12. Personne n'aime les vieilles caves humides

12 2 0
                                    

L'obscurité m'enveloppe comme une épaisse couverture qui sent la terre et la poussière. Tous mes membres sont engourdis et mon esprit confus cherche à déterminer où je me trouve. Je me souviens brièvement avoir aperçu cette queue de renard dans la ruelle, puis du mouchoir de chloroforme. En plus de ça, j'ai une douleur lancinante à l'arrière de mon crâne. J'ai dû me cogner en tombant ou alors ils m'ont volontairement blessée pour obscurcir mes pensées.

Je ne l'ai pas rêvé.

Comment a-t-il fait pour m'avoir ? Comment a-t-il pu s'approcher sans que je m'en aperçoive ? Et surtout pourquoi m'avoir capturé au lieu de me tuer et de me jeter dans l'océan ? Je ne comprends pas l'intérêt de me garder en vie.

Je tente de me redresser contre le mur de roche froide et rêche, mais le bruit et le poids de lourdes chaînes m'indiquent que je suis limitée dans mes mouvements. Sans oublier que j'ai beau essayer de pixeliser, rien ne se passe. J'en conclus qu'ils m'ont drogué, annulant temporairement mon alter.

Je secoue la tête et tente de rassembler mes esprits pour observer autour de moi.

Allez, Aïko, tu dois sortir de là. Trouve une solution, ma vieille !

Après de multiples tentatives pour me libérer des chaînes qui cinglent, mes poignets, mes yeux finissent par s'habituer à l'obscurité et je commence à distinguer quelques détails. En face, une lourde porte métallique laisse entrevoir, par des barreaux, un couloir aussi sombre que le reste des lieux. Au-dessus de l'encadrement, un large néon éteint. Ma cellule est entièrement vide, il n'y a rien que je puisse utiliser à mon avantage pour me tirer de cette situation.

Merde.

*****

De longues heures se sont écoulées, peut-être plus, et j'ignore à quel moment je me laisse emporter par la fatigue et la douleur. C'est une vive lumière, ainsi que le son grinçant de la porte qui me tire brutalement de mon sommeil. Les yeux éblouis par le changement bien trop brutal d'éclairage, je distingue néanmoins une grande silhouette élancée qui avance dans l'encadrement de la porte. Le bruit régulier de ses pas, accompagnés du tac régulier d'une canne sur le sol, résonne dans mon crâne encore affaibli par ma blessure.

一 Bien le bonsoir, ma chère. Je suis navré de voir que vous n'êtes pas la personne que nous voulions, mais j'espère néanmoins que vous êtes assez proche de vos camarades pour qu'ils viennent à votre secours.

J'essaie de toutes mes forces de garder le fil de la conversation, mais ses mots résonnent à mes oreilles comme un flot de cymbales.

L'homme se tient devant moi dans un costume criard, de jaune et de vert. Sa mâchoire carrée est accentuée par ses longs cheveux platine, tirés en arrière et attachés en une queue de cheval qui retombe sur son épaule. De sa main droite, il joue avec le pommeau de sa canne à tête de corbeau et je frissonne en voyant sa main gauche recouverte d'un épais gant mécanique. Deux tuyaux y sont fixés et remontent le long de son bras pour disparaître dans son dos, plantés directement dans sa nuque. Malgré son allure charismatique, cet homme dégage une aura inquiétante, il y a quelque chose dans son sourire qui me glace le sang.

Je me redresse, le regard méfiant, en grimaçant de douleur. Ma tête continue de lancer et le sang frappe frénétiquement contre mes tempes.

一 Qui êtes-vous ? dis-je d'une voix enrouée.

Son sourire se fait plus grand, comme un clown à qui l'on aurait fait une bonne blague. Il place sa canne devant lui et tapote de ses longues phalanges la tête de corbeau sculptée. Je remarque alors que ce corbeau porte un masque et pas n'importe lequel. Un masque d'Overhaul. Je réprime un frisson d'angoisse et plante mon regard méfiant dans les iris jaunes de l'inconnu.

一 Je suis surpris et quelque peu déçu. Ma réputation n'est pas au sommet de sa forme, c'est désolant. Je devrais songer à sortir un peu plus de l'ombre, à l'avenir, qu'en dîtes-vous.

Je le fixe, impassible, bien décidée à ne rien lui dire.

一 On me nomme Green Madness. Mais vous, ma chère, qui êtes-vous ? Il me semble que votre visage m'est inconnu.

Je lève la tête et décide de résister à son interrogatoire.

一Quel dommage, il semblerait que ma réputation ne soit pas au sommet de sa forme, comme vous le dite, rétorqué-je en le fusillant du regard.

Il se penche vers moi, visiblement amusé par mon insubordination. Je sens alors un fort parfum acidulé qui me pique le nez, tandis que son regard pissenlit me scrute attentivement. S'il pense que je vais gentiment répondre à toutes ses questions comme si je discutais avec un ami, il se trompe lourdement. Je lui offre alors un magnifique sourire, puis je lui crache au visage. Il recule au ralenti, les yeux fermés, puis essuie grossièrement la salive du bout de ses doigts.

一 Vous êtes d'une grossièreté. Je suis persuadée que le temps passé ici vous déliera la langue, ma chère.

Sur ses belles paroles, il tourne les talons et la porte se referme sur lui. L'obscurité s'installe à nouveau tandis que j'entends ses pas s'éloigner dans le couloir.

L'épreuve commence alors. Une épreuve éprouvante : l'attente et la torture.

Chaque jour, ou du moins ce qui me semble l'être, l'homme renard revient m'administrer la drogue directement dans les veines. Mon cerveau cherche désespérément une solution à cette situation malgré ce brouillard épais qui s'y installe. Je reste dans ce noir monstrueux, sans manger, perdant peu à peu tous mes repères. Le sommeil m'a quitté depuis longtemps, espérant trouver une faille dans ce plan vicieux.

Pourquoi chercher à attirer les autres ici ? Qui voulait-il à la base ? Quel projet abject cet homme a-t-il en tête ? Je l'ignore. Et cette ignorance mêlée d'impuissance me ronge à petit feu.

Parfois, c'est Green Madness qui entre dans la cellule. Seul.

一 Je commence à m'impatienter, il me manque quelques pièces, mais j'ai besoin d'une en particulier pour faire fonctionner mon plan, commence-t-il en refermant la porte derrière lui. Vois-tu je pensais que vos amis seraient plus rapides en ce qui concerne votre recherche.

Il soupire et se rapproche à pas de loup vers moi. Les murs tanguent violemment sous l'effet de la drogue et mes mains tremblent comme des feuilles agitées par le vent. J'ai l'impression d'être aussi fragile que du papier trempé, il suffirait d'un rien pour me briser.

一 Ma patience est mise à rude épreuve, je dois l'admettre.

Il se penche au-dessus de ma carcasse droguée, épuisée et désorientée, puis, un immense sourire sur ses lèvres pâles, il glisse ses doigts sur ma peau, tel un serpent qui chercherait le meilleur endroit où mordre. Je sens son parfum trop fort qui me tourne davantage la tête et, impuissante, je le laisse faire.

一 Finalement, je suis ravie de vous avoir en otage. Vous êtes une distraction ravissante, glisse-t-il au creux de mon oreille avant de prendre possession de mes lèvres.

J'ai envie de vomir, de hurler, de pleurer, de disparaître.

Au lieu de ça, la seule chose que je parviens à faire, c'est de lui mordre violemment sa langue vicieuse, puis, lorsqu'il s'écarte, je lui assène un coup de tête. Il se relève, chancelant et visiblement furieux, mais je suis ravie d'avoir réussi à lui ôter son sourire de clown, ne serait-ce qu'un instant.

Cette fois il n'ajoute rien sur ma grossièreté et ma sauvagerie. Il part sans un mot et je prie le ciel pour que quelqu'un me sorte de là avant de sombrer pour l'éternité dans le néant. 

Aïko - New HeroesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant