chapitre XV: Rose au pays des merveilles

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Rose n'avait pas dormi, Thomas non plus, autant dire que l'ambiance était tendue.

Rose se sent prise au piège dans un monde qui n'est pas le sien. Comme Alice dans son pays des merveilles. Rose a l'impression de dégringoler le fameux terrier du lapin blanc, se heurtant à tous les objets qu'il contient. Balancée de tous les côtés, jetée contre le carrelage glacial du pays des merveilles. Son enfer personnel. Risquant de se faire trancher la tête à tout moment.

- Rose. Dit Thomas en entrant dans la cuisine où la jeune femme sirotait son café.

- Shelby. Répondit Rose sans quitter son café des yeux avant de sortir une cigarette.

- Tu permets ? Demanda Thomas en sortant son briquet.

- Non. Prononça Rose avant d'allumer sa cigarette et de quitter la pièce.

Michael descendit à son tour, ayant visiblement également peu dormi.

- Bien dormi ? Demanda Rose en feuilletant le journal de ce matin.

- Non et toi ?

- Non plus. Alors c'est bon tu t'en es remis ? S'enquit Rose levant enfin les yeux de son ouvrage.

- Loin de là. Répondit Michael.

- Bien. Dit Rose en toute indifférence.

Thomas sortit de la cuisine au même moment.

- Je vais chez Ada. Annonça Thomas en passant.

- Tiens, dépose-moi au Garrison tant que tu y es. Dit Rose en se levant.

Thomas lui lança un regard interrogateur avant d'agréer pendant que Michael se décomposait.

*

- Rose. Dit Thomas qui venait de se garer devant le pub.

- Thomas.

- Est-ce que tu te sers de moi pour rendre Michael jaloux ? S'enquit l'Anglais.

- Absolument. Répondit Rose, une cigarette aux lèvres.

- Donc tu m'utilises ? S'esclaffa l'homme.

- Oui. Alors, qu'est-ce que ça fait ? Demanda Rose avant de descendre de la voiture sans se retourner.

À peine Rose entra dans le pub qu'elle se fit submerger par une vague de nostalgie. Cette odeur, cette lumière tamisée, cette ambiance. Au fond, ça lui avait manqué.

- Un whisky. Comanda Rose en s'asseyant au bar.

Si elle n'était pas bourrée en permanence, c'était presque le cas ces jours-ci. Le liquide doré ne lui brûle plus la gorge, la fumée ne la fait plus tousser et le mélange des deux ne lui donne plus la nausée. Elle trouvait impressionnante la rapidité à laquelle son corps s'est habitué à ces poisons. Non pas qu'elle en soit heureuse, juste amusée. Un rien l'amusait ces jours-ci, c'était son moyen de cacher sa peine, ses blessures. Elle peignait les roses en rouge en quelque sorte.

- Depuis quand tu bois à 8 heures du matin ? L'interrogea Arthur lui-même un verre à la main.

- Depuis quelque temps. Répondit Rose.

- Eh bien, te voilà devenue une vraie Anglaise à ce que je vois ! S'exclama l'homme déjà un peu éméché en allumant une cigarette.

- Certainement. Confirma Rose.

Un verre, deux verres, trois verres, sept verres. "Bois-moi" lui crie l'alcool en permanence. Il est midi, Rose est très alcoolisée, plus que d'habitude. Sa tête tourne, tout ce qu'elle dit, pense, fait est lourdement influencé par les quelques grammes d'alcool qu'elle a dans le sang.

- Qu'est-ce que tu fais là ? Demanda Arthur.

- Je bois. Répondit Rose.

- Non, pas au Garrison, en Angleterre.

- Pour être très honnête, je ne sais pas. Répondit la jeune femme.

- Tu devrais rentrer chez toi, ici tu vas perdre la tête. Dit Arthur, plus toqué que chapelier.

Perdre la tête ? N'avait-elle pas déjà perdu la tête ? Ou était-ce la seule chose qu'il lui restait ? Sa tête. Elle avait tout perdu durant cette froide nuit de janvier. Mais perdre la tête n'est-ce pas encore pire que de perdre tout le reste ?

- Suis-je devenue folle ? Demanda Rose.

- Je le crains. Mais la plupart des gens bien le sont. Répondit Arthur en sirotant son verre de whisky.

- comment sais-tu si je suis folle ou non? Interrogea rose.

- tu dois bien l'être, sans quoi tu ne serais pas ici. Énonça simplement Arthur.

Rose resta stoïque un instant. Elle ne voulait pas perdre la tête. Pas encore. Elle s'y refusait.

- Il faut que j'y aille. Dit Rose en se levant avant de quitter l'établissement.

*

Rose fixait le plafond de sa chambre, enfin, de la chambre d'invité de Thomas. L'alcool descendait peu à peu, pourtant Rose n'avait pas l'impression de retrouver la raison.

Quelqu'un frappa à sa porte.

- Oui ? S'enquit Rose en se redressant légèrement.

Thomas entra. Rose fut étonnée qu'il ait daigné frapper.

- Je t'apporte ça. Dit Thomas en déposant un verre en cristal rempli d'eau sur la table de nuit.

- Je te remercie. Prononça difficilement Rose.

Thomas marqua un court temps d'arrêt puis tourna les talons.

- Thomas. Dit Rose faiblement.

- Oui ? S'enquit Thomas immédiatement avant d'allumer une cigarette.

- Est-ce que tu penses que j'ai perdu la tête ? Demanda Rose inquiète de sa réponse.

- Toi ? Perdu la tête ? Non, bien sûr que non. La notion du bien et du mal ? Peut-être. Mais ta tête sûrement pas. Elle est toujours là, aussi belle qu'elle l'a toujours été. Répondit Thomas étrangement philosophe. Il expirait sa fumée qui virvoltait dans les airs comme celle de la fameuse chenille bleue. De celle-ci, on clamait la science infuse. Ça lui allait drôlement bien.

- Merci, enfin je crois. Comme tu l'as si bien dit, je ne sais plus vraiment ce qui est bien et ce qui est mal. Répondit l'Américaine.

- Tu sors avec moi ce soir. Annonça Thomas avant de quitter la pièce.

Rose resta immobile un instant. Allait-elle vraiment suivre Thomas on ne sait où ? Et qu'en est-il de Michael ?

Enfin après tout, elle est folle. Complètement folle. Elle a toute sa tête mais pas la notion du bien ou du mal. C'est déjà ça ! Et puis de toute manière, qu'est-ce que Michael va bien pouvoir lui faire ? Lui couper la tête ?

À suivre...

S.P.Y : one shotOù les histoires vivent. Découvrez maintenant