Au delà des apparences

Chapitre 7

Kye

Cela fait des heures que je l'ai aidé.

Cela fait des heures que je pense à cette fille.

Cela fait des heures que j'ai cette image en tête : elle, en pleine crise d'angoisse ou je ne sais quoi, mais dans tous les cas, je suis quasiment certain que sa classe n'y est pas pour rien. Pourquoi ? Je suis peut-être un geek, mais pas débile. J'ai remarqué comment ils ont rigolé lorsqu'elle était en larmes. Cela les a fait jubiler de voir à quel point elle était mal. Mais la chose qui me frustre le plus c'est de voir qu'elle n'a pas réagi, qu'elle s'est laissé faire sans ouvrir sa bouche une seule fois. Quand j'y repense et que je repasse la scène en boucle dans ma tête, j'en viens à la conclusion qu'elle vit un enfer et que cela ne date pas d'aujourd'hui.

Je suis sûr que c'est à cause de ses rondeurs. N'est-ce pas débile ? Mais bon... L'homme a toujours était ainsi : juger sur l'apparence, ne faire attention qu'à l'extérieur alors que la vraie beauté se trouve à l'intérieur. On ne vit pas avec son corps même si, sans celui-ci, l'humain n'existerait pas mais, c'est avant tout notre cœur et notre cerveau qui fait les personnes qu'on est. Mais apparemment, les gens du lycée n'ont pas grand-chose dans le ciboulot. La preuve : harceler une adolescente dû à un surpoids ? Stupide au-delà des mots. D'ailleurs, je la trouve plutôt mignonne malgré ses formes. Du moins de ce que j'ai pu apercevoir.

Perdu dans les méandres de mes pensées, je ne fais pas attention à la poêle que je tiens dans les mains et me brûle.

– Aïe, fulminé-je.

Pour soulager la douleur qui commence à s'emparer de moi, me faisant serrer les dents au passage, j'allume le robinet qui se trouve à ma gauche et mets ma main dessous.

L'avantage de ma cuisine est que tout se trouve en ligne. Dans le fond à gauche, il y a le frigo, à côté de ce dernier la gazinière, le plan de travail, l'évier et, finalement, le micro-onde. C'est très efficace pour faire à manger, car on n'a pas besoin de courir dans les quatre coins de la pièce, il suffit juste de faire un pas à droite ou à gauche.

J'attends que la douleur s'atténue et lorsque la sensation de brûlure s'étoffe légèrement, je me remets aux fourneaux afin de finir mon repas pour ce soir : œufs sur le plat avec des frites et de la salade. Ce n'est pas le repas du siècle, mais après une journée de cours, je n'ai pas la motivation de faire un plat qui mettra deux heures à mijoter d'autant plus qu'on est vendredi et que je bosse ce soir.

J'ai fait pour moi, mais est-ce que mon père va manger ? Je n'en sais strictement rien. De ce fait, je me dirige dans le salon qui se trouve juste une porte à côté. Lorsque je rentre dans la pièce, j'ai envie de faire demi-tour tant l'odeur m'horripile. Je prends une grande inspiration et retente mon avancée. C'est comme Fort Boyard : je dois passer des étapes pour arriver jusqu'au canapé qui se trouve, bien évidemment, à l'autre bout de la pièce. Des bières, de la vodka, toutes sortes d'alcool jonchent le sol, des paquets de clopes vides viennent s'ajouter et des vêtements puant l'urine et la transpiration se mélangent à cette salade déjà bien ragoûtante.

Lorsque j'arrive enfin à destination, mon père dort à moitié. C'est assez bizarre comme vision, mais qu'est-ce qu'il me fait pitié.

Je le secoue légèrement, un peu répugné de le toucher. Il marmonne quelques choses dans un langage non identifié dans les langues connues jusqu'à l'heure actuelle.

– Tu veux manger ou pas ? lui demandé-je.

– Ta gueule.

– Pardon ?

– J'ai dit TA GUEULE. Ce n'est pas assez français pour toi ?

– Oh l'alcoolo, tu vas te calmer tout de suite. D'une, si c'est assez français j'étais juste choqué. De deux, je t'ai juste demandé si tu voulais manger. Excuse moi si je fais attention à toi au moins. MOI. Je joue le rôle du père et toi de l'ado en pleine crise là. Tu ne crois pas qu'il y ait un problème dans ce que je viens de dire ? Parce que moi si.