⋅.⋅. 𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟏𝟎 .⋅.⋅

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« Il jouait avec le feu, lui, l'artiste »

La chaleur régnait comme l'impératrice sur son empire ce soir-là. Entre ces quatre murs, il faisait bon vivre. Jungkook était tranquillement assis à son bureau, prêt à bondir à tout moment au son de la sonnette. Il avait déjà récupéré la nourriture, elle était désormais installée sur le plan de travail de la cuisine, attendant patiemment d'être consommée.

Il fallait attendre. C'était la seule chose à faire, là, tout de suite.

Et les dieux seuls savent que c'est ce que Jungkook déteste le plus faire. Pourquoi ? C'était très simple : que faire pendant le laps de temps indéterminé qui séparait le message de Taehyung et son arrivée ? Son cerveau avait cessé de fonctionner correctement en lisant la demande qu'il lui avait faite, il était donc difficile de se relancer dans une activité.

Cette attente avait un goût amer.

Il ne savait pas à quoi s'attendre. Pourquoi Taehyung l'avait-il contacté ? Que lui était-il arrivé ? Pourquoi lui ? En fait, il était incapable de répondre à la moindre de ces questions. Et cette attente n'aidait en rien, elle ne faisait que le confronter un peu plus à ses interrogations. S'en était lassant. Sincèrement, il était las d'être dans tous états à la mention seule de Taehyung. Que lui arrivait-il, bon sang ?

Les yeux voguant dans le vide, il finit par trouver un nouveau point d'ancrage : il y avait sur son bureau des feuilles griffonnées. Jungkook s'en approcha et les saisit entre ses doigts tatoués. Il les avait déjà lu, ces mots penchés et maladroits, plusieurs fois même. Pourtant, il voulait s'y replonger. Peut-être le temps passerait-il plus vite ainsi.

« Victor Hugo a écrit "Demain dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne". Je trouve cela beau. Il savait trouver l'expression, comme une caresse dans nos bouches. Comme une douceur sur nos âmes. C'est demain, dès l'aube que je partirai d'ici, mais j'espère y revivre. Me laisseras-tu revenir ? Auras-tu, toi aussi, lu ces mots "dès l'aube" ? Si tu ne les trouves pas à cet instant, l'effet risque d'être moindre... Je n'ai qu'à espérer. »

Un frisson traversa Jungkook. Ce n'était pas grand chose. Oui, seulement de simples mots couchés sur un papier froissé que Taehyung avait dû piocher dans son sac en vrac. Mais c'était ses mots. Et cela changeait tout.

« Tout ceci pour dire que la soirée fût douce à vos côtés. J'ai trouvé chez toi un foyer insoupçonné. Alors, "demain, dès l'aube", le soleil te couvrira de baisers, illuminant ta jolie peau, embrassant tout ton corps, comme tu as, bien malgré toi, embrasé mon être. »

Il avait chaud ; mais au moins, il ne sentait plus le temps s'écouler sur lui. Lire Taehyung était un voyage, une rêverie. Le temps se suspendait, le cœur s'alourdissait, le corps s'apaisait. Il faisait bon vivre, entre ses lignes. Un soupir échappa aux lèvres de Jungkook, et fébrilement, il récupéra la deuxième lettre. Le brun s'était imposé dans sa vie, et c'est en considérant le petit tas de papier qui commençait à se former sur son bureau qu'il s'en rendait compte : Taehyung avait pris l'habitude de lui écrire quelques phrases à chacune de ses visites, choisissant soigneusement les endroits dans lesquels il les laissait. Ce n'était jamais le même endroit, comme s'il montrait que cet appartement devenait de plus en plus un espace familier. Jungkook sourit à cette pensée.

Le temps le rappela bien vite à l'ordre lorsqu'il entendit la sonnette retentir.

* * *

Tous deux assis sur le canapé, de manière à se faire face, ils s'observaient. Le silence était calculé : il ne fallait pas bousculer les choses, tenter d'aller trop vite. Au contraire, il s'agissait plutôt d'être mesuré, millimétré comme du papier à musique.

𝑪𝒂𝒑𝒓𝒊𝒄𝒊𝒆𝒖𝒙 | taekookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant