1. Sur le quai

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Sur le quai de la gare, l'atmosphère était beaucoup plus tendue que les années précédentes. Les embrassades (lorsqu'il y en a) se faisaient plus fortes comme pour rappeler à l'autre qu'on l'aime. On se promettait de faire attention.

Devant ce spectacle, certains sentaient leur cœur se serrer. Devant ce spectacle, certains enviaient ce qu'ils n'avaient plus. D'autres, les larmes montaient aux yeux, s'enfuyaient dans le train pour cacher leur tristesse, leur douleur.

On pourrait se dire que c'est assez ridicule d'avoir ce genre de réaction cependant, l'année précédente démontra qu'il fallait profiter de chaque instant avec ses proches. Pendant un an, depuis la mort du plus grand sorcier de Grande-Bretagne, la terreur s'était insinuée sous la peau de chaque sorcier, glaçant leur sang. L'année encore d'avant, lorsque ce sorcier était vivant, ça n'avait été que de l'inquiétude. Il était là. Ça rassurait. Sa mort provoqua catastrophe sur catastrophe.

Au début, il y avait la menace et les menaces. Certaines prirent la fuite. Certains réussirent à se cacher mais d'autres se firent attraper. L'hécatombe prit de l'ampleur jusqu'à la bataille finale qui fut encore bien plus dévastatrice qu'on ne voulait le penser, qu'on ne voulait se l'admettre.

Une femme se souvenait en serrant fort ses enfants contre son cœur. Elle regrettait. Elle regrettait si fort de ne pas avoir pu le protéger, sans avoir pu lui dire "je t'aime", ni même "je suis fière de toi". Et elle regrettait de ne pas pouvoir protéger ses enfants du deuil qu'ils devaient tous porter, en particulier un, son fils jumeau de celui qui était parti à jamais.

Une autre mère n'avait pas compris au début. Son fils aîné n'est jamais revenu de l'école. Après la réalisation, elle s'était effondrée. Maintenant sur le quai, elle n'arrivait pas à se résigner à laisser partir son fils cadet à partir de nouveau. Elle pleurait en le tenant dans ses bras. Elle n'était pas seule. Il pleurait aussi, il avait perdu son modèle, son frère aîné. Il voulait, malgré la douleur, y retourner pour finir ses études, le rendre fière tout comme lui était si fière de celui-ci.

Certains, ce n'était pas un enfant, un frère ou une sœur qu'ils pleuraient, mais un père, une mère. Certains n'avaient plus de tristesse visible sur leur visage, mais une colère grandissante en voyant certains élèves présents sur ce quai. Lesquels ? Les enfants de ceux qui ont retiré les leurs. Certains se demandent ce que ça leur ferait si à eux aussi on leur arrachait leur progéniture.

Ce spectacle, un jeune homme d'une grande blancheur l'observait depuis sa place dans un wagon. Il était en solitaire. Il attendait de voir si ses camarades allaient revenir ou non. Il était venu le plus tôt possible pour éviter justement les regards de ces parents colériques et de certains élèves haineux.

Il attendait dans son compartiment en silence. Il redoutait la rentrée. Il ne la redoutait pas simplement, elle le terrifiait. Il savait qu'il avait fait de mauvais choix qui avaient contribué à cette guerre. Tout ça pour quoi ? Pour sauver sa propre peau ? C'était égoïste, lâche. Du moins, c'est ce qu'il pensait. Finalement, il avait plus vu de morts que de vies sauvées l'année précédente. Il s'en voulait, mais personne ne pouvait le savoir.

Continuant d'attendre alors que l'heure du départ approchait indubitablement, il tenait entre ses incisives l'ongle de son pouce. Il ne voulait pas y aller seul. Il ne pouvait pas, il le refusait. Il ne se sentait pas capable d'y être.

Mais alors que le train se préparait à partir, alors que la machine était mise en route et que le chef de gare sifflait pour annoncer le départ, le visage crispé du garçon se détendit. Il allait se retrouver seul, il en était convaincu.

Le train s'ébranla et le passage se fit de moins en moins important dans le couloir. Quelques passagers le voyaient et s'arrêtaient pour l'observer. Quelques-uns avaient les traits du visage tirés, d'autres le regardaient avec crainte. En ayant marre, il sortit sa baguette et fit se fermer les stores pour qu'on ne puisse plus le voir. C'est juste après l'avoir fait que la porte s'ouvrit. Tournant un regard las vers celle-ci, il vit que ce n'était pas n'importe qui, mais les personnes qu'il avait attendu. La première personne à prendre la parole fut un garçon au teint basané.

- Excuses nous du retard, on était monté en dernier dans le train mais on aurait peut-être pas dû. Il y avait tellement de monde qu'on a eu du mal à se frayer un chemin et...

- On s'est fait arrêter par des élèves aussi, la coupa une jeune femme.

- En effet, reprit-il tout en fusillant du regard la demoiselle. Tu dois certainement te douter des raisons. Encore une fois pour nos origines, ce que nous sommes et ne sommes pas. Cette année sera bien compliquée, il faudra sûrement que l'on reste sur nos gardes si on ne veut pas avoir de mauvaises surprises.

Le garçon qui les avait attendu ne répondit pas. Il détourna simplement le regard vers la vitre du compartiment pour regarder le paysage défiler sous ses yeux. Il aurait pu répondre, mais il n'en avait aucune envie et il ne savait que répondre de toute manière. C'était évident que les autres élèves ne voudraient pas d'eux et c'était la raison pour laquelle il était monté en premier et qu'il avait fermé les stores. Il ne supportait pas les regards qu'on pouvait porter sur lui ainsi que les jugements et les injures qui allaient avec.

Pendant qu'il ruminait, les retardataires prenaient place dans le compartiment, rangeant leurs bagages dans l'espace qui leur était dédié.

Ils étaient partis tous ensemble pour un voyage vers une année qui allait être semé d'embûches. Le premier dirait même que cette année allait être une catastrophe.

Ainsi, c'est dans le silence le plus profond au sein de ce groupe que la locomotive allait de bon train en direction de sa destination. Une destination redoutée par bien du monde.

Poudlard.



Ig : sirrha_wttp

Une année de plus [HP]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant