CHAPITRE SOIXANTE-HUIT

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CAMERON

Je termine de rédiger ma lettre à Emery quand Heather Volt frappe à la vitrine de ma voiture.

-Bonjour, bonjour, claironne-t-elle d'une voix claire.

Je ne pensais pas qu'elle arriverait aussi vite car elle m'avait prévenu qu'elle serait très probablement en retard à notre rendez-vous. Je lui fais signe d'attendre une seconde alors que je range mes affaires dans la boîte à gants. L'agente immobilière au carré blond platine et au tailleur fait sur mesure m'accueille avec un sourire étincelant quand je sors de la Ford.

-Mr Thatch, excusez-moi de mon retard.

-Je n'ai même pas vu le temps passer.

-Je vois ça, glousse-t-elle élégamment. Comment allez-vous ?

-Très bien, merci.

J'ai engagé Mme Volt il y a deux mois et je l'ai missionné de me trouver un nouveau chez-moi en contre partie d'une somme qui me semble toujours exorbitante. C'est sûrement pour ça qu'elle est si aimable et souriante. Je la paie suffisamment chère pour qu'elle soit agréable en plus de faire son job.

Au cours des dernières semaines, elle m'a fait visiter près de dix maisons dans Seattle et ses alentours toutes plus spectaculaire et spacieuse les unes que les autres, toutes d'un prix différent. Elles étaient toutes très belles mais aucune n'a suscité mon intérêt. Elles manquaient d'un charme inédit, de ce quelque chose qui m'aurait convaincu d'aligner les chiffres sur un chèque.

Sauf une. La dernière que nous avons visité. J'ai eu le coup de coeur pour celle située dans les hauteurs les plus éloignées de Seattle, j'ai su que c'était la bonne avant même de mettre un pied à l'intérieur et la semaine dernière, j'ai signé tous les papiers d'achat et régler les détails financiers.

Aujourd'hui, je récupère les clés de ma maison.

-Je ne vais pas vous faire attendre plus longtemps, m'intime Heather Volt du haut de ses escarpins à semelles rouges.

Elle fouille déjà dans sa grand sacoche en cuir pour y trouver le trousseau de clés qui me revient désormais.

-Et voilà, Mr Thatch. Les clés de votre toute nouvelle vie !

De sa main parfaitement manucurée, elle fait tomber le trousseau dans ma main.

-Je suis certaine que vous allez vous plaire ici. Le quartier est tellement calme et la ville n'est qu'à une demi-heure de route. Cette maison possède tous les critères que vous souhaitiez. Un grand jardin, quatre chambres, une cheminée, un bel espace de vie et surtout de l'intimité. Vous serez tranquille vis-à-vis des voisins. Je pense que vous serez heureux ici.

-Je n'en ai aucun doute. Je suis presque sûr d'avoir fait le bon choix.

-Presque ? dit-elle, étonnée.

-Il y a une autre personne que cette maison va devoir convaincre. Si c'est le cas alors je serai définitivement sûr de moi.

-Vous me direz si le charme a opéré, rétorque-t-elle alors avec un clin d'œil appuyé.

Cette autre personne c'est Emery, évidemment.

Je ne lui ai jamais dit que j'étais à la recherche d'une maison, j'ai gardé cette affaire secrète et je compte me taire encore un moment. Pour l'instant, Em est encore en tournée et même si elle est de retour sur le continent, les gars et elle doivent assurer encore une dizaine de dates à travers les États-Unis. Elle ne sait donc pas que j'ai acheté cette maison, je le lui ai volontairement caché. C'est une surprise parce que cette fameuse maison, je ne l'ai pas acheté seulement pour moi. J'ai pensé qu'il nous faudrait un lieu où on pourrait tous les deux prendre un nouveau départ à son retour en ville et j'ai cherché la perle rare pendant deux mois avant de tomber sur cet endroit.

Nichée dans les montagnes verdoyantes qui bordent Seattle, ce nouveau chez-moi que j'ai bien l'intention de partager avec Emery est une belle maison de plein pied dont la construction dans les années soixante-dix se reflète dans le style de son architecture. Les murs sont fait de bois et de pierre, le toit est si incliné qu'il en est presque plat et la maison est cernée de buissons et de parterres en fleurs. J'aime cet endroit et j'espère qu'Emery l'aimera tout autant que moi et qu'elle s'y sentira comme chez elle.

Après quelques formalités d'usage, Heather Volt me salue et remonte dans sa petite voiture décapotable, me laissant enfin en tête-à-tête avec la bâtisse. Je prends le temps de l'admirer, d'apprivoiser ce nouvel environnement qui est le mien désormais et de me laisser charmer par le chant des oiseaux, la tranquillité de la rue et l'air qui paraît bien plus respirable ici qu'en ville.

Emery va adorer vivre ici.

En réalité, je n'ai pas acheté cette maison dans le seul but de nous offrir un toit suffisamment grand pour deux ni même de nous accorder un nouveau terrain de jeu pour entamer cette nouvelle vie. Je voulais trouver une maison qui pourrait être la nôtre pour toujours, une maison qu'on transformerait avec le temps en un foyer chaleureux. J'aimerai qu'on vieillisse ensemble entre ces quatre murs, qu'on élève nos enfants ici, qu'on y trouve un bonheur qu'on ne voudrait plus jamais quitter. Je veux là une vie entière avec elle.

Mon coeur bat ridiculement la chamade quand je me sers de mes toutes nouvelles clés et que j'entre dans la maison encore vide de mes affaires et des siennes. Le hall d'entrée s'ouvre d'un côté sur un long couloir menant au garage, à la buanderie et à cette pièce que j'ai imaginé pour Emery. Je l'imagine déjà en faire un studio où elle pourrait travailler. On y installerait un piano et tout ce dont elle a besoin pour faire ce qu'elle aime.

De l'autre côté, un autre couloir desserre les quatre chambre de la maison, la nôtre ainsi que celles qui pourrait un jour être le nid douillet de nos enfants. Chacune d'entre elles est spacieuse et dotée de baies vitrées donnant sur l'extérieur. J'ai déjà choisi laquelle serait notre chambre à Emery et moi.

En face de la porte d'entrée, quelques marches permettent d'accéder en contre-bas au vaste salon dont le plafond est habillé par de grandes poutres en bois. Sans les meubles, l'espace est immense mais je n'ai aucun mal à imaginer leur agencement. Je disposerai deux beaux fauteuils devant la grande cheminée en pierre et la bibliothèque non loin de là, la télévision est le canapé de l'autre côté. La table à manger pourrait trôner devant les autres marches menant à la cuisine ouverte.

Je n'en ferai pas trop pour l'instant, je veux qu'Emery puisse meubler sa maison comme elle l'entend. Elle s'en sortira bien mieux que moi à vrai dire. Je n'ai rien d'un décorateur d'intérieur, j'ai seulement des rêves et des visions de l'avenir en tête que j'espère voir se réaliser. Je laisserai Em s'occuper du reste, je suis certain qu'elle sera ravie de le faire.

Dès que la tournée sera terminée, Emery reviendra à Seattle et nous pourrons commencer une toute nouvelle vie ensemble dans cette maison. On s'organisera pour faire venir toutes ses affaires jusqu'ici, j'aurai déjà emménagé depuis quelques temps et je pourrais l'aider à s'installer à son tour. On changera la couleur des murs si elle le souhaite, on décorera notre nid comme elle en a envie et je m'assurerai qu'elle aime cette maison comme moi je l'aime.

Après un tour des lieux sous les rayons du soleil couchant filtrant à travers les nombreuses baies vitrées, je sors sur la terrasse et observe d'un long coup d'œil l'immense jardin qui borde la forêt. Ma chienne Buffy va adorer courir, jouer et se dégourdir les pattes dans ce grand jardin. Son immensité a eu un impact important sur ma décision finale. Je voulais quelque chose d'assez grand pour qu'un chien et des enfants puissent s'y épanouir.

C'est un petit coin de paradis et il m'appartient désormais.

Il m'a suffit de redécouvrir la maison pour en tomber sous le charme une seconde fois et être certain d'avoir fait le bon choix. Je suis persuadée qu'Emery va en être complètement amoureuse elle aussi. Je me plais à croire qu'on va être heureux ici et que de beaux souvenirs seront créé entre ses murs, des souvenirs qui marqueront notre vie à jamais. 

THE WAY - LE DILEMMEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant