Mon frère est toujours posté en face de moi, m'arrachant le peu d'âme restante au fond de mon être de ses yeux remplis de pitié. Je ne peux pas le regarder, je ne veux plus regarder un homme. Lorsque nos regards se croisent, tout ce que je vois, c'est Ivan Petrovitch. Son visage se confond avec celui de Wolf, sa voix se mélange à la sienne, je ne peux pas le supporter, qui me dit que ce n'est pas lui ? Qui me dit qu'il n'est pas revenu sous une autre forme ? Je sens toujours sa main serrée autour de ma gorge, souriant en me voyant devenir rouge écarlate, les yeux sortant presque de leurs cavités, luttant pour respirer, mais pas assez fort pour bouger. Son membre a forcé le passage jusqu'à mon intimité déchirée, il a poussé avec tant de puissance, dans le seul et unique but de me faire souffrir en prenant son pied que je ne pouvais plus bouger. Ses coups de reins voulaient me faire mal, sa bouche saliveuse sur la mienne désirait me salir, sa violence aspirait à ce que je ne puisse jamais me relever et il a réussi.
« Elvire, soupire-t-il. Je respecte ton choix, si tu ne veux pas rentrer à la maison, ainsi soit-il. Mais au moins, suis-nous dans la voiture. On ira se promener, tu ne seras pas obligée de parler. »
" Tais-toi ", " ferme cette sale gueule de pute ", " tu peux plus parler hein avec ma bite dans la bouche ", ces moments repassent en boucle, encore, encore et encore... Des images, très brèves, intenses, qui me font me revoir battue, frappée, à terre, n'ayant plus la force de me débattre, sinon de rester sur le sol froid en attendant que cela se termine un jour. Les larmes coulent à nouveau sans que je ne puisse les contrôler face à ma faiblesse. Tout est de ma faute, si je ne serais pas sortie seule, Petrovitch ne serait pas venu pour me faire ce qu'il a fait. Je sens petit à petit mon cœur se briser, ma cage thoracique s'alourdir et mon corps se paralyser, mon corps si impur, si sale...
J'essaie tant bien que mal de me lever, ignorant la douleur qui me traverse les jambes, je sens encore les griffes qu'il a laissé près de ma féminité, elles me grattent, je voudrais me gratter et me laver jusqu'au sang, jusqu'à ce que j'oublie qu'il a posé sa main sur moi, que j'oublie qu'il s'est servi de ma bouche pour y mettre son membre, qu'il m'a fait hurler de douleur en pénétrant, qu'il a posé ses lèvres de porc sur moi, que j'oublie.
Je laisse Wolf rejoindre Antoine qui ne m'a pas quitté des yeux avec un visage déformé par la pitié, je ne lui accorde pas même un regard, que penserait-il de moi s'il me voyait si faible, si sale ? Je reste statique un instant avant de les suivre, gardant mes distances. Je marche lentement, les bras croisés sur mon ventre détruit par ses ongles, je tente de ne pas trembler, je m'approche de la voiture de luxe mais je ne monte pas. Incapable d'aller plus loin.
« On monte, me signale mon frère, grimpe dans la voiture quand tu le sens. »
Je hoche péniblement la tête. Ils sont tous les deux là, dans une bienveillance qui me paraît trop étrange, calmes, à mon écoute, patients, attendant simplement que je réussisse à monter dans cette voiture. Je ne sais pas si j'y arriverai, être assise sur une banquette arrière, entendre la respiration courte de ces deux hommes sans défaillir, sans crier, sans appeler à l'aide, sans ressentir son souffle putride dans mon cou... Il faudra bien.
J'ouvre la portière et m'installe en silence, prenant garde à utiliser le moins d'espace possible. Ni Wolf ni Antoine ose me regarder, ils se contentent de s'échanger une brève oeillade avant de démarrer.
Ils ont pitié de toi, sale faible.
Je me pose contre le dossier, n'essayant point de fermer les yeux, je connais déjà le refrain, j'ai déjà essayé de m'endormir, ayant l'infime espoir que tout ceci ne soit qu'un pur cauchemar, mais non. Je ne pourrai plus fermer les yeux sans voir apparaître le regard de ce monstre, son visage, ses mains ? Il me hantera jusqu'à ma mort, que j'ai envisagé après qu'il soit parti, me laissant seule, gisant dans mon propre sang sur le sol de la sainte bâtisse.
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Revers de Médaille
Ficción histórica1945. La seconde guerre mondiale a arraché la vie à plus de 60 millions de personnes, tous les camps réunis. Mais elle a également détruit la vie à ses millions de personnes, qui ont perdu famille, amis, amour et y ont laissé une partie de leur âme...