Chapitre 1 : La Bête en bois

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Vive froissa la carte de la région qu'elle tenait en main. La jeune fille s'était perdue sur une route de campagne sillonnée de marguerites. Elle tourna et retourna le papier lui cherchant un sens. Rien à faire, les noms des patelins aux alentours se mélangeaient à force d'être secoué. Elle souffla du nez, son légendaire sens de l'orientation lui jouait encore des tours, c'était à se demander comment elle avait réussi à quitter la capitale.

Son dos craqua, sa lourde besace lui broyait l'épaule, à chaque pas les instruments à l'intérieur cliquetaient, ils accompagnaient son errance en musique. À deux doigts d'abandonner et de revenir sur ses pas, le vent porta à ses oreilles la direction à suivre. Des cris de terreurs résonnaient au loin, ils se démarquaient du calme ambiant de la campagne comme une tache rouge sur une toile blanche. Sans y réfléchir, Vive, qui portait bien son nom, s'élança vers eux.

Son sac, qui martelait sa hanche, produisait des tintements métalliques si puissant qu'ils arrivaient presque à couvrir les hurlements. Vive n'en eut cure, elle mouilla son index de salive et le porta au ciel pour déterminer d'où soufflait la brise. Elle finit par tomber sur un charmant village avec une trentaine de maisons en toit de chaume. Le cadre aurait été idyllique si les habitants ne couraient pas dans tous les sens armés de fourches et de piquets. Les hommes vaillants s'enfonçaient au cœur du village, alors que les femmes cachaient les enfants dans les maisons. Vive tambourina à leur porte, une seule question aux lèvres :

— Que se passe-t-il ? Répondez, je peux toquer tout la journée !

Personne ne put lui donner une réponse clair, la panique s'emparait des gorges les serrant à la limite de la suffocation. À l'intersection de deux foyer, un gamin qui trainait la patte courrait vers un endroit sûr. Vive l'interpella en le pointant du doigt et fut magistralement ignorer. Agacer, elle le poursuivit. Avant qu'il ne se jette dans une botte de paille pour s'y cacher, le jeune fille l'empoigna par le col. La morve au nez, l'enfant se débattu.

— Sorcière, lâche-moi !

— Si tu me dis ce qu'il se passe, et sois polie devant une demoiselle.

Entre deux hoquet, il chuchota en larme :

— Une bête...

Un animal sauvage s'était introduit dans le village. Vive caressa son sac remplit d'outil, ce genre d'incident était typiquement dans ses cordes. Elle serra les poings pour se donner du courage et se précipita vers la place centrale où des sabots tambourinaient les pavés.

Les hommes s'étaient regroupés autour d'un puits fleurit, ils brandissaient leurs armes, soit ce qu'ils avaient trouvé de plus pointu, en cercle et enclavaient désespérément l'intrus. Quand Vive arriva à leur niveau, elle fut confrontée à une palissade infranchissable. Elle sautilla, en vain, pour apercevoir quelque chose, sa petite taille lui faisait défaut.

— Laissez-moi passer, s'époumonait-elle en essayant de forcer la muraille de muscle des paysans travaillant la terre toute la journée.

— Va-t'en fillette, c'est dangereux !

Un colosse à la barbe drue la repoussa, elle tomba sur les fesses. Son anxiété démultipliait son agressivité. Quand la jeune fille laissa échapper un gémissement douloureux, il regretta son geste. Le villageois détourna son attention de la créature pour lui tendre la main et l'aider à se relever. Au lieu d'accepter son aide, Vive ouvrit la bouche pour lui expliquer qui elle était, mais, avant qu'elle ne prononce le moindre mot, l'homme fut soulever dans les airs et projeté plus loin.

L'enclos qui retenait la bête fut brisé, Vive n'eut pas le temps de se relever que celle-ci fonçait sur la brèche qu'elle avait ouverte. Enfin, l'intrus se présenta à elle. La surplombant de toute sa hauteur, un majestueux cerf entièrement en bois la toisa. Sa fourrure avait méticuleusement été taillé dans un chêne par un maître artisan de talent. Les pièces de chacune de ses articulations avaient été construites avec soin et glissaient dans un engrenage parfait. Ses bois et son museau étaient si polis qu'ils brillaient sous le soleil. Un miracle de technologie, en un coup d'œil Vive vit tout l'amour que son menuisier avait mis dans sa confection.

Vive et le monde penchéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant