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— Dépêche-toi !

   Nathan aurait aimé protester pour consolider son statut d’homme « moderne », mais cela pressait. Il se convainquit qu’il allait engraisser la terre, attendit que Jannick jette dix mètres de distance et fit sa petite affaire. Il se torcha le cul et lança le papier en l’air. Il aurait dû creuser un trou.

   À la queue leu leu, ils marchèrent un bon moment avant de tomber sur une rivière qui coulait à débit respectable. Jannick retira tous ses vêtements et rentra dans l’eau. Nathan le regarda avec des yeux inquiets tout en mentalisant le bordel qu’il allait endurer ici. Il se trouvait dans un trou perdu, mais ce n’était pas une raison suffisante de trimbaler son pénis sans la moindre retenue. Il enleva quand même ses fringues (hormis son slip) et avança timidement. Il envoya ses orteils prendre la température et comprit que ce n’était pas aussi chaud que prétendait Jannick.

   Avec du recul, il rirait bien de lui. Capable d’encaisser des flèches, mais pas foutues d’éradiquer la peur d’eau froide. Cela lui donnait chaud au cœur. Ce qui voulait dire malgré tout, son humanité persistait. Les dents serrer, il laissa l’eau embrasser ses pieds, et une fois habituer s’amusa à jouer le poisson. Il plongea la tête dans l’espoir de battre un record d’apnée, se frotta le corps et remercia le ciel de lui faire ce cadeau. Cinq minutes plus tard, ses oreilles commençaient à bourdonner. Alors, il sortit de la rivière en se foutant de l’idée qu’il venait peut-être de la contaminer, et se laissa sécher au soleil.

   Nathan ressentit un bienêtre qui le poussa à savourer la musique de ce moment, le chara-design de l’atmosphère et à oublier le reste. Néanmoins, cela ne dura pas. La voix d’Edgard s’accrocha à ses pensées. Merde ! Pourquoi fallait-il penser à ça dans un moment pareil ? Il n’était pas son père. Ils n’étaient pas sa famille, alors c’était pour le mieux. Tout le monde sortait gagnant.

   Son front s’alourdit et ses larmes affluèrent. Non, il ne pouvait pas chialer devant Jannick. Mais rien à faire, sa tristesse prenait de l’ampleur. Il se trouva un endroit où s’assoir, bloqua sa tête entre ses jambes et lutta contre ce mauvais « mood » qui mélangeait tout. Il fit appel à ses souvenirs. Rien ne valait une bonne remémoration de ce moment douloureux : son douzième anniversaire. Il aimait tracer chaque détail qui rendait la scène plus fraiche. Il entendait la rage, voyait la honte, ressentait l’ironie. Néanmoins, cela restait une épée à double tranchant.

   Il ne pouvait s’empêcher de remonter quelques heures plus tôt, quand tout allait bien et que le gout des bonbons à la vanille reposait encore sur sa langue. Quand il dessinait ses amis avec fierté. Quand il ignorait tout. Il finit par laisser tomber et attendit la fin de l’averse. Une fois fait, il releva la tête et remarqua que Jannick s’était déjà rhabiller et qu’il l’observait.

— Tu devrais mettre tes vêtements maintenant, lâcha-t-il avec un soupçon de retenue.

   Nathan s'exécuta tandis que Jannick lui promettait de répondre à quelque une de ses question. Cette promesse mit son cœur en déroute. Il allait enfin pouvoir en apprendre davantage sur cette menace qui pesait sur lui. Il s’appuya sur un tronc d’arbre et inspira profondément. Tant de choses lui trottaient dans la tête.

— Pourquoi ces gens sont-ils après moi ? demanda-t-il d’une voix qu’il voulait sérieuse. Mais elle tremblait légèrement.

— Je l’ignore. Mais ce n’est pas pour te faire des calins.

— Et toi ? Tu m’as bien dit qu’ils te recherchaient aussi.

— J’ai tué des masques noirs.

   Nathan avala sa salive et se gratta la gorge. Il avait donc un meurtrier devant lui.

— Pourquoi ?

— Parce que je suis un monstre.

— C’est trop simpliste comme raison.

— Et c’est pourtant la vérité.

— Et t’es quoi comme monstre ?

   Jannick sourit et tendit sa main droite vers le soleil. Il resta quelque temps suspendu avant d’enfler à vue d’œil. L’avant-bras poussa des poils, les doigts s’allongèrent et des griffes apparurent. Nathan dévorait ce spectacle avec avidité. C’était à la fois effrayant et envoutant.

— Un loup-garou !

   Jannick gardait son visage d’humain et pourtant, son avant-bras soulignait qu’il ne l’était pas. Ou plutôt, qu’il ne l’était qu’un peu. Le silence s’installa entre eux. Les arbres continuaient d’embrasser le vent et la rivière chantait. Nathan essaya de ne pas supplanter sous des tonnes d'explosions se produisait dans ses neurones. Il en fallait de peu pour crier eurêka.

— Alors vous existez ? Les loups-garous existent pour de vrai ? Ce ne sont pas des légendes ?

— Non.

— Et les vampires existent aussi ? Vous êtes supposé être des espèces rivales, non ?

— Oui. Et l’on est pas rivaux.

— Wow !

— Malheureusement, ce n’est pas wow comme tu le dis.

   Sa main se dégonfla, les poils noirs disparurent et ses doigts reprirent leurs formes initiales.

— Le monde est plus dangereux qu’il ne le parait. On pourrait penser qu’être dans sa partie fantastique atténuait les risques, mais c’est totalement l’inverse. C’est dangereux d’être différent.

GØN : quête et guète, Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant