle ou tout juste le fruit de son imagination ?