- noé, tu saignes.il était rentré avec un nez noir dégoulinant sur son t-shirt, tâche rouge sombre au milieu du sable, bouts de verre dans les phalanges, bouts de verre dans la tête et les yeux sortant juste de la folie.
- c'est pas grave, il avait répondu.
alors je n'avais rien dit et j'avais essuyé noé, j'avais nettoyé noé, j'avais tenté d'effacer le coquard et les plaies, et tout le reste. il m'avait regardé, immobile, j'avais continué. serviette blanche sur sa peau, allers-retours, serviette imbibé d'encre.
- pourquoi tu t'es battu ?
il avait haussé les épaules comme un enfant ennuyé. un enfant ennuyé des questions d'adultes que je lui posais. j'avais soupiré.
- tu n'as jamais arrêté de te battre. là je suis sûr que tu te bats encore.
alors j'avais vu ses yeux briller, diamants sombres, un court instant, le temps de couper le fil. j'avais enlevé d'autres bouts de verre, essuyé d'autres tâches rouges, j'avais doucement lissé sa peau fragile, sa peau cassée. son corps et sa tête fissurés. comme à chaque fois les larmes brûlaient les cils.
il avait posé sa main sur ma tête en souriant, et j'avais aimé et détesté ce geste en même temps, au même moment. mais je n'avais rien fait, j'étais resté muet dans ma transparence d'ivoire. j'en avais soudain assez de son sourire d'enfant. j'avais dû retenir mes larmes, j'avais dû retenir mon cœur qui allait tomber et s'écraser sur le bitume.
après il était parti, il s'était éloigné pour mener d'autres batailles encore, pour ouvrir d'autres plaies, casser encore quelque chose de lui que ne m'efforcerai de réparer. mais il fallait comprendre, il fallait écouter, parce qu'avec noé personne ne l'avait jamais fait.
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noé ne m'aime pas
Short Storyet ils firent l'amour dans le plus grand des silences, sous la réprobation du monde