Chapitre 21

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     Il me déteste.

     Voilà bien deux jours que cette phrase tournait en boucle dans sa tête. C'était une chose de le supposer, s'en était une autre d'y être confrontée. Deux jours qu'il ne parvenait à chasser le bleu violent de la mer déchaînée. Le bleu de ses souvenirs. Des souvenirs pourtant très doux avant qu'il n'y jette un éclat de rouge et de noir. Un écho de souffrance et de mensonge. De non-dits. De ténèbres.

     Et pour seul coupable : sa tête.

     Il se massa les paupières en soupirant, espérant vainement chasser l'image d'un Cassien révolté. De cet homme qu'il avait un jour aimé de la plus belle des manières avant de le détruire par lâcheté. Mais le miroir ne renvoya que l'ombre d'un garçon de dix-huit ans qui s'en voulait cruellement de ne jamais rien avoir expliqué, de ne jamais rien avoir dit. Tu n'as pas le droit, se maudissait-il en durcissant l'éclat de pomme qui brillait dans ses yeux. Tu n'as pas le droit de regretter. Les choses sont comme ça à présent.

     Malgré sa résignation, ça n'enlevait en rien toute l'étrangeté de la situation. Cassien était-il en vacances dans les parages ? Son cœur se serra en repensant à ce souvenir, un jour de pluie. Un jour merveilleux avant que le cauchemar ne recommence. Il n'avait rien dit à Lorenzo. Parce qu'il n'y avait plus rien à dire.

     — Loup ?

     Les coups portés à la porte de la salle de bain, verrouillée, l'arrachèrent à la pleutrerie de son esprit. 

     — J'arrive, répondit-il simplement.

     Il écouta à peine Aubin lui gazouiller une réponse romantique, enfila un jogging et un t-shirt avant de trouver une place dans cette minuscule pièce envahie par le bazar pour y pendre sa serviette toute propre.

     — Aubin ? questionna-t-il en observant le canapé vide, mais la télévision allumée.

     — Je suis dans le lit.

     Il s'avança donc jusqu'au sofa recouvert d'une couverture brune où une foule de poils de chat dormaient encore, quoi qu'ils ne formaient plus qu'une seule et même couche, sûrement. Il attrapa la télécommande et éteignit l'écran qui diffusait un son désormais inutile. Aubin ne protesta pas, les yeux rivés sur son ordinateur.

     Loup se faufila jusqu'à son lit et se glissa sous les draps, apaisé par la chaleur que dégageait son petit ami. Il contempla son portable et l'heure indiquée - 22 : 36 - avant de le mettre à charger puis de passer un bras autour des hanches d'Aubin qui, assis et posé contre un oreiller, lui jeta un coup d'œil. La main du châtain alla se perdre dans le peu de boucles ébène qu'il lui restait et il ferma les paupières, accueillant ses caresses paresseuses avec félicité.

     Se réconcilier avec Aubin n'avait rien de compliqué : il suffisait d'attendre que monsieur daigne refaire apparition. Et c'était ce qu'Aubin avait fait au quatrième jour, spécifiant qu'il lui manquait et qu'il était désolé de s'être emporté tout en arguant tout de même qu'un couple était contraint de faire quelques concessions pour pallier aux besoins de tous. Et Loup le savait, seulement il s'en sentait incapable. Pas lorsque cela touchait directement son confort personnel. Egoïste, il assumait pleinement son envie de solitude et ses attitudes d'introverti. Et il aimait son quotidien ainsi.

     — T'es pas en train de t'endormir ?

     Il voulut répondre que non, mais un simple grognement sortit à peine de sa bouche. Il esquissa un sourire en sentant le pouce d'Aubin redessiner sa pommette avant que ses lèvres ne se déposent sur le creux de son œil gauche.

Tome 2 - True LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant