Je repris lentement conscience. Mon corps tout entier était douloureux. Ma tête me lançait et un objet dur mordait mon dos. Mes épaules tirées en arrière étaient raides et mes ailes liées. J’ouvris les yeux pour découvrir que j’étais solidement attachée à un poteau au milieu d’un camp de guerre Illyrien. Deux guerriers me contemplaient avec un sourire narquois. L’un d’eux était Vrax, le chef de patrouille qui m’avait fait prisonnière, l’autre était encore plus grand et plus épais que lui. Il portait une cuirasse Illyrienne et pas moins de quatre siphons brillaient sur ses gants et son torse. Tout en lui suggérait la brutalité et la sauvagerie : Korvax, chef du Clan du Pic de l’Orage. Le goût âcre de la peur se répandit dans ma bouche alors qu’une sueur glacée dégoulinait dans mon dos.
Les liens qui me maintenaient prisonnière du mât en bois dur se rejoignaient au niveau de mes poignets et de mes chevilles, me laissant juste assez de liberté pour que je puisse me relever. Je me remis immédiatement sur mes jambes, pas question de paraître faible. Mais j’avais à peine la force de tenir debout et ma tête se mit à tourner alors que des points noirs dansaient fugitivement devant mes yeux. Les deux Illyriens se mirent à rire.
“— Le petit chat sauvage est réveillé, on dirait, dit Vrax, un sourire cruel sur ses lèvres épaisses. Quel dommage que le Grand Seigneur, le Fils de l’Invisible et le Prince des Bâtards ne soient pas là pour protéger leur petite sœur si précieuse.
— Quand ils apprendront que vous me retenez ainsi, vous le regretterez, crachais-je d’une voix rauque.”
Korvax se pencha, ses yeux d'un bleu glacial scrutant les miens, une lueur de défi brillant dans son regard.
" — Oh, j'en doute, ma chère. Rhysand est loin trop occupé avec ses propres problèmes pour se préoccuper d'une égarée dans mon camp. Mais raconte-nous, comment une si délicate créature s'est retrouvée dans les griffes du Pic de l'Orage ?"
Je serrais les dents, refusant de laisser transparaître la peur qui s'insinuait en moi.
" — Je me suis perdue, rien de plus. Et quand mon frère vous trouvera, chaque seconde où vous m'avez fait souffrir, vous la paierez mille fois."
Vrax éclata de rire, un son dur qui résonna dans le camp silencieux.
"-Écoute-la, Korvax. Elle a du mordant celle-là. Peut-être que nous devrions la garder comme trophée."
Korvax tourna lentement autour de moi, ses pas mesurés marquant le rythme de mon cœur qui battait à tout rompre.
" — Un trophée, oui... ou peut-être une monnaie d'échange. Qui sait ce que le Grand Seigneur serait prêt à faire pour récupérer sa précieuse petite sœur."
Je levai la tête, ma fierté prenant le dessus malgré la douleur et la peur.
" — Je ne suis la monnaie d'échange de personne. Vous vous en rendrez compte assez tôt."
Les yeux de Korvax étincelèrent d'un amusement cruel.
" — Nous verrons, Elysia de la Cour de la Nuit. Pour l'instant, tu es à nous, et nous avons encore du temps pour découvrir tes secrets. Il fit un signe à Vrax, qui s'approcha avec une gourde d'eau, la tenant hors de ma portée. Parle-nous de Rhysand et de ses plans, et peut-être que je te permettrai de boire."
Le désespoir me guettait, mais ma volonté restait inébranlable.
" — Je ne sais rien qui puisse vous aider. Et même si c'était le cas, je préférerais mourir de soif plutôt que de le trahir."
Korvax haussa les épaules, indifférent.
" — Comme tu voudras. Vrax, assure-toi qu'elle reste... confortable. Son sourire en disait long sur le peu de confort que j'aurais sous leur garde.”
Ils s'éloignèrent, me laissant seule avec mes pensées tourmentées et le soleil implacable qui commençait à monter dans le ciel, promettant une journée aussi longue que douloureuse. Je me laissais glisser le long du poteau. Autant économiser mes forces jusqu’à ce qu’une occasion se présente. Si tant est qu’il y en ait une… Si la patrouille avait mis la main sur Lorcan et Miren, mes amis se trouveraient attachés à des mâts similaires de part et d’autre de moi. Ils étaient donc parvenus à fuir et peut-être qu’à l’instant même les Guerriers de Crête de l’Écho les menaient à Cassian. Je me raccrochais à cet espoir de toutes mes forces pour maîtriser la peur qui m’étreignait de ses doigts glacés.
Le plus urgent était d’observer pour glaner un maximum d'informations. Les patrouilles allaient et venaient, des guerriers s’exerçaient à l’intérieur de cercles tracés à la craie sur l’aire d'entraînement non loin de ma position. Seuls les hommes étaient autorisés à combattre, ici en Illyrie, les femmes s’occupaient du foyer et des enfants. Dès qu’une jeune fille était en âge de saigner, les guerriers du clan, parfois même son propre père ou ses frères, tranchaient les muscles et les tendons qui lui permettaient de faire usage de ses ailes. Une pratique barbare à laquelle ma mère avait échappé grâce à mon père et que Rhys, devenu Grand Seigneur, avait interdite. Certains camps de guerre s’y étaient farouchement opposés, arguant que c’était pour la protection de leurs filles. Cette idée rétrograde et absurde me donnait la nausée. En quoi mutiler un de ses semblables était-il un acte de protection ? Je savais que si Korvax ou Vrax touchait à mes ailes, je n’y survivrais pas. Ne plus pouvoir voler, sentir le vent sur mon visage et le sentiment de liberté qui allait avec aurait à coup sûr, raison de moi.
J’observais avec envie les râteliers couverts d’armes qui semblaient me narguer hors de ma portée. Délaissant les guerriers à l'entraînement, je me concentrais sur les aller et venues des femmes. Dans ce clan, ou je le savais, les mâles régnaient en maîtres absolus, les Illyriennes étaient à peine plus que des fantômes. Elles s’adonnaient à leurs tâches en gardant la tête baissée et en se tenant à distance prudente des hommes.
La journée s’étirait lentement. Ma bouche était sèche comme du parchemin et ma tête m’élançait. Je n’avais guère bu d’eau durant notre folle nuit à Vélaris et je savais que la déshydratation me guettait. J’essayais de garder un semblant de contenance, attachée à ce poteau dans ma robe sale et déchirée qui ne dissimulait plus grand-chose de moi. Plusieurs fois, je surpris le regard avide de certains mâles. Je les ignorais superbement en gardant la tête haute, mais je savais qu’ici personne ne lèverait le petit doigt pour moi si l’un d’entre eux décidait de passer à l’acte.
Repoussant cette pensée, je continuais d’observer les va-et-vient du camp tout en tentant de juguler ma peur. C’est alors que je la remarquais. Une jeune Illyrienne qui devait être à peine plus jeune que moi. Elle portait deux lourds seaux d'eau en grimaçant. C’était déjà la troisième fois que je la voyais passer près de moi et m’observer à la dérobée. Ses ailes étaient étrangement repliées contre elle et je compris pourquoi lorsqu’elle me tourna le dos. Une vilaine plaie mal soignée suintait au niveau de l’articulation de ses ailes. Ces fumiers avaient dû la mutiler à peine quelques jours auparavant. La colère remplaça la peur dans mon cœur. Je devais me libérer de ces liens d’une manière ou d’une autre. Il n’était pas question de les laisser me faire subir le même sort. Rongeant mon frein, je continuais d’observer à la recherche d’une faille dans la sécurité, mais la vigilance des gardes ne faiblissait pas. Vrax revint me narguer avec sa gourde. Je me relevais à son approche aussi fièrement que possible en dépit de mes bras et mes jambes solidement attachés.
“—Alors petit chat sauvage ? La soif t'a-t-elle rendue plus bavarde ?
— Je suis au regret de t’apprendre que non, rétorquais-je une lueur de défi dans les yeux.
— Très bien, répondit le chef de patrouille, il est peut-être temps de passer à un autre moyen de… persuasion plus efficace.”
Il posa la gourde hors de ma portée et se rapprocha de moi. Assez près pour que je sente son souffle fétide sur mon visage. Il puait la sueur et tout en lui me révulsait. Sans délicatesse, il glissa la main dans le décolleté de ma robe pour me toucher la poitrine. Son contact rude me brula. J’essayais de m’extraire, mais j’étais trop bien ligotée. Je n’avais plus de salive pour lui cracher au visage, mais c’est sans hésitation que je plantais mes dents dans son cou. Son goût était encore plus repoussant que son odeur, il me lâcha dans un cri de douleur et recula. Du sang coulait de la morsure et il me gifla si fort en réponse que ma lèvre se fendit. Des points noirs dansèrent devant mes yeux, mais je luttais pour rester debout et ne pas baisser les yeux face à Vrax. Non ce n’était pas non plus de cette manière qu’il me briserait.
“—Sale putain ! jura-t-il. Tu vas le regretter.
— Libère-moi et affronte-moi plutôt à la loyale ! Répliquai-je. On verra qui le regrettera.
-Ton Grand Seigneur de frère t'a trop gâté. Ici, tu apprendras à rester à ta place femme, fit-il dans un grondement.
— Compte-là-dessus, crachais-je.”
Il me fixa les yeux emplit d’une colère froide, puis il sourit cruellement, ramassa la gourde et en vida le contenu juste devant moi. Puis, il tourna les talons me laissant de nouveau seule. J’avais encore la sensation de sa main rude et épaisse sur mon sein. Un goût de bile me remonta dans la bouche, j’aurais vomi si mon estomac n’avait pas été vide. D’autres guerriers me jetaient des regards mauvais. Aucune femme n’osa lever la tête. Aucune hormis l’inconnue qui m’avait déjà dévisagé plus tôt. Elle baissa vite les yeux lorsque Vrax passa près d’elle. Il avait posé ses mains sur moi avec tellement d’avidité et la jeune Illyrienne le regarda avec tant de crainte que je compris que je n’étais pas son coup d’essai. Ce type avait pour habitude de prendre ce qui lui faisait envie. Si je parvenais à m’échapper je m’assurerais qu’il ne toucherait plus jamais aucune femme sans son consentement.
Mes yeux s’ouvrirent alors que le soleil couchant teintait les sommets environnants de rouge. Un vent frais annonçait une nuit glaciale. Tous mes membres étaient engourdis. Comment avais-je pu être assez stupide pour m’endormir ? La faim s’ajoutait désormais à la soif, ma langue était collée à mon palais et chaque inspiration irritait ma gorge sèche. Korvax se tenait devant moi, un sourire narquois sur le visage. La tête et le corps douloureux, je me relevais pour lui faire face en essayant de ne pas trembler. Vrax n’était visible nulle part.
“— Alors, Elysia de la Cour de la Nuit, est-ce que ton séjour au Pic de l’Orage est à ton goût ?
-Pas d’avis sur la nourriture et la boisson, il n’y en a pas, fanfaronnais-je. C’est dommage. Et si vous attachez ainsi tous les voyageurs de passage, je comprends mieux pourquoi vous avez si peu de visiteurs.”
Ses yeux brillèrent de colère et se fixèrent sur ma lèvre fendue et gonflée.
“— Méfie-toi que je ne laisse pas Vrax s’amuser davantage avec toi, menaça-t-il. Peu importe, que tu refuses de nous donner le véritable motif de ta présence ici. J’ai décidé de me servir de toi pour faire passer un avertissement à ce bâtard qui se fait appeler Général.”
Il s’avança vers moi, une lame étincela dans la lumière du couchant, je ne pus retenir une exclamation, mais il coupa simplement une mèche de mes cheveux.
“—Nous verrons, comment ton cher Cassian réagira à ce présent. Peut-être sera-t-il en mesure de convaincre le Grand Seigneur de rétablir les plus ancestrales des traditions Illyriennes. Si cela ne suffit pas, sûrement, trancherai-je une de tes jolies oreilles pointues, et en dernier recours…. Je n’hésiterai pas à te priver de l’usage de tes ailes, sale métisse indigne.”
La panique que déclenchèrent ses mots dut se voir dans mes yeux, car Korvax sourit de plus belle.
“— Alors petit chat sauvage à la langue si bien pendue, on n'a plus rien à répondre ?
— Vous ne réalisez pas ce à quoi vous vous exposez si vous vous en prenez à moi ainsi, soufflais-je. Mes frères vous tueront tous.
— Oh, ça j’en doute… Même ici, si loin dans le nord, les rumeurs nous sont parvenues. Ton bien-aimé frère le Grand Seigneur, en dépit de tous ses pouvoirs éprouve de nombreuses difficultés pour établir son autorité, tant à la Cité de Pierre qu’ici en Illyrie. Et si l’on apprend qu’il a laissé son Général massacrer un Clan tout entier, la révolte grondera. Alors que fera-t-il, Elysia de la Cour de la Nuit ? Il n’aura pas d’autre choix que de négocier avec moi pour obtenir ta libération. L’état dans lequel il te récupèrera dépendra de son degré de coopération. Et du tien. Si tu acceptes de répondre à mes questions, je te promets que tu seras mise à l’abri pour la nuit, avec de l’eau et de la nourriture.”
Le soleil était en train de disparaître derrière les montagnes et la température chutait rapidement. Je frissonnais, mais pas à cause du froid. Il fallait que je tienne jusqu’à la nuit et espérer que mon pouvoir s’éveille et surtout me soit soumis… Je n’avais aucune information intéressante à lui fournir, lui avouer que j’avais perdu le contrôle de ma magie la nuit dernière, ne serait qu’un aveu de faiblesse supplémentaire. Alors, je gardais obstinément le silence, néanmoins, je n'osais pas croiser le regard du chef de Clan. Il aurait lu dans mes yeux la terreur que ses paroles m’avaient inspirée et il n’en était pas question.
“—Très bien, reprit Korvax devant mon silence obstiné. Nous verrons dans quel état nous te retrouverons demain matin. La morsure de la bise des montagnes parvient toujours à convaincre les plus récalcitrants de coopérer.”
Il fit signe à deux guerriers qui resserrèrent mes liens, meurtrissant mes poignets et mes chevilles. Je ne résistais pas. Je devais à tout prix économiser mes forces pour cette nuit. Je sentais à peine mes mains et mes pieds et chaque mouvement était douloureux. Je fermais les yeux, oscillant entre la veille et un demi sommeil. Très vite le froid me fit claquer des dents. J’essayais encore et encore de convoquer mon pouvoir, mais la peur s’était insinuée en moi comme un poison dans mes veines et la magie refusait obstinément de me répondre. Deux nouveaux gardes vinrent remplacer les précédents, ils étaient jeunes et ne portaient pas de siphons. J’avais si froid et j’étais si épuisée que j’avais perdu la notion du temps. Même si Lorcan et Miren avaient échappé aux patrouilles du Pic de l’Orage, rien ne disait qu’ils n’aient pas fait une rencontre pire encore. Un des redoutables prédateurs qui vivaient dans ces forêts, où un autre clan hostile aux mesures de mon frère. Amren avait sûrement retourné tout Velaris à l’heure qu’il était, mais l’Illyrie serait le dernier endroit où elle penserait à venir me chercher… Peut-être valait-il mieux que je meure de froid et de soif cette nuit, plutôt que de les laisser me transformer en monnaie d’échange...
Un bruit léger et répétitif attira mon attention : des ronflements. Des ronflements ?! Les deux sentinelles dormaient en effet appuyées sur leurs lances. La Mère m’envoyait-elle enfin un signe ? J’entendis quelqu’un approcher. Mon corps entier se tendit, cependant, il ne s’agissait pas de la démarche lourde d’un guerrier, mais de pas plus légers, presque furtifs. La lumière blafarde de la lune révéla la jeune Illyrienne qui m’avait observée à la dérobée dans la journée. Elle s’agenouilla devant moi et porta une gourde à mes lèvres. L’eau qui s’écoula dans ma gorge me parut le plus pur des nectars. J’en bu le contenu jusqu’à la dernière goutte.
“— Merci, murmurais-je d’une voix rauque.
— Personne ne mérite d’être traitée ainsi, répondit-elle sur le même ton.
–Tu as raison, affirmais-je. Est-ce que tu vas m’aider à m’échapper d’ici ?
— Je ne peux pas, chuchota-t-elle. Où irions-nous ? C’est trop dangereux de nuit et si jamais ils nous retrouvent, ils nous tueront. Les herbes que j’ai données aux gardes ne vont pas agir longtemps. J’aimerais faire plus pour toi, mais c’est impossible.”
Elle parlait très vite et je voyais sa main qui tenait toujours la gourde trembler. Cette gamine était terrifiée, elle avait passé toute sa vie dans l’ombre et la terreur de ces mâles brutaux, mais elle avait trouvé suffisamment de courage pour les défier en m’apportant de l’eau. Si j’insistais et qu’elle finissait par céder, je lui ferais courir un plus grand danger encore, mais par le Chaudron, c’était ma chance.
“— Si tu tranches mes liens et que tu t’enfuies avec moi, je te donne ma parole que je te protègerai. Si nous parvenons à rejoindre un de mes frères, nous serons en sécurité, tu n’auras plus à revenir ici si tu ne le souhaites pas.
— Tu ne comprends pas, j’ai une petite sœur, si je ne reste pas pour la protéger, ils… Ses ailes… Sa voix se brisa.”
Je réfléchissais à toute allure. Emmener une enfant au milieu de la nuit dans les montagnes étaient exclus. Je sentais la jeune femme fébrile. Si je trouvais les bons mots, elle me viendrait en aide, il me fallait un moyen de lui garantir la sécurité pour elle et sa sœur. Le seul moyen qui me vint à l’esprit, ferait bondir Rhys et Mor si je les revoyais. Ils m’avaient interdit de passer ce genre d’accord à la légère.
“— Je te propose un marché, repris-je d’une voix calme. Tu m’aides à m’échapper d’ici et je te promets que si nous survivons à cette nuit et retrouvons ma famille, je t’emmènerai avec ta sœur dans un endroit où vous n’aurez plus jamais à craindre pour votre sécurité. Dans une cité où les femmes sont traitées avec respect.”
Les yeux de l’Illyrienne s’agrandirent de surprise. On nous apprenait dès l’enfance qu’il ne fallait surtout pas passer de marché à la légère. C’était la première fois que je proposais un accord sous cette forme à quelqu’un. Rhys va me tuer… La fille réfléchit quelques instants, puis murmura :
“— Marché conclu.”
Je sentis une brûlure au niveau de mon poignet, mais je ne pouvais distinguer le tatouage en train de marquer ma peau, car mes mains étaient toujours attachées. Sans perdre plus de temps, I’llyrienne sortit un petit couteau bien affûté de son sac et entrepris de trancher mes liens. La douleur redoubla dans mes extrémités lorsque le sang y circula de nouveau.
“— Vite, vite, siffla-t-elle entre ses dents. Ils vont bientôt se réveiller.”
Je frottais mes membres endoloris, lorsque je le vis, là, dans le creux de mon poignet, le tatouage qui symbolisait le marché que je venais de conclure : deux ailes membraneuses, munies de serres, entourées des traditionnelles volutes Illyriennes que j’avais tant de fois vu sur le torse de mes frères. Une marque semblable était apparue sur mon alliée, dans son cou. J’étirais mon corps ankylosé et déployais silencieusement mes ailes. L’articulation que Vrax avait tordue n’était plus douloureuse. En dehors de quelques contusions et de ma lèvre fendue, je n’étais pas blessée. Je me tournais vers la jeune femme. Sa silhouette frêle était enveloppée dans une cape sombre, elle en sortit une autre de son sac qu’elle me tendit. Un couteau, une cape. Pour quelqu’un qui voulait simplement m’apporter à boire, elle s’était plutôt bien équipée. Elle surprit mon regard sur sa besace qui semblait bien lourde.
“— J’ignorais si je pouvais te faire confiance, se justifia-t-elle. Ici, on nous apprend que les Grands Fae n’ont que du mépris pour nous.
— C’est vrai pour certains d’entre eux. Pas pour tous. Et je ne suis pas une grande Fae. Du sang Illyrien coule dans mes veines par ma mère. Je ne l’ai pas connue, mais je sais qu’elle aimait son peuple. Mon frère Cassian est très attaché à l’Illyrie, en dépit de ce qu’il y a enduré. Pensais-tu vraiment que je t’abandonnerais à ton triste sort ? Comment t’appelles-tu ?
— Serys, ma Dame.
— Elysia suffira. Je ne suis pas une Dame.”
Je fis signe à Serys de me suivre, vers les râteliers d'armes. Je me saisis d’un baudrier garni de poignards et glissait une épée dans mon dos. Mon regard tomba sur un arc et un carquois, mais j’étais bien meilleure au corps à corps qu’à distance. Et les arcs Illyriens étaient grands et difficiles à manier. Je tendis une dague à Serys qui eut un mouvement de recul.
“— C’est interdit, murmura-t-elle. Les femmes ne doivent pas porter d’armes.
— Foutaise, répondis-je. Ce ne sont pas les organes génitaux qui définissent qui peut manier l’acier ou non.”
Après un moment d’hésitation, elle saisit le poignard que je lui tendais toujours.
“— Si jamais tu es contrainte de t’en servir, vise le visage ou l’entre-jambe. L’intérieur des cuisses et le coup de pied sont également des zones sensibles.”
Elle hocha la tête pendant que je la détaillais de la tête au pied. Un plan se forma dans mon esprit. Elle n’était pas bien épaisse, oui, cela pourrait marcher.
“— Nous allons filer d’ici par la voie des airs, déclarais-je.”
— Impossible, rétorqua-t-elle. Ils ont mutilé mes ailes il y a deux jours.
— Tu ne pèses pas bien lourd, je pense que je pourrais te porter, mais pas sur une grande distance. Comme tu l’as dit, fuir en pleine nuit, c’est prendre le risque de s’exposer aux prédateurs. Est-ce que tu connais un endroit sûr, pas trop loin, pour qu’on s’y réfugie ?
— Oui, acquiesça-t-elle après un moment d’hésitation. Je connais une grotte, j’allais y jouer avec ma sœur. Nous n’en avons jamais parlé à personne, je ne pense pas que les patrouilles la connaissent.
-Parfait, approuvais-je. C’est la Mère qui a fait se croiser nos chemins Serys du Pic de l’Orage. Tirons-nous d’ici avant que ses faveurs ne s’estompent.”
Je soulevais la jeune Illyrienne dans mes bras, elle était si légère… Je ne possédais pas la force physique des mâles, mais j’espérais en avoir suffisamment pour nous mettre Serys et moi à l'abri des griffes de Korvax. Je pris mon envol, silencieusement, à peine gênée par les épées dans mon dos et le poids de celle qui avait osé m’offrir son aide malgré les risques auxquels elle s’exposait.
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Un Pont de verre et d'étoiles (Fanfiction ACOTAR)
Hayran KurguBonjour à tous ! Je vous propose ici ma première esquisse d'une Fanfiction consacrée à l'Univers de la Saga Un Palais d'épines et de roses (ACOTAR en VO). Il s'agit plus exactement d'un What If puisque j'introduis un nouveau personnage aux milieux d...