Prologue

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Le visage éclairé par les reflets de la lune filtrant à travers les rideaux, il se tient près de sa porte de chambre. Porte normalement fermée et verrouillée car il ne fait confiance à personne.

Pas même à sa famille. A aucun membre.

A aucun membre du personnel.

A personne.

Celui dont le profil droit demeure ténèbres crochetait la serrure de sa proie, à l'aide d'une épingle à cheveux volée à sa sœur, le jour précédent. Ce jour-là, il s'est introduit dans la salle de bain privée de sa sœur aînée, l'a fouillée de fond en comble, et est finalement parvenu à trouver le saint graal. Comment a-t-il eu vent de cette technique ?

Internet.

Une connexion Wi-Fi.

Un réseau privé virtuel de qualité et coûteux.

Internet était une source infinie d'informations de tout genre. Il était persuadé qu'en cherchant plus profondément, passant outre les frontières séparant le web du dark web, on pouvait y trouver comment assassiner quelqu'un et se débarrasser de son corps sans laisser aucune trace. Mais ce n'était pas nécessaire pour lui, ce n'est pas nécessaire pour un membre de la Cosa Nostra de chercher ce type d'informations sur internet... Il sera entraîné pour cela.

Clic.

La porte s'est enfin déverrouillée et il laisse un instant de silence au cas où sa cible se serait réveillée à cause du bruit. Ce bruit, qui, d'ordinaire est léger et presque doux, mais qui devenait infernal et chaotique à la nuit tombée.

Il sourit.

Il était presque parvenu à ses fins.

Il ouvre alors la porte, un geste si lent qu'il croyait, à ce moment-là, qu'il ne se terminerait jamais. La pièce est plongée dans la pénombre, les rideaux camouflant toute trace de lumière émanant du ciel. Le lit à baldaquin, presque royal, comme s'il était un prince héritier - et héritier, il l'était -, trônait au centre de la pièce. Une légère étincelle de lumière germait de la gauche : une cheminée dont les morceaux de bois brûlaient et crépitaient avec ardeur. Ce serait encore plus facile que prévu, pense-t-il. Les reflets des flammes sur son visage, c'est comme s'il était né en Enfer.

Il se meuve légèrement, se tient debout et ferme délicatement la porte derrière lui. Il est si proche d'elle que le bois de la porte frôle son dos.

Clic.

La porte est fermée, mais pas verrouillée. Il faut pouvoir partir d'ici le plus rapidement possible, sans éveiller les soupçons, et retourner dans sa propre chambre comme si rien ne s'était passé. Les gardes et les soldats penseraient à une taupe dans l'organisation, un attentat contre le successeur, mais jamais personne ne le soupçonnerait, lui.

Si jeune et innocent.

Et pourtant...

Il marche à un rythme bien plus lent que celui de ses battements de cœur. Son organe vital tambourine si fort dans sa poitrine qu'il croit, à un moment donné, qu'il en sortira. Qu'il traversera ses côtes, sa peau, et qu'il tombera, sanguinolent, sur le sol de la chambre du successeur. Ce qui le réveillera probablement. Et il se demandera ce qu'il faisait là, comment était-il entré. Tout serait vain.

Il devait reprendre contenance et se calmer. Son palpitant ne pouvait pas sortir de sa cavité, c'était physiquement impossible. Il le savait.

Un pas devant l'autre, son regard est fixé sur l'homme qui dort paisiblement. Son plan était parfait, il n'y a eu aucun échec, c'était même trop facile pour être vrai.

Pourtant, tout était vrai.

Réel.

Il s'approche du lit, sa respiration s'accélère.

Il est si près...

Si proche du but...

Les yeux du successeur s'ouvrent soudainement. Deux coquilles rondes observent le prédateur. Dans la stupeur, la colère et la précipitation, il monte sur le lit aussi vite que possible et poignarde l'homme dans la poitrine. Il tente de crier, mais le tueur plaque sa main à plat sur sa bouche. Sa main, déjà grande, écrase également son nez et l'empêche de reprendre de l'air. Il s'étouffe sous sa main, sous la douleur que lui procure la lame enfoncée dans son torse. De la morve sort de ses narines, il commence à pleurer, et le prédateur continue.

Il le poignarde une seconde fois.

Une troisième fois.

Une quatrième fois.

Une cinquième fois.

Une sixième fois.

Une septième fois.

Une huitième fois.

Le corps du successeur ne bouge plus depuis un moment, mais dans sa folie meurtrière, il a continué à enlever le poignard de son corps mort et de l'y insérer de nouveau.

Le tueur s'essuie le front plein de sueur avec la manche de sa chemise tachée de sang. Il descend du lit, admire le carnage, le chaos, le désastre qu'il a créé. Il enlève sa chemise qu'il jette dans le feu bouillant de la cheminée. Il regarde quelques secondes ce vêtement brûler et se désintégrer complètement. Il enlève son pantalon et passe un bras à l'intérieur de celui-ci, afin de tourner la poignée de la porte pour l'ouvrir. Aucune trace de sang. Aucune trace d'ADN. Comme si le tueur était entré par la fenêtre... Il la referme délicatement juste derrière lui, toujours avec sa main drapée du tissu de son pantalon. Là, il sait qu'il n'a plus le temps d'attendre, ni de se délecter du meurtre qu'il a commis. Le couteau toujours dans sa main libre, il court cette fois vers sa chambre.

A l'intérieur, il lance son pantalon dans la panière à sale linge. Le couteau, lui, il le cache sous son matelas. Il s'en débarrassera plus tard.

Il se couche dans son lit, couvre son corps presque nu de sa couette douce et chaude. Il ne voulait pas se laver, il voulait garder l'odeur du sang de son ennemi qu'il a évincé sans aucun problème.

Son ennemi ? C'était son frère.

Vicente Abruzzo vient de tuer son frère.

Ce qui fait de lui le successeur de la Cosa Nostra.

Il a huit ans.

MadrinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant