XVII

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Lénore en était venue à détester les jeudi.
Elle avait rencontré monsieur Beleau un jeudi, l'avait croisé au "café du monde" avec Judy ce jour-ci, c'était aussi celui où il l'avait fait chanter et également celui où elle eut commencé son travail pour lui.
Le jeudi voulait dire Alastor, et Lénore le détestait, alors elle détestait aussi les jeudi. C'était un mentra simple et injuste, mais elle n'y pouvait rien, le monde ne fut pas toujours limpide et elle eut l'impression de remonter le fleuve à contre courrant.

Elle n'avait pas l'âge pour fumer, encore moins pour boire. Cependant elle eut déjà fait les deux, et cela bien avant que la raison des jeunes adultes ne l'atteigne. À l'époque elle n'était pas responsable de ses décisions, aujourd'hui, elle détenait la capacité de dire non, et elle choisit de se taire. Il était si simple de se fondre parmis les personnes agées, et accomplies ; June eut proposé de lui payer un verre, Jhon s'était désigné pour garder son sac. En jetant un coup d'oeil à Mimzy, qui servait nonchalement un client, elle finit par accepter l'offre de l'homme.
Lénore ne s'était pas sentie aussi vivante depuis la bretagne, elle se voyait étrangement revenir à la vie, ignorant les tourments futiles qui la rongeaient depuis trop longtemps.
Elle n'avait que dix-huit ans, elle détenait encore quelques années avant de s'enterrer avec le fantôme passé de la jeunesse.
Nous étions le sept juin, le printemps battait son plein et il fut différent de celui de la France. L'humidité semblait s'accrocher à la peau comme un mauvais parfum, se frayant un chemin le long de la tempe de Léo, parcourant sa nuque et finissant par perdre son chemin entre ses omoplates osseuses.
-Viens par ici Laure! S'exclamait monsieur Beleau à travers le brouhaha, elle ne saurait dire pourquoi elle eut discerné sa voix parmis les centaines d'autres qui traversait le lieu, peut-être que finalement elle était un chien sous ses ordres, bien dressé.
Ses pas se faisaient timides, maladroits, tandis qu'elle se dirigeait vers le comptoir. Le quatre mai, il y a plus d'un mois, lorsqu'elle s'était hissée sur l'un des tabourets, jamais elle n'aurait osé imaginer la vie qu'elle menait à présent. Depuis l'accident d'un mauvais souvenir, elle se jurait de garder ses deux pieds sous étroites surveillances, l'un ne depassant jamais l'autre, avançant à un rythme dont elle maîtrisait la cadence. Mais voilà qu'elle se retrouvait encore sous la valse d'un bon danseur, et surtout, voilà qu'elle repensait à la France. Une idée la traversa, : peut-être que tant qu'elle côtoierait l'homme aux grosses binocles, elle ne parviendrait pas à oublier.
Alors, elle continua d'avancer, embrassant l'idée d'une mémoire éternelle. Elle rejoint Alastor qui discutait avec Jhon et June. Son halaine sentait la gnôle et bien que cela l'aurait dégoûté chez n'importe qui, elle se mit à lui trouver un charme. Sa chemise blanche paraissait délavée, vieille de plusieurs années si elle le devinait correctement, pourtant, il la portait encore fièrement, la fondant avec une cravate et des bretelles bordeaux. Elle ne doutait pas de son salaire, il conduisait une jolie voiture et ses lunettes ne présentaient aucunes fissures; c'était un choix, il devait aimer son tissu usé.
Le brun posa du whisky entre ses mains, ne l'arrêtant pas comme il l'eut fait la dernière fois. À vrai dire, Lénore ne se donnait plus la peine de réfléchir à quoi que ce soit, elle n'avait aucune idée d'où elle finirait la nuit, ni de si elle dormirait même. Bien que cela soit une habitude, elle mentit encore à ses parents ce matin-ci, leur racontant qu'elle était invitée chez Judy et Arthur. À son âge, son frère ne se preoccupait pas de telles inutilités, il déambulait dans les rues à l'heure qu'il souhaitait et ironisait à chaque fois que sa mère s'inquitait de ses absences. Elle aurait souhaité posséder ces mêmes facilités.

Elle but la boisson d'un coup sec et assurée, se retenant de faire une grimace quand cette brûlure famillière s'empara de sa gorge. Jhon l'encourageait en frappant son dos, trop violemment pour être réconfortant, assez pour la faire rire. À l'entente de son gloussement, monsieur Beleau se retourna étonné, l'air presque hébété. Elle se demanda un instant si tout comme elle, il avait cherché à deceler la moindre parcelle d'un être qui le rendait curieux; pendant longtemps elle eut été avide de sa sincérité, peut-être que lui aussi. C'était certainement la première fois qu'elle fut réelement joyeuse en sa présence.
— Comment se passe le travail avec Everett? Coupait June alors qu'elle s'enlisait dans ses pensées.
— Véritablement agréable, il est plutôt doux dans sa manière d'expliquer ses attentes et il n'hésite pas à me complimenter quand il trouve mes écrits bien fait! La dame fit un oeil perplexe au réceptionniste, probablement qu'elle ne s'attendait pas à une telle réponse.
-Allons bon, ce n'est que sa première semaine! Il serait étonnant qu'il commence déjà à la maltraiter, ricanait Alastor en essuyant les traces sur sa monture.
-Il a fallut moins de temps à Fiona pour poser sa démission... Soupirait l'autre homme.
-Je sais juste qu'il est exigeant, sûrement que sa précédente assistante ne répondait pas a celle-ci.
Le présentateur radio se moqua, appuyant ses coudes contre le bar tout en prenant une énième gorgée. Lénore se surprit à examiner sa gorge dont la pomme d'adam bougeait à chaque goutte. Son cou était long, bien dessiné, marquant joliement son col suffisamment deboutonné pour devoiler sa clavicule. Les défauts de son apparence lui parurent bientôt invisibles, et elle s'en maudit, realisant l'erreur que commettait son esprit. Il jouait deja suffisamment avec ses nerfs, il ne faudrait pas en plus de cela qu'elle le trouve attirant. Ne donnons pas au diable plus d'armes.
— Quelle arrogante demoiselle!
— Laure, que vas-tu faire de ton premier salaire? Questionnait June en changeant de discussion.
La jeune fille papillonait des cils, admettant que jamais elle n'y eut réfléchi. À quoi bon? Son père lui offrait déjà tout ce dont elle rêvait, elle ne manquait de rien et ne desirait rien de plus.
— Ma mère s'est achetée un bijoux.
— La fameuse madame Beleau! S'exclamait joyeusement Jhon.
— Pourquoi un bijoux?
— Elle avait des factures à payer mais elle voulait posseder son propre collier, un qui ne viendrait pas d'un héritage! Peut-être que tu devrais faire cela aussi.

Une Cuillère De Caviar Et De Sang (Alastor X Oc) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant