Chapitre n°8

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Chanson du chapitre n°8 : Jake Daniels - Liar.

Chapitre n°8 :

« Dernier slow ».

1er décembre 2023 – 10h05.

« J'ai peur, lui confiai-je. Parce que je ne sais pas qui je suis sans toute cette haine ».

                                                                                                    Indigo, Sous le souffle d'un nouveau Printemps.

     Je trouvai Tommy au deuxième étage, celui consacré aux mangas et bandes dessinées. Debout sur une échelle en bois, il tentait péniblement d'attraper d'une main un volume de Fairy Tail rangé au plus haut d'une étagère. La cause de ses difficultés ? Le téléphone qu'il maintenait laborieusement entre son oreille et son épaule, tandis qu'il griffonnait de sa main droite - celle qui n'était pas tournée vers les livres-, des notes sur un cahier. Je me rapprochai de lui sans trop faire de bruit pour ne pas risquer de le déranger avec son interlocuteur. Précaution que ce même interlocuteur- ou plutôt interlocutrice, je supposais- n'avait pas pris la peine de prendre, étant donné la voix féminine que j'entendais vociférer à travers le combiné. Thomas fronça les sourcils.

     -Oui, ne vous inquiétez pas, madame Huguette. Je vous l'assure, votre commande vous sera bien livrée d'ici le début de la semaine prochaine, confirma-t-il d'une voix calme. Et non, nous ne pouvons pas vous l'envoyer plus tôt : le livre n'est pas encore sorti.

     Il y eut un instant de silence avant que Thomas ne reprenne.

     -Oui, nous vous enverrons un mail pour vous prévenir de son arrivée, comme toujours, déclara-t-il sur un ton poli mais son regard laissait transparaître sa lassitude. Ce sera tout ?

     Je ne sus ce que répondit Madame Huguette mais Tommy écarquilla subitement les yeux avant de lâcher un profond soupir d'agacement.

     -Non, madame Huguette, pour la centième fois, je ne peux pas vous transmettre ses informations, il s'agit de données personnelles et privées que je n'ai pas le droit de vous communiquer, refusa-t-il d'une voix ferme en se massant les tempes, au bord de la crise de nerf. Non, je ne peux pas faire d'exception. Et non, je n'irai pas boire un verre avec vous à la place.

     Je manquai d'exploser de rire à l'entente de ces derniers mots, tant la situation était grotesque. Heureusement, je parvins à me retenir. Mon ami laissa s'écouler quelques secondes, soit le temps qu'il fallut à madame Huguette, sûrement notre plus fidèle cliente, et âgée d'une soixantaine d'années, pour lui vriller les tympans en hurlant, je cite : « Allons, mon Tommy, vous pourriez bien faire cela pour moi, non ? Vous êtes jeune, avez les hormones en feu, et moi je suis là, disponible pour vous. Que demander de plus ? Ne me trouvez-vous donc pas ravissante ? ». Les notes menaçantes qui teintaient chacune de ses paroles me firent frissonner tandis que Thomas dut résister à l'envie irrépressible de jeter le téléphone au sol. Cependant, conscience professionnelle obligeait, il était de son devoir de rester courtois et impassible.

     -Ce genre de questions dépasse de loin les limites que je souhaite conserver avec les clients. Ainsi, et vous m'en voyez désolé, je ne peux vous répondre, retorqua-t-il avec un flegme inébranlable et que nous pourrions croire naturel si sa mâchoire n'était pas aussi contractée. Sur ce, Madame Huguette, puisque nous en avons fini avec la commande de votre livre, je vous souhaite une bonne fin de journée.

     Sur ces mots, il raccrocha après que madame Huguette avait finalement cédé et lâché l'affaire. Mais pour combien de temps ? Sûrement jusqu'à son prochain coup de téléphone. En tout cas, Tommy put enfin respirer de nouveau. Ses épaules se détendirent et sa mâchoire se décontracta. Soupirant de soulagement, il attrapa le tome de Fairy Tail tant désiré avant de descendre de son échelle. Il remarqua alors ma présence et m'adressa un petit sourire contrit.

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