Chanson du chapitre n°6 : BTS-Magic Shop.
Chapitre n°6 :
« Et tu es tellement loin de moi ».
1er décembre 2023 – 9h35.
« Ce monde a besoin de magie. Sans cette touche d'irréel, il risque de sombrer dans le désespoir ».
Axel, Sous le souffle d'un nouveau Printemps.
Quelque peu conquise, je me devais bien de l'avouer, j'entrai à sa suite. Aussitôt, j'eus la nette impression d'avoir été transportée à l'intérieur d'un autre univers.
Le juke-box était éteint, mais je me retrouvais malgré tout bercée par une magnifique musique. Lek devait sûrement ressentir la même sensation que moi car il se tenait droit comme un piquet, en plein milieu du passage, totalement emporté par la mélodie qui se jouait. Hypnotisée, mon regard se tourna irrésistiblement en direction de sa source. Assis sur l'un des énormes poufs qui coloraient le sol du café, au milieu des tables et autres chaises en bois sombre, Lucien chantait. Car c'était là la réelle action qu'il accomplissait. Autour de lui, une dizaine d'enfants l'écoutait, aussi ensorcelés que Lek et moi. Beaucoup le regardaient avec des lumières qui rendaient leurs yeux brillants ; véritable champ de lucioles à l'intérieur de leurs pupilles. D'autres semblaient incapables de respirer, pris par la voix si indescriptible de Lucien. Je souris tendrement en observant cet adorable spectacle. Car c'en était bien un, en dépit du fait que Luc ne faisait rien de plus que de lire un simple album illustré aux enfants. Mais il le faisait avec ce don inexplicable qu'il possédait.
Quand il lisait, les mots paraissaient l'habiter. Il les murmurait, les chuchotait, les cachait, les hurlait, les racontait, les dévoilait, les riait, les affirmait, les vivait. Il paraissait en être l'enveloppe corporelle. Que chaque mot, était un organe et que tous ensemble, ils l'animaient. Il ne faisait pas que simplement lire, non. Il donnait naissance aux mots. Il les recueillait dans son cœur et les transmettait avec une vérité qui les rendait presque palpables. Lorsque ses lèvres s'entrouvraient, le monde s'ouvrait à son tour et laissait l'imaginaire prendre place. Partout, sa voix raisonnait. Bientôt, je pus même discerner les traits des grenouilles, grizzlis et autres guépards dont il parlait. Se baladant entre les étagères remplies de livres, ils apparaissaient et disparaissaient au fil de la lecture. Sa voix raisonnait partout. À travers les murs, les meubles, à travers les respirations de chacun. Comme à son habitude dès qu'il racontait, Lucien nous ouvrait une porte. Arrêtait le temps. Le temps de laisser vivre les mots qu'il prononçait. Le temps de nous amener l'histoire qu'il contait, dont il était le nouveau chef d'orchestre, et de la laisser exister. Lucien Bartault possédait un super-pouvoir. Celui de donner naissance à l'irréel.
Ce fut durant cet instant hors du temps que je remarquai la présence de Calem, non loin de Luc et des enfants, occupé à préparer divers jus de fruits au comptoir. Comme tout le monde, il avait le regard rivé sur notre ami, admiratif. Cependant, un détail le différenciait des autres. Ses yeux ne brillaient pas seulement d'émerveillement mais aussi de fierté. Un fierté tellement intense qu'elle éclipsait presque tout le reste. Je mis quelques instants avant de comprendre que ce n'était pas que de la fierté, mais aussi de l'amour. Un amour incommensurable, mais caché. Et derrière cet amour qui vivait dans l'ombre, inavoué, il y avait tellement de culpabilité. Tellement de remords et de regrets. Tellement de vérités non dites. Tellement de douleur qui semblait l'empêcher de se déclarer, alors que Luc n'attendait que ça.
C'était comme si un fil les reliait l'un à l'autre. Jusqu'à un certain évènement, chacun avançait en suivant ce fil, se rapprochant petit à petit de l'autre. Puis Calem s'était arrêté en plein milieu du chemin, tendant la main vers Lucien, mais il était encore trop loin, et Lucien, quant à lui, continuait d'avancer. Se retrouveraient-ils ? Ou Calem, après avoir stoppé sa progression, déciderait-il de rebrousser chemin, fuyant Lucien par la même occasion ?
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Les Gens Heureux
Romance« Tant que nous parlons des morts, c'est un peu comme s'ils vivaient encore à travers nous ». Merry Alouette avait toujours cru en la magie de Noël. Et elle aurait aimé y croire encore aujourd'hui, en ce 1er décembre 2023, malgré ses 21 ans bien en...