Chapitre 18

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     — Tu ressembles à un daron comme ça, se moqua Lorenzo en se laissant tomber sur le banc, les mains emmitouflées dans sa veste rembourrée.

     Cassien lui adressa à peine un regard, bien trop effrayé à l'idée de perdre sa nièce des yeux. Seul un demi-sourire répondit à son meilleur ami. L'enfant, bien moins frileuse qu'eux, trottinait dans tous les sens avec d'autres enfants de son âge bien qu'elle paraissait toute petite à côté d'eux.

     — Anna t'a refilé son marmot sans craindre pour sa vie ?

     — Je suis pompier, Lolita, répliqua-t-il comme si ce simple mot révélait d'une évidence.

     — Je vais vraiment te faire bouffer l'herbe par le nez si tu continues, menaça le jeune espagnol en lui enfonçant son poing dans l'épaule.

     Malgré le coup, la bonne humeur du brun demeura intacte. Il n'avait pas encore reprit le travail, ne serait sur le marché que dans une semaine, et comptait bien profiter de ses congés avant de retourner derrière un bureau pour faire il ne savait quelle tâche administrative, encore incapable de se servir de sa main, surtout pour les tâches que lui imposait son métier.

     — Tu sais que tu es sûrement le seul pompier canon que je connaisse ? Je pensais que c'était un mythe.

     — Arrête de me draguer Lorenzo.

     — Beurk. Même pas en rêve, s'esclaffa le concerné.

     Les lèvres de Cassien s'étirèrent davantage alors que le froid le faisait grelotter. Ses épaules étaient crispées, remontées jusqu'à son cou pour empêcher la brise glaciale de s'infiltrer sous ses vêtements.

     — T'as pris le numéro de Sophia ?

     — Oui papa, répondit Cassien d'un ton moqueur. Je lui ai même envoyé un message. Je vais me refaire des copains papa, tout va bien.

     — T'es vraiment un connard des fois.

     Cassien savait qu'il n'en pensait pas un seul mot aussi décida-t-il d'en rire. Violette prit ce moment précis pour revenir sur ses pas, les joues rougies par l'effort et la température avoisinant les 3°.

     — J'ai faim ! réclama-t-elle avant de scruter l'inconnu en fronçant les sourcils.

     Lorenzo remonta légèrement son bonnet qui lui tombait sur les sourcils et sourit en même temps que la petite qui le reconnaissait soudainement. Elle le désigna du doigt et s'exclama :

     — T'es le coupain de Loup !

     Cassien, qui fouillait dans son sac où séjournait quelques gâteaux industriels bons à remplir l'estomac de sa nièce, se figea, agacé que ce type soit dans les parages. Si j'avais su, je ne serais jamais revenu.

     — Ouaip.

     — Eh bah, maman, elle m'a dit que j'avais droit de rester là. Avec tonton !

     Le diminutif énoncé d'un ton plus doux, plus timide, émouva les deux hommes qui observèrent l'enfant ceinturer les jambes de son oncle. Cassien passa une main dans les cheveux emmêlés par le vent et lui tendit une compote en gourde.

     — Merki !!

     Elle essaya d'ouvrir la gourde, la tendit à Cassien qui s'exécuta, et la fourra entre ses lèvres, les deux mains appuyées de part et d'autre de l'objet. Amusé, Lorenzo l'observait en silence, reniflant par intermittence.

     — Eh bah, tu sais, moi, moi je suis grande ! Comme ça.

     Elle mit sa main bien au-dessus de sa tête, loin de constater la différence qui la séparait de sa réelle taille.

     — Et les autres eh bah, ils sont comme ça, elle baissa subitement sa main vers son genou. Même qu'y a des bébés.

     — Et toi, t'es pas un bébé ? la taquina Lorenzo.

     — Non !!

     Violette fit les gros yeux en ouvrant grand la bouche, à temps car Cassien lui fourra un biscuit entre les lèvres. Elle pouffa, croqua dedans, et des miettes s'envolèrent un peu partout.

     — Moi j'suis grande. J'ai... deux ans et demi.

     De sa main libre, elle levait deux doigts, hésitant à inclure le majeur dans son calcul, les sourcils froncés.

     — Tu sais, le monsieur, eh bah, il a une vroum-vroum !

     Violette appuyait sa main libre sur la cuisse de Cassien en désignant l'espagnol du bout de son biscuit, se rappelant sûrement un souvenir qu'aucun des deux adultes ne percevait.

     — Une quoi ?

     — Une moto, je suppose, décrypta Lorenzo.

     — Ah ouais ? Tu t'en es finalement acheté une ? s'intéressa Cassien en cherchant de quoi nettoyer la bouche de sa nièce.

     — Cadeau de mes vingt-et-un an. Ma famille m'a aidé, sourit Lorenzo.

     Cassien siffla, seul commentaire qu'il émit. Violette se laissa débarbouiller, consciente d'en avoir partout, trépignant sur place, rassasiée et désireuse de retrouver ses amis qui jouaient dans son dos.

     — Au fait, pourquoi tu voulais me voir ? demanda Cassien après avoir libéré la petite fille qui s'empressait de lui filer entre les doigts.

     — J'étais dans le coin et je voulais te préparer mentalement.

     Il détestait quand son ami passait par des phrases détournées pour lui annoncer quelque chose. Généralement, ça ne lui plaisait pas.

     — Tu vois ? Tu grognes déjà.

     Les taquineries échouèrent à dissiper la suspicion du brun. Lorenzo soupira, mais il préférait mettre les choses au clair au plus vite.

     — Mon anniversaire est en mars, tu te souviens ?

     — Je ne suis pas devenu sénile entre temps, tu sais ?

     — Très bien. Ta répartie est de sortie, je considère que tu n'es pas d'humeur, mais tant pis.

     — De toute manière, tu dis toujours ce que tu veux, marmonna-t-il pour lui-même.

     Lorenzo l'entendit parfaitement, mais préféra ignorer cette remarque, poursuivant sur sa lancée.

     — Je veux que tu sois là.

     — Ok. Mais ? ajouta-t-il après un bref silence.

     — Mais j'ai invité celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom.

     Cassien roula des yeux en râlant, trouvant absurde qu'il exagère la situation. Le sourire goguenard de son ami lui arracha un soupir dépité.

     — Bah je viendrais après.

     — Ce serait con parce qu'il reste généralement jusqu'au lendemain pour m'aider. Tu ne pourrais pas faire un effort ?

     — Lorenzo, tu m'en demandes trop, là.

     — C'est pour ça que je te préviens trois mois à l'avance. Pour que tu... t'armes mentalement.

     Le long soupir résonna entre eux dans l'air glacial. Cassien se savait égoïste à la minute même où il songea refuser en bloc. Lorenzo tentait de le ménager, ne ramenant le sujet sur le tapis que lorsqu'il l'estimait nécessaire. Et il ne se voyait pas demander à son ami de faire un choix entre lui et ce type. Alors il haussa les épaules, incapable de lui donner une réponse honnête.

     — Je verrais.

     — D'accord...

     Préférant se contenter d'une demi-victoire, le sourire joyeux de Lorenzo revint trouver sa place sur son visage.

     — Ça te dit un chocolat chaud ? Je vous invite tous les deux parce qu'on se les pèle dehors !

     — Marché conclu, accepta Cassien avant de héler Violette.

Tome 2 - True LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant