Laisse couler

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En me réveillant, je remarque que Sonia et moi ne sommes plus sur le canapé.
Enfin si, mais le canapé n'est plus dans le salon. Il est dans ma chambre.
Maman a dû l'animer pour le ramener ici, au 1er étage.
Je me lève, cherche mes chaussons et vais dans la salle de bain. C'est une grande pièce, où il y a des livres gisants au sol.
Qui lit dans sa salle de bain, franchement ?
Eh bien, moi. Et je suis sûre que pleins d'autres gens le font aussi. 
Presque sûre.
Je me plonge dans la baignoire, que j'ai au préalable remplie d'eau très chaude. Il est 5h00 du matin mais ce n'est pas grave, il n'y a pas d'heure pour se changer les idées.
Je me laisse penser à des choses sans vraiment y penser. Tout vaut mieux que revivre la scène de la mort de...
Non. J'ai dis que je n'y pensais pas.
L'eau est devenue froide, signe que je suis là depuis longtemps. Je sors, prend ma serviette, me sèche et m'habille. Je revêt une robe argentée, couleur du deuil à Tah, qui fait ressortir la couleur de mes cheveux, que j'attache en deux tresses collées très longues.
Sonia entre soudain dans la salle de bain, étonnée de s'être réveillée dans la chambre.
- Bonjour, ça va ?
Je ne réponds pas et elle se rend compte de sa question.
- Oh... Désolée. Évidemment ça ne va pas, aujourd'hui c'est l'enterrement.
Hein ?!? Quoi ?
Aujourd'hui...
J'avais oublié ; au moins, le bain a marché pour m'aérer l'esprit.
Comment est-ce possible d'oublier une telle chose ?
- Tu vas tenir sans craquer ?
- Je... Je ne sais pas, franchement.
Sonia s'approche de moi, me prend les mains et me dit dans l'oreille :
- Si les larmes viennent, laisse couler. C'est le meilleur moyen d'aller mieux.
Puis elle ressort de la pièce, allent chercher elle aussi de quoi s'habiller pour l'enterrement.

Cela fait deux jours que Grand-mère... Qu'elle nous a quitté.
Deux jours durants lesquels j'ai retenu mes larmes et répondu « ça va » à ceux qui me posaient la question, en leur adressant un sourire faux.
Deux jours durants lesquels mes amis ont étés là pour moi, me consolant, me parlant...
L'enterrement a eu lieu hier, et ce fus sans aucun doute le pire jour de ma vie, au même stade que celui de papa...
Je suis maintenant assise au pied du saule pleureur, à l'arrière de mon jardin.
Cet arbre est centenaire, c'est le plus vieux de la ville.
Plongée dans mes pensées, je ne vois pas Laya qui me rejoint en courant.
- Sakura ! Sakura ! Sakura !!!
Elle arrive à mes côtés essoufflée et rouge d'avoir tant couru.
- Sakura... Il... faut que... je te dise... quelque chose...
Elle choisit de reprendre son souffle avant de continuer, ce qui est mieux car il était difficile de la suivre.
- C'est Minho ! Il a disparu !
- QUOI ???
Non, non, non, non, non !
C'est impossible !
- Que... Quand a-t-il disparu ? Quand l'as-tu vu pour la dernière fois ?
- Ce matin, je suis allée le voir chez lui mais il n'y était pas. Et pour répondre à ta deuxième question, je l'ai vu hier, après l'enterrement...
- Ok...
Je réfléchis à toute vitesse afin de trouver un moyen de sauver Minho.
Si tant est qu'il a besoin d'être sauvé...
- Sakura, sur la porte de sa maison, il y a des marques étranges. Comme si des griffes s'y étaient accrochées...
- Il faut aller voir...
- Aller voir quoi ?, me coupe Kele, qui vient de nous rejoindre.
- Minho a disparu. Des marques de griffes sont apparues sur sa porte d'entrée et nous voulons aller voir de quoi il s'agit.
- D'accord, dit ma sœur, digérant mes paroles. Je viens avec vous.
Son ton est catégorique, tenter de l'en dissuader serait vain. Je hoche donc la tête et nous partons toutes les trois vers la maison de Minho, qui n'est pas très loin de la mienne.

En effet, sur la porte, de profondes marques sont apparues. Elles n'étaient pas là avant, c'est une évidence, je m'en serais rendu compte depuis longtemps.
Les sillons ont été creusés par des griffes, cela ne ferait aucun doute.
Mais à qui appartiennent ces griffes ?
Leur propriétaire est-il responsable de la disparition de Minho ? L'a-t-il enlevé ?
Il est difficile de rester calme dans ce genre de situation, cependant, Sonia et Kele y arrivent très bien, comparées à moi.
- Je sais, commence ma sœur, à qui appartiennent les griffes qui ont creusées ces sillons.
- C'est qui ?, s'écrie Laya en même temps que moi.
- Je sais qui c'est, mais ça ne va pas vous plaire...
- Dis quand même, je la presse.
- Eh bien, si je ne me trompe pas, ces sillons ont été creusés par une Harpie.

Sakura : la Porteuse des ÉlémentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant