Chapitre 25

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     — Dooooooonc... t'es en train de me dire que vous vous êtes revus ?

     Les yeux plissés dans sa direction, le goulot de sa bouteille en verre penchée vers son torse, Lorenzo le dévisageait sans y croire. Peut-être rêvait-il ? La bouche entrouverte, il observa Loup pousser un soupir affligé avant de hocher misérablement la tête. Ok. Alors celle-là, je l'avais pas vu venir, songea-t-il en buvant une gorgée de sa bière. Pas aussi vite en tout cas.

     — Et ? Comment tu te sens ? se sentit-il obligé de demander en contemplant l'expression torturée de son ami.

     Loup haussa les épaules, tout à sa propre réflexion. Il touillait sa Piña Colada à l'aide d'une tige en plastique verte, la ramenant parfois à sa bouche pour en récupérer le goût. En sentant le regard insistant de l'espagnol contre sa joue, il avoua tout bas :

     — J'en sais trop rien... mal, je présume.

     Lorenzo pinça les lèvres tout en s'accoudant au bar, pensif. Il y avait des années de cela, il avait sommé Loup d'en parler, de s'expliquer, persuadé que Cassien comprendrait. D'un sourire affreusement triste, Loup avait laissé tomber. Il s'était contenté de secouer la tête et, d'un regard vide, de lui chuchoter "c'est mieux ainsi". À dix-neuf ans, bientôt vingt, il s'était retenu de le secouer dans tous les sens en martelant que rien ne serait mieux s'il ne passait pas aux aveux. Il s'était tu. Avait emporté le secret de Loup dans un silence sans plomb. Et Cassien lui vouait désormais une haine sans nom. Quoi que... c'est peut-être pas si mal la haine, quand on y pense, songea-t-il en fixant l'étagère du bar devant lui. Après tout, on continue de représenter quelque chose quand on est l'objet d'un quelconque sentiment.

     — Tu as pas une super phrase à me sortir de ton chapeau ? risqua Loup, le coin de ses lèvres rehaussé dans un semblant de taquinerie.

     — Mon pote va mal et il veut que je le chambre... t'es pas bien, toi ! Un peu maso sur les bords quand même.

     Content de voir qu'il pouvait encore amuser son ami, Lorenzo lui donna un petit coup d'épaule, histoire de le soutenir bien qu'il se refusait à prendre parti entre les deux. Si Cassien grognait en silence à chaque fois que son prénom était évoqué, il n'en faisait pas un secret car, tôt ou tard, les deux hommes devraient bien se croiser à nouveau. À moins qu'ils ne se fuient éternellement, songea-t-il en se disant que vu comme c'était parti, cela risquait de perdurer.

     — Je sais pas si je suis maso, mais en tout cas, je le mérite amplement.

     — Loup...

     — Non, Lorenzo, le coupa-t-il en passant une main dans ses boucles défaites qui avaient perdu de leur superbe depuis le lycée. Soyons réaliste deux secondes ! Je sais que tu m'adores et que t'essayes de me ménager, mais la réalité, c'est que je suis un connard qui lui a fait du mal. Point.

     — J'suis pas d'accord, protesta Lorenzo en essuyant ses lèvres humides de bière du revers de la main. Franchement, tu pouvais pas réagir autrement à l'époque.

     — Lorenzo, souffla Loup en le fusillant du regard.

     — Bah, tu peux me regarder comme ça, hein. C'est pas comme si tu m'avais un jour intimidé mon bro, pouffa-t-il.

     Malgré le caractère triste de leur conversation, il parvint à tirer un sourire amusé au noiraud qui lui servit même son majeur en guise de réponse.

     — Je reste persuadé que pour un ado de dix-huit piges qui vivait le pire moment de sa vie, tu pouvais pas agir autrement.

     — J'aurais pu lui envoyer un message..., souffla Loup. Genre... juste pour... lui dire.

Tome 2 - True LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant