Chapitre 8 - Xan

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Le vent frappait fort contre les fenêtres. Le professeur de rituels magiques parlait depuis plusieurs minutes dans une voix monotone qui endormait tous les étudiants. Il répétait ses phrases plusieurs fois au cas où ils n'avaient pas pris de notes, mais cela leur donnait d'autant plus envie de dormir. Xan griffonnait sur sa feuille, des yeux, des visages, des arbres, des champignons. Mais rien n'empêchait l'ennui de s'infiltrer. Iel repensa à tout ce qu'ils avaient essayé de faire avec Orion, de comprendre, pour qu'au final cela ne serve à rien. Ils étaient coincés, ils étaient impuissants. Ils avaient beau réfléchir, ils devaient compter sur l'aide des adultes, et leur faire confiance. Ce qui était spécifiquement difficile pour Orion.

Xan était envahi.e d'images des meurtres, iel voyait Hëna penchée sur le cadavre de Pandore, pleurant à chaudes larmes. Iel se souvenait du murmure incessant, grandissant, de la foule, qui entourait la scène. Tout bourdonnait, comme si l'université avait été envahie par plusieurs essaims d'abeilles. Et peu importe où iel allait, iel risquait de se faire piquer par un dard. Et la peine d'Hëna, qui transcendait les cœurs. Ses larmes qui serraient les gorges, et remplirent les yeux. Xan avait des images dans son esprit, du visage éteint de Pandore, sa peau blanche, et de la peur qui traversait leurs veines quand ils l'ont découverte, allongée sur le sol.

Xan vit aussi le corps d'Amélia au début d'année, plongé dans son sang, d'une couleur bordeaux éclatante. L'horreur de ce massacre, l'horreur de tous les massacres... Tout se rejouait parfaitement dans ses pensées. Toutes les scènes étaient parfaitement claires. Et rien ne le.a quittait. Tout venir le.a hanter de plus en plus, et c'était une véritable torture.

Et le souvenir du meurtrier qui le.a torturait, qui torturait Lucille, alors qu'ils n'avaient rien fait, n'avaient même pas résisté. Ils subissaient la colère et la frustration de cet homme plein de haine.

Mais surtout, ce qui l'inquiétait, était l'absence d'Hëna. Et si c'était son tour ? Non, elle devait simplement se reposer, n'est-ce pas ? Il n'y avait pas de quoi s'inquiéter... Mais un mauvais pressentiment naissait à l'arrière de son crâne. Après réflexion, iel finit tout de même par murmurer à Orion :

— On va dans ma chambre après le cours.

L'étudiant acquiesça, sans mot dire. Peut-être avait-il lu dans ses pensées et savait de quoi il s'agissait, peut-être se réservait-il la surprise.

Plus tard, lorsqu'ils furent tous les deux dans la chambre de Xan, cellui-ci lui expliqua :

— Est-ce que tu as des nouvelles d'Hëna ? Elle a été absente toute la journée.

— Kellan m'a confirmé qu'elle se reposait et prenait soin d'elle. Elle a besoin de temps seule, tu l'as bien vu. Elle est assez grande pour se débrouiller sans nous.

— Oui, je sais... Mais je ne peux pas m'en empêcher...

Orion posa une main rassurante sur l'épaule de Xan, qui esquissa un sourire. Une autre mèche des cheveux noirs d'Orion retomba sur son visage, il la replaça avec énervement.

— Tant qu'on est là, ça te dérangerait qu'on me coupe les cheveux ? demanda-il en riant à demi.

— Non pas du tout. Ça je peux faire.

— Je n'en peux plus là, j'essaie de faire tenir mes cheveux en arrière ou sur le côté mais ils finissent toujours par me retomber sur le visage !

Les deux rirent, et en un instant toute l'atmosphère sombre qui les entourait se dissipa. Ils s'amusèrent alors dans la salle de bain de Xan, ciseaux à la main, à arranger la meilleure coupe pour Orion. Ils s'échangèrent alors des banalités, parlèrent des cours et des professeurs, et, le sourire collé aux lèvres, passèrent du bon temps.

Cela leur fit du bien, un instant de tranquillité enfoui dans toute cette peur et le mystère qui les assaillaient habituellement. Ils purent alors oublier ces émotions mauvaises, et se concentrer sur eux-mêmes pendant quelques minutes.

Des mèches d'Orion reposaient sur le lavabo, contrastant par leur couleur. Orion admirait sa nouvelle coiffure face au miroir, et se parla à lui-même :

— Aujourd'hui est un nouveau jour.

Après un regard dirigé vers Xan, il reprit :

— Nous disons enfin adieu à l'inquiétude, nous sommes libres ! Nous sommes libres, Xan, nous trouverons comment nous libérer de cette mort qui plane sur nos épaules !

— Orion, je...

— Non, Xan, plus de doute, plus rien, ça va aller, ok ?

Orion prit son ami.e par les épaules et le.a secoua en riant, il se sentit renaître, il avait l'impression que quelque chose avait changé. Mais son sourire se figea soudaine. Ses sourcils se froncèrent sous l'air surpris de Xan qui ne comprenait pas son changement brutal. Orion murmura alors, plus grave, tournant complètement dos au miroir :

— Il faut qu'on trouve Hëna, il faut vérifier si elle est bien dans sa chambre, j'ai un pressentiment bizarre.

— Je te l'avais dit...

— Allons dans sa chambre, voir si elle s'y repose bien. Juste pour être sûrs que tout va bien.

Xan fronça les sourcils, mais suivit Orion qui se précipita dans les couloirs, et après une marche rapide de plusieurs secondes, se cogna à un autre étudiant qu'il n'avait pas vu. Ils entendirent la voix de Kellan se plaindre dans sa barbe, mêlée à celle d'Orion, qui s'exclama :

— Kellan ! Est-ce que tu...

— Hëna. On ne sait pas où elle est.

Sous le murmure des ombresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant