Chapitre 6 - Orion

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Une autre semaine passa, l'ennui et l'impuissance glissaient sur les corps d'Orion et Xan, qui essayaient petit à petit de trouver une manière de protéger leurs camarades du meurtrier qui rodait toujours autour d'eux. Il fallait continuer à bien suivre les cours en même temps, se préparer aux examens, et cette pression faite sur les étudiants ajoutait à leur angoisse générale.

Un soir où Orion était assis dans un coin de la salle d'étude, prenant des notes pour tenter de résumer le cours des conflits magiques et guerres. Son écriture distraite démontrait de son désintérêt. Il essayait sincèrement de se concentrer, mais ne pouvait cesser de penser à la sécurité de l'école. Il avait des dates et événements historiques à retenir, à apprendre par cœur, mais il n'y arrivait pas, n'y arrivait plus, et se demandait comment c'était possible, désormais de se concentrer dans une telle école. Elle serait toujours marquée de ces deux étudiantes qui sont mortes dans des conditions mystérieuses et affreuses...

Ses pensées furent interrompues par l'entrée fracassant d'une étudiante blonde au regard perçant. En posant son regard sur Orion, elle s'exclama :

— Ah tu es là, enfin ! Je te cherchais.

Les yeux d'Orion se plissèrent d'incompréhension, pourquoi la meilleure amie de Pandore voudrait venir lui parler ? Il se remémora la rumeur qui tournait d'une bagarre qui avait eu lieu entre Liv et Hëna, et se demanda si c'était lié. Orion plaça ses coudes sur la table et posa sa tête sur ses mains, faisant retomber une mèche devant ses yeux, et demanda :

— Pourquoi me cherchais-tu ?

— J'ai trouvé quelque chose... Et toi qui connais bien ce qu'il s'est passé entre Pandore et Hëna... Tu pourrais m'aider à faire un choix.

Elle s'avança jusqu'à la table d'Orion, qui était reconnaissant que la pièce soit vide, car ils auraient bien dérangé tout le monde si ce n'était pas le cas. Liv s'assit alors sur la chaise à côté, et posa son sac à dos sur ses genoux pour y chercher quelque chose. Après quelques secondes de trop selon Orion, elle finit par sortir un papier, qu'elle déplia sous les yeux de son camarade.

— C'est une lettre... Que j'ai trouvée dans la table de nuit de Pandore.

— Tu as fouillé sa chambre ? s'étonna Orion, incrédule.

— Oui, j'en ai eu l'autorisation, de la part du proviseur et de ses parents. C'était ma meilleure amie. Eux aussi veulent comprendre.

L'idée que les familles aussi doivent faire un deuil effleura les pensées d'Orion, le brisant un peu plus. Il n'en laissa cependant rien transparaître, et replaça correctement ses lunettes pour se concentrer sur l'écriture soignée qui remplissait la feuille que tenaient les mains de Liv.

— Je... Je te laisse la lire, bafouilla-t-elle.

Orion acquiesça avant de récupérer la feuille et parcourir le contenu :

Chère Hëna,

Je ne sais pas si j'aurai le courage de te montrer cette lettre, je ne sais même pas vraiment pourquoi je t'écris. Je me souviens de nos vacances chez Orion, de nos baisers, de nos instants volés, de nos sourires discrets échangés... C'était si doux comme moments, et je n'ai de cesse d'y penser. Tu as pris toute la place dans mon esprit, Hëna.

Et pourtant depuis la reprise, tu fais comme si je n'existais pas, comme si rien de tout cela n'était arrivé, tu m'ignores et je te laisse faire. Et ça me fait du mal, parce que j'aurais aimé, sincèrement, passer plus de temps avec toi. Je ne sais pas exactement ce que je ressens pour toi, tu m'as complètement perdue, et je suis tiraillée entre plusieurs émotions, parfois je te déteste et j'ai envie de te frapper, et parfois je t'aime et j'ai envie d'être douce, de devenir meilleure pour toi. Je ne comprends plus rien, tu sais. Mais je me dis qu'on perd du temps, j'aimerais vraiment qu'on se voie plus, pour que je puisse mettre tout ça un peu plus au clair... Je l'espère. J'espère qu'on aura la force d'assumer ce que nous ressentons, qu'on le fera et qu'on pourra enfin vivre quelque chose de beau...

J'ai assez écrit, j'imagine. Peut-être, Hëna, que tu n'auras jamais ces mots entre tes mains, mais au final qu'importe ? Peut-être que j'écris aussi pour me débarrasser de tout ça, pour me permettre d'oublier petit à petit cette situation qui embrouille mes pensées... Je n'en sais rien, j'ai besoin de faire quelque chose pour exprimer tout ce que je ressens, tout ce qui me rend si confuse.

Tienne, quand tu voudras,

Pandore.

Orion relit ces derniers mots plusieurs fois, et esquissa un sourire brisé, avant de reposer lentement la lettre sur la table en bois. Des frissons avaient fait hérisser ses poils lors de la lecture, son cœur était resté serré tout ce temps et son estomac noué. Elles s'étaient fait voler tout le temps dont elles avaient besoin...

— Hëna l'a lue ? demanda-t-il à voix basse.

— Non, c'est pour cela que je viens te voir. Devrait-elle la lire ?

Tout le monde l'avait remarqué, Hëna n'allait vraiment pas bien. Ses amis désespéraient, même s'ils faisaient tout pour être présents. Orion et Xan également avaient essayé de la consoler, de passer du temps avec elle, mais elle voulait éviter tout contact, elle voulait rester seule et qu'on la laisse tranquille. Alors ils avaient fini par accepter. Montrer cette lettre pourrait avoir deux effets ; soit elle lui fait du bien, elle apprend que Pandore l'aimait et aurait voulu plus avec elle, soit c'est pire que tout et l'enfonce un peu plus loin dans l'abysse de sa tristesse. Ce n'était pas une décision à prendre à la légère... La santé mentale d'Hëna était déjà faiblissante, et on ne pourrait pas risquer de la briser plus encore.

— Toi tu en penses quoi, Liv ?

Elle se replaça sur sa chaise en appuyant son dos au dossier, et soupira :

— Je n'en sais rien. Je n'apprécie pas vraiment Hëna... Mais je ne peux pas refuser de lui rendre quelque chose qui lui appartient...

— Cette lettre appartient à Pandore. Elle ne voulait peut-être même pas la lui donner.

Son interlocutrice fit une moue, avant de hausser la tête. Orion essayait de comprendre ses expressions du visage, en prenant soin de ne pas lire ses pensées.

— Tu as raison. Peut-être qu'on ne devrait pas la lui donner alors... murmura-t-elle.

— Je pense qu'Hëna n'est pas prête à la recevoir. Du moins pour l'instant.

Ils se mirent alors d'accord. Au moins pour le moment. Orion se dit qu'ils faisaient peut-être une erreur ; ils ne pouvaient plus compter sur le temps, espérer qu'il soit clément avec eux. Ils en avaient déjà fait l'expérience, et le temps préférait visiblement dérober ce qui leur était cher.

Sous le murmure des ombresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant