Mardi soir. Le café ferme dans une petite heure et Dan est enfermé dans son bureau depuis ce midi. Il a appelé Patricia il y a une trentaine de minutes et depuis elle n'est pas revenue en salle, je me demande de quoi ils peuvent bien être entrain de discuter depuis tout ce temps. Dan n'a jamais été très bavard, pas avec moi en tout cas, et les seules fois où nos discussions dépassent trois phrases échangées c'est quand il me prend la tête ou qu'il me fait des avances déplacées. Autant dire que je ne reste jamais plus de cinq minutes seule avec lui, j'essaye toujours d'écourter nos discussion. Patricia n'est jamais restée aussi longtemps seule avec lui non plus d'ailleurs. Ils doivent probablement discuter d'une chose importante, j'imagine.
J'observe la salle à la recherche de quelque chose à faire afin de m'occuper l'esprit car le dernier client est déjà partit il y a une vingtaine de minutes et depuis je m'ennuie à mourir toute seule. Contrairement à Patricia, je laisse toujours mon téléphone dans mon casier pour éviter d'avoir la tentation de m'en servir. Quand je venais de débuter ici, je ne le faisais pas et j'ai eu le malheur une fois d'utiliser mon téléphone devant Dan et il ne m'a pas loupée. Il m'a hurlé dessus devant tous les clients, cette humiliation reste gravée en moi encore d'aujourd'hui. Si bien que, depuis, je n'ai plus jamais emporté mon téléphone avec moi en salle. Patricia utilise assez régulièrement le sien sur le temps du travail mais cette femme est visiblement née sous la bonne étoile puisque Dan ne semble pas l'avoir remarqué. J'espère pour elle que ça n'arrivera pas, je ne souhaite à personne de se faire rabaisser publiquement comme je l'ai été.
En observant méticuleusement chaque recoin du Café, je finis par repérer une tâche sur une table près de l'entrée et m'en vais munie de mon spray magique et d'un chiffon pour l'éliminer, ravie d'avoir trouvé de quoi m'occuper pour les quinze prochaines secondes. Fière de mon travail je me redresse après avoir réussi à la retirer quand une ombre à l'extérieur du café m'interpelle, celle-ci franchit l'entrée. Eric entre et je le regarde étonnée, il ne vient jamais deux fois dans la même journée et encore moins à une heure pareille. Je lui fais tout de même un sourire en le saluant, contente de le voir mais surtout d'avoir de la compagnie. Il répond à mon sourire mais je remarque qu'il a l'air nerveux ce qui me surprend un peu, j'ai rarement vu Eric angoissé par quoique ce soit. Il a toujours une attitude détendue et l'air détaché des évènement qui peuvent se passer autour de lui. Il m'a une fois confié qu'il n'avait pas toujours été comme ça, mais que depuis la mort de sa défunte femme il essayait de prendre la vie du bon côté et de toujours relativiser, ce qui lui a valu avec le temps cette allure décontractée en tout temps. Un mouvement derrière lui me fait détourner le regard interrogatif que je lui lançais et je remarque alors enfin un adolescent un peu renfrogné, les mains dans les poches et l'air agacé qui était caché derrière le dos de son père. Il ne me regarde pas et pianote sur son téléphone à une allure folle, les lèvres pincées. Il doit probablement être entrain de se plaindre auprès de ses amis au vu de son air contrarié. Au bout de quelques secondes, le garçon lève la tête après que son père lui ait intimé de ranger son téléphone et lorsque mon regard croise le sien, plus de place au doute, il possède le même regard en amande que Eric, j'en déduis donc que c'est le jeune Tommy. La terreur.
- Je vous sers quelque chose ? Demandais-je en souriant et en me dirigeant derrière le comptoir
Eric me sourit en me suivant afin de s'installer sur une chaise haute du bar et Tommy, qui a déjà de nouveau le nez plongé dans son téléphone, le suit lentement avant de s'installer une chaise plus loin que celle de son père. Toujours sans nous accorder un regard.
- Alors, ce sera un œuf au plat avec un coca pour moi, s'il te plaît. Et toi, champion ? Demande Eric en se tournant vers son fils
- Hm ? Fait Tommy en relevant la tête l'air blasé, Ouais, ouais. La même chose que mon père, j'imagine.
VOUS LISEZ
Renaissance
RomanceCharlotte Andrieu, ce nom résonne dans le néant. Elle n'est personne, elle ne l'est plus. Voilà plusieurs années qu'elle est à l'autre bout du monde, la pauvreté lui collant à la peau. Endettée jusqu'au cou, elle tient bon. Elle tient bon pour l'un...