Chapitre 6 - Knight ⚾

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— Tu plaisantes, Jeff !

Face à mon employeur, j'ai de plus en plus de mal à réaliser ce qu'il vient de m'annoncer. Ce n'est pas possible, c'est une putain de blague !

Derrière ses lunettes et sa barbe de hipster, il me jauge, les bras croisés sur sa poitrine. Après tout ce que j'ai fait pour lui au cours de ces trois dernières années, il me poignarde dans le dos ?

— Désolé, Cassidy. Tu es viré.

Le souffle coupé, j'ai l'impression que l'on vient de m'assener un puissant coup au plexus. Je n'arrive pas à le comprendre.

Ma notoriété au sein de l'université a fait augmenter sa clientèle depuis que je travaille ici. Je pensais être un atout pour son business... et il a le culot de me cracher à la gueule ?

Avant qu'il ne m'embauche, son local était loin d'être ce qu'il est aujourd'hui. Toujours vide, jamais de jeunes entre ces murs. Grâce à mes contacts, à mes relations – ma popularité, merde ! – j'ai fait de la pub pour son établissement. J'ai investi de mon temps et de mon énergie, je ne me suis pas juste contenté de servir des verres. Certes, plus de clients, signifiait plus d'argent pour moi, mais nous étions gagnants tous les deux.

— Tu avais dit que je pouvais prendre les jours nécessaires, lui rappelé-je, à court de mots.

Il n'en a rien eu à foutre lorsqu'il m'a embauché que je n'ai pas vingt-et-un ans, ça ne lui posait aucun problème. Pourtant, ça aurait pu lui causer de sacrés soucis avec la loi. Un mineur, sans contrat, en contact permanant avec l'alcool... et bon sang, j'en ai sifflé des téquilas dans cet endroit pour pousser à la consommation. Et à présent, que j'ai bel et bien l'âge légal et qu'il avait promis de rendre ce job légal, il me fout à la porte ?

— Cassidy, soupire-t-il en s'appuyant contre le comptoir en bois massif. Il s'agit de l'offre et de la demande, ce n'est pas moi qui fixe les règles.

Putain, mais de quoi parle cet abruti ? L'offre et la demande, c'est moi qui l'ai créé dans ce trou à rat. S'il a pu se permettre des réformes, c'est grâce à tout le monde que j'ai ramené. Les mecs de l'équipe de baseball, ceux de hockey, de lacrosse... King et Prince qui me filaient un coup de main pour ameuter du monde les week-ends, même les jours où je ne bossais pas.

Et c'est de cette manière que ce fils de pute me remercie ? En me foutant à la porte dès que j'ai le dos tourné ? J'ai la sensation d'avoir bossé, de m'être laissé la peau dans ce bar, pour que dalle.

J'ai demandé un congé de quatre jours, c'est tout. Et la raison de mon absence n'était pas vaine. Non, elle était de poids. Au téléphone, il m'a dit de prendre tout mon temps... Putain, jamais je ne me serais méfié de cette enflure.

— Jeff, j'ai vraiment besoin de ce job.

Ployer le genou, supplier, je déteste ça. Pourtant, je n'ai pas le choix. Le couteau qui se trouve sous ma gorge me pousse à tout tenter, quitte à m'humilier. Je ne peux pas me permettre de perdre ce boulot, il est ma source de revenus, et les pourboires font toute la différence.

— Désolé, mon gars. T'avais qu'à être là. Cette dernière semaine, ça a été la folie et je dois pouvoir compter sur mon personnel en toute circonstance. Je comprends tes priorités, et c'est très louable de ta part, mais j'ai aussi les miennes. Et il s'agit de ce business. De toute façon, j'ai déjà engagé quelqu'un d'autre, m'avoue-t-il.

Il attrape une enveloppe et me la tend. J'imagine qu'il s'agit de mon salaire et de mes pourboires des deux dernières semaines. La rancœur grandit à chacune de mes pulsations, je n'arrive pas à croire qu'il me foute dehors. Que suis-je censé faire à présent ? Les jobs étudiants sont déjà tous pris depuis un bail. Et il me faut une rentrée d'argent. Ma mère a besoin de mes revenus, je ne peux pas lui faire faux bond. Elle doit acheter des fringues pour Isaak et Dan, et je doute que son salaire de ce mois suffise à payer le loyer ainsi que les courses.

Oak Ridge Campus #2 Knight © (SOUS CONTRAT D'ÉDITION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant