Chapitre I : le désastre

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Les rayons de l'aube vinrent chatouiller les paupières d'Arwen encore endormies. Elle s'assit sur lit en piteux état, puis elle débarqua dans le modeste séjour. Elle prit place en face de sa sœur, une fillette de dix ans aux yeux bleu électrique, qui petit-déjeunait déjà. Elle lança la conversation :

- Ça va ? Bien dormi ?

- Mmm, grogna sa petite sœur.

- D'accord... fit-elle d'une voix lente. C'est pas la forme olympique aujourd'hui, à ce que je vois !

Astal émit un bruit proche d'un deuxième grognement. La personne ronchonne en face d'elle était tout pour Arwen, littéralement. Il ne lui restait plus qu'elle. Ses parents sont décédés quand elle avait dix ans, les laissant sans famille. Arwen dut alors se débrouiller toute seule pour survivre dans les rues de la Capitale, sa sœur étant trop petite pour l'aider, du haut de ses six ans. Arwen avait bien entendu cherché à savoir auprès des Archives dans le palais ce qu'il était arrivé à ses parents, mais elle n'avait trouvé rien de concluant.

Arwen se leva de la table, pour chercher dans son misérable placard ses provisions. Elle passa en vitesse devant le miroir accroché de guingois sur le mur sale. Mais au lieu d'aller prendre son jus de Groseille-de-Sang stocké dans leur unique rangement, elle recula doucement vers le miroir, car il lui avait semblé avoir vu que les mèches blanches dans sa chevelure s'étaient allongées.

Mais non. Elles n'ont pas bougé, comme le jour d'avant, celui encore avant et les jours précédents.

Arwen les effleura du bout des doigts, ces mèches blanches qui avaient suscité tellement de questions depuis l'âge où elle s'en était rendu compte. Sa main continua sur ses cheveux roux foncé où les reflets du petit matin jouaient avec la lumière, qui se rassemblaient en un fatras de cheveux bouclés sur sa tête. Ses doigts se promenèrent délicatement sur ses joues, piquetées de taches de rousseur. Alors, elle poussa un long soupir :

- Pfff, depuis quand je suis aussi narcissique ?

Elle marcha jusqu'au placard, la raison première pour laquelle elle s'était levée de sa chaise. Distraitement, les céréales et son jus de fruits en main, elle se réinstalla devant sa sœur à table.

- Tu n'as pas fait de cauchemars cette nuit ? s'enquit-elle auprès de sa sœur.

- Non, c'est bon.

Arwen la regarda d'un œil suspicieux. Sa sœur avait quand même l'air de mauvaise humeur ce matin. En la voyant prononcer un chapelet de jurons parce que son omelette était tombée de son assiette, elle se rectifia mentalement : son humeur n'était pas mauvaise, elle était massacrante.

- S'il te plait, pas de gros mots sous mon toit, dit calmement Arwen.

- Ce n'est pas ton toit, et je dis ce que je veux, répliqua Astal, grognon.

- Je préfèrerais que tu parles correctement ici, répéta Arwen, en retenant sa colère.

- Je parle comme je veux !! Arrête de me contrôler tout le temps !

Sa sœur était visiblement sur les nerfs, ce qui signifiait probablement un nouveau cauchemar. Ça l'attristait énormément qu'Astal ne veuille pas lui en parler.

- Je ne te contrôle pas ! J'essaye simplement de prendre soin de toi ! expliqua-t-elle.

C'était vrai. Arwen avait dû s'improviser mère du jour au lendemain, ce qui n'était pas facile. Avec le traumatisme de la mort de ses parents sur les bras, des milliers de questions sans réponses plus une petite sœur de dix ans dans le même cas qu'elle, elle avait fait de son mieux.

- Ben voyons ! Ce n'est pas en m'interdisant le trois quarts de mes requêtes que tu prends soin de moi ! Si tu me trouves si pénible, laisse quelqu'un d'autre s'occuper de moi !

- Parce que tu crois que j'ai le choix ? Je ne peux pas te laisser toute seule, même si c'est tentant ! explosa-t-elle, ne se contenant plus.

- Je n'ai pas besoin que quelqu'un s'occupe de moi ! Tu ne seras jamais Maman !

Arwen recula, un mélange de tristesse de choc affiché sur son visage.

- Qui le fera sinon, depuis que Papa et Maman sont morts ? chuchota-t-elle. Tu préfèrerais peut-être aller dans un orphelinat, c'est ça ?

- Oui, ils seraient plus gentils avec moi que toi !! Au moins, on aurait eu des livres ! Mais en fait, on en a pas parce que t'es trop pauvre pour t'en acheter, et je dois m'en priver avec toi ! cracha Astal.

- Je t'en prie, t'as qu'à le gagner, ton argent ! Je fais mon maximum, mais si tu crois que tu peux faire mieux, vas-y je te laisse la place ! Tous les jours, tu te débrouilleras pour trouver l'argent pour s'acheter à manger, payer la location, l'eau, l'électricité, et faire des économies parce que Madame veut intégrer l'Académie Royale de Magie ! C'est juste une école pour crétins, et en parfaite imbécile tu penses que t'as assez de sang de mage dans les veines pour pouvoir t'y inscrire !

Astal regarda sa sœur avec un air horrifié collé sur le visage. Sa main partit toute seule se coller avec violence sur la joue d'Arwen.

Ce que Astal ni Arwen ne comprirent pas, c'est que la main de la benjamine commença très rapidement à devenir translucide et liquide, et à tomber par terre. Elle eut juste le temps d'articuler « Que... » avant qu'elle ne s'étale tout entière sur le sol, son corps liquide et translucide à son tour.

À l'endroit où se trouvaient les pieds de la fillette gisait maintenant une flaque d'eau.

Arwen resta un moment sans réaction. Puis elle se mit à parler : « Astal, t'es là ? Finalement, tu contrôles la magie ? ». Enfin, elle comprit :

- Oh, sainte déesse Ayra toute-puissante, c'est moi qui ai fait ça à Astal ? M...m...mais, je... Elle est morte ? Non, c'est une flaque d'eau ? Impossible, ma sœur ne se transformerait jamais toute seule en flaque d'eau ! Je le saurais si elle savait faire ça ! Qui lui a fait ça, alors ? C'est... c'est moi ? Ben oui, si c'est pas elle c'est moi ! Comment je fais pour la ramasser ? Vite, une éponge ! Argh, non ! Si je fais ça, elle se retrouvera dans l'éponge ! Et je devrais me promener avec une éponge tout le restant de ma vie ! Mais non, pas le choix ! Bon, quand tu redeviendras humaine, soeurette, tu me diras comment c'était, hein ! Car tu redeviendras humaine, je te le promets ! Je trouverai le moyen ! se mit-elle à penser à voix haute. Bon, vite, l'éponge ! J'arrive, frangine, ne bouge pas ! Ah, mais je suis bête, tu ne peux pas bouger.

Au lieu de rire à sa blague, Arwen se mit à pleurer, sans même s'en rendre compte.

- Aesdrygdë ! Comment vais-je faire ? C'est de la magie ! C'est toi qui aurais pu me sauver, pas moi ! Je... je... peut-être qu'il y a un contresort ! Ou un remède ! Oui, c'est ça ! Bon, l'éponge. 

Arwen se dirigea vers l'armoire ou elle entreposait leurs affaires. Elle ouvrit le placard puis tendit les mains, la vue brouillée par l'eau salée qui dévalait ses joues, pour se servir de l'éponge, mais elle distingua clairement une teinte de peau mate dix fois plus grande que l'éponge avec des cheveux bruns foncés à sa place.

- Aaaaaaah ! Mais qu'est-ce que c'est que ça ?

ArwenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant