09 . photographie

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CHARLIE CAMPBELL

DEPUIS QUELQUES jours, je divertis Leighton par tous les moyens. Je fais en sorte qu'elle ne pense jamais à ses frères.

J'ai l'impression qu'avec moi, elle arrive à penser à autre chose. Cependant, peut-être que je m'emballe et que c'est une simple impression. En tout cas, je note qu'elle cache bien ses émotions devant moi. Elle paraît joviale. Elle paraît toujours joviale. C'est un de ses traits de caractère que je préfère.

Leighton apporte du soleil dans ma vie. L'entendre rire me rend heureux parce que, quelque part, ça veut dire que j'ai réussi à lui donner le sourire et à lui donner envie de passer du temps avec moi.

  C'est elle qui a suggéré que nous nous baladions aujourd'hui le long des falaises. Elle a dit qu'elle aimerait me voir en train d'exercer ma seconde passion : la photographie. Maintenant qu'elle aura goûté à mes deux centres d'intérêts, que sont le football et la photographie, j'aimerais lire ses écrits et la voir jouer du piano. Je sais que Leighton est bourré de talent. Tout ce qu'elle fait, elle l'entreprend à la perfection.

  Je devine que si une relation amoureuse doit naître entre nous, cela se fera naturellement. En tout cas, je ne suis pas pressé. Je laisse le temps et le destin nous montrer ce qu'il a prévu pour nous.

  — Oh, ce point de vue rendrait très bien en photo, affirme-t-elle.

  De là où nous sommes, nous voyons le bout des falaises et la mer à perte de vue. Des oiseaux décorent le paysages de leurs silhouettes et leurs chants. Je ne me lasserai jamais des paysages que peuvent offrir les côtes irlandaises. J'aime aussi les paysages des côtes anglaises.

  — Tu commences à avoir un vrai œil de photographe, je la félicite. Tu veux essayer ?

  Elle hausse les épaules.

  — Pourquoi pas ! répond-t-elle finalement.

  Elle marche vers moi avec un grand sourire. Ses cheveux bruns sont emportés en arrière par le vent, ce qui me permet de distinguer l'entièreté de son visage. Je ne cesserai jamais de répéter à quel point cette femme est dessinée à la perfection.

  Je lui tends mon appareil photo. Lorsqu'elle l'attrape, nos doigts se frôlent. Cela me fait l'effet d'une décharge électrique qui parcourrait toute mon échine. Mon cœur est rempli d'affection pour elle.

  Parfois, j'ai le sentiment que nos cœurs parviennent à communiquer sans que nous ayons besoin de formuler des mots de vive voix. Avec elle, tout est différent.

  — Tu sais comment il marche ? je lui demande.

  — Charlie, je t'ai vu prendre une dizaine de photos avec. Je commence à connaître le fonctionnement.

  Je pouffe de rire. Leighton se met en position. Elle se débrouille bien, pour l'instant. Elle tire une première photo. Je l'applaudis. C'est comme si nous étions seuls au monde. Ici, il n'y a qu'elle et moi. J'adore ça.

  Elle revient vers moi et me tend l'appareil photo.

  — Tu es vraiment un gars génial, déclare-t-elle.

  Je lui adresse un sourire reconnaissant. Elle me le rend.

  — Merci d'être là pour moi, ajoute-t-elle.

  J'entrouvre mes bras. Elle ne tarde pas à se blottir à l'intérieur.

  — C'est normal, Lei', je lui chuchote.

  Le vent emporte nos paroles, comme si cela signifiait qu'elles étaient éternelles. J'ai beaucoup d'imagination quand j'ai le cœur empli de multiples sentiments.

  Nous mettons fin à notre étreinte. J'attrape mon appareil photo.

  — Tu me laisserais te photographier ? je lui demande.

  — Bien-sûr.

  Elle se met dos à la mer, un grand sourire aux lèvres. Elle a les yeux rivés sur ma caméra. Je trouve le meilleur angle avant de tirer plusieurs photos.

  — Ce paysage te va particulièrement bien, j'assure.

  — C'est ce qu'ils disent tous.

  Si j'en crois mon intuition, je ne suis pas le premier garçon qui vient là avec elle ? Je la regarde, interrogé par sa déclaration.

  — Je rigole ! s'exclame-t-elle aussitôt en voyant mon air, sans doute.

  Je lève les yeux au ciel.

  — Je te trouvais drôle, jusqu'à ce que tu fasses cette blague.

  Arrivée à mon niveau, elle attrape ma main libre et la serre dans la sienne.

  — Je suis sûre que tu changeras très vite d'avis, me garantit-elle avec son sourire espiègle.

  Je lui rend son sourire. Nous commençons à marcher côte à côte. Sa main gauche est liée à ma main droite. Je suis frustré à l'idée de ne pas savoir ce qu'elle ressent devant nos multiples contacts. Peut-être qu'elle imagine que ce sont des gestes amicaux, sans arrière-pensées. Peut-être que je me fais un film dans ma tête.

  — J'aime bien traîner avec toi, je confie timidement. Tu es de bonne compagnie.

  — Je sais, réplique-t-elle. C'est ce qu'ils disent tous.

  Je lève les yeux au ciel.

  — Arrête avec cette blague. Elle est tout sauf drôle.

  — Qui te dit que c'est une blague ? renchérit-elle en prenant un air sérieux.

  Si ce n'est pas une blague, je serais très désarçonné. Je ne la connais pas assez pour savoir ses tics quand elle ment. De ce fait, je n'ai aucune idée de la certitude de ses propos.

  — Charlie, c'est trop facile de te mener en bateau !

  — Tu sais ce qui est facile aussi ?

  — Dis-moi.

  — De t'abandonner ici et de repartir avec ma voiture.

  — Tu n'oserais pas.

  Je ne réponds pas, lui semant le doute.

  Je lâche sa main et fait mine de me diriger vers le parking pour retrouver ma voiture. En effet, je suis passé la chercher au pub de son père en début d'après-midi, si bien que, sans moi, elle n'a aucun moyen de transport. Les bus ne sont pas très nombreux dans le coin. Il doit y en avoir deux par jours — trois si on est chanceux.

  Elle me rattrape en courant et me chope par derrière pour m'empêcher d'avancer. Je me retourne et me libère de son emprise.

  — J'étais sûre que tu te retournerais.

  — Je suis trop gentil pour te laisser là. Je t'aurais déposé à l'arrêt de bus le plus proche.

  Elle entrouvre la bouche, prenant un air offensé.

  — Où en étions-nous avant que tu sortes la blague la plus nulle de l'histoire ?

  — Tu ne sais pas ce qu'est une vraie blague drôle. Si je faisais un one woman show, la foule serait en délire.

  — Laisse-moi en douter.

  — Non, je ne te laisserai pas en douter.

  Je la regarde, outré.

  — Allons nous asseoir au chaud quelque part, je suggère.

  — Très bonne idée.

  Nous marchons ensemble jusqu'à ma voiture et trouvons un café accueillant à quelques kilomètres. Nous passons le reste de l'après-midi là-bas, à rigoler aux éclats sans parvenir à y mettre fin. Notre complicité ne cesse de s'agrandir.

Publié le 14/08/24

𝐓𝐇𝐄 𝐌𝐔𝐑𝐏𝐇𝐘𝐒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant