Tant que tu vis - Tome 2

Chapitre 49 : La carapace

Cela faisait une heure à présent qu'Hermione avait regagné le laboratoire privé de Rogue en déverrouillant la porte de son bureau à l'aide du sortilège qu'il utilisait lui-même. Elle s'était jurée de ne jamais le faire car pour elle, cela constituait une infraction mais les conditions actuelles lui imposaient de revoir ses convictions.

Elle avait rapidement séché ses larmes, de peur qu'il ne la surprenne dans cet état. Certes, c'était de sa faute si elle se sentait si profondément abîmée mais elle refusa qu'il soit fier des dégâts qu'il avait occasionné si par malheur il tombait sur elle.

Elle n'avait plus mis les pieds en ce lieu depuis longtemps mais elle reprit rapidement ses marques. Puisqu'il la considérait comme une élève, elle n'avait plus qu'à faire ce que tout élève devait faire : travailler.

Sans attendre plus longtemps, elle sortit toutes les notes qu'elle avait conservées dans un petit carnet. Elle s'empara également d'une grande quantité d'ingrédients que Rogue gardait précieusement en sa possession. Au pire, il la rabrouerait comme la simple élève qu'elle était pour son intrusion dans sa collecte personnelle mais elle n'en avait plus rien à faire.

Elle alluma deux chaudrons, les remplit avec un peu d'eau et commença à parcourir son carnet. Durant son séjour à l'Impasse du Tisseur, elle avait eu le temps de lire et d'élargir un peu plus ses connaissances à propos des potions et plus précisément sur les poisons, leurs remèdes et leurs propriétés. Elle n'avait pas beaucoup d'ingrédients à modifier par rapport à l'ancienne potion dont elle avait déjà testé l'efficacité mais c'était sa dernière chance et elle ne comptait pas la laisser passer.

Elle passa une bonne partie de la nuit à préparer les ingrédients et à démarrer la potion. Ce n'est qu'au petit matin, lorsqu'elle sentit ses yeux se fermer, qu'elle décida de mettre en veille sa préparation. D'un geste de baguette, elle fit apparaître un lit d'appoint, ce qui lui rappela ces premières nuits dans ce laboratoire. Elle regrettait déjà la chaleur et le confort que lui offraient les appartements de Severus mais elle n'y avait plus accès désormais.

Cela faisait quelques minutes qu'elle était couchée lorsque la porte s'ouvrit à la volée entraînant avec elle un tournoiement de capes noires dont elle en connaissait le propriétaire. Ce dernier affichait un air renfrogné et lorsqu'il jeta un coup d'œil aux chaudrons, son sang ne fit qu'un tour.

- Granger, en tant que professeur, je vous interdis de préparer une telle potion dans mon laboratoire.

Elle se leva brusquement, prête à riposter mais aucun son n'arriva à sortir de sa gorge encore nouée par les larmes qu'elle avait versées. Rogue sentit quelque chose au fond de sa poitrine se tordre, se nouer lorsqu'il aperçut ses yeux rougis. Si elle n'était qu'une simple élève, se dit-il, il n'aurait pas dû ressentir cette contraction involontaire de son cœur.

- Rangez-moi tout votre bazar et assurez-vous qu'il ne reste rien. Je ne voudrais pas devoir vous exclure, une fois encore, de mon laboratoire.

- Non.

Ce fut le seul mot qu'elle prononça. Ce "non" n'était pas arrogant, ni même dit avec colère et encore moins avec austérité. Il y avait quelque chose de mélancolique, de tendre et triste à la fois.

- Qu'avez-vous dit ? demanda-t-il d'un ton plus menaçant qu'il ne l'aurait souhaité.

Hermione avança vers lui et à la lueur des lanternes, il découvrit son visage blanchâtre. Des cernes tombaient en cascade sous ses yeux, témoins de la nuit blanche qu'elle venait de passer à préparer ses potions.

Elle s'approcha d'un des chaudrons et huma le parfum qui s'en dégageait. Intrigué par son comportement, Rogue l'observa sans cligner des yeux. Imperturbable, elle huma le deuxième chaudron tout en gardant les yeux clos. Un fin sourire étira ses lèvres et elle posa ses yeux dans les siens. Il y découvrit une assurance qu'il n'avait plus vue en elle depuis la soirée de Noël. Son regard bifurqua entre les potions qu'elle préparait et ses yeux aux reflets ambrés.