Chapitre 4 : Géant de bois

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Vive traînait ses bottes pleines de boue, elle avait dévié du chemin menant à la capitale que les paysans lui avaient bien gentiment indiqué pour ne pas qu'elle se perde à nouveau. Attiré par une force surnaturelle vers le lac soit disant vidée qui se tenait à une heure de marche, elle avançait en secouant la tête pour éjecter ses pensées d'inquiétudes. On l'avait bien mis en garde de ne pas tenir compte de ce qu'elle avait entendu et de ne surtout pas quitter le sentier, car les autres routes étaient infestées de brigands qui détroussaient les voyageurs.

Cependant, Vive ne pouvait aller à l'encontre de son intuition. Si une bête avait réellement la capacité d'assécher un lac rien qu'en y plongeant, il était de sa responsabilité de la remonter. Quel dégât pouvait-elle causer quand la folie la toucherait, mieux valait prévenir que guérir. Elle serra la bandoulière de sa sacoche et s'aventurera dans une forêt de sapins dont le bois ferait d'excellent hiboux.

- Excusez-moi, excusez-moi, répétait-elle quand elle marchait sur des racines.

Cela n'était pas encore prouvé, mais pendant ses cours de dendrologie, elle avait étudié une théorie fascinante sur la conscience de soi, la sensibilité et même l'intelligence des végétaux. Les arbres ressentaient le monde extérieur. Ils communiquaient entre eux par les airs et par le sol en envoyant des signaux électriques à leurs congénères et allaient même jusqu'à s'échanger des minéraux et de l'eau. Sa thèse de fin d'études avait porté sur ce sujet, dans celle-ci, Vive avait notifié l'expérience qu'elle avait conduite sur deux plantes exposées à la même quantité d'eau, de lumière et d'engrais. À l'une, chaque jour, elle l'avait couvert de compliment et louer sa beauté, à l'autre, elle l'avait critiqué et insulté. Le résultat, au bout d'un mois, avait tout pour surprendre, la jeune pousse louée avait continué sa croissance tranquillement, alors que l'autre s'était ternie. Les plantes comprenaient les mots, ou tout du moins l'énergie qui s'en dégageait, et cela les affectaient.

A bien y réfléchir, le simple fait que les animaux prenaient le tempérament du bois qui les composaient, prouvait que les arbres étaient des êtres plus proches de l'homme qu'on ne se l'imaginait. Voilà pourquoi Vive les traitait comme des individus à part entier qui méritaient le respect.

Des épines de sapins parsemaient ses cheveux bruns, elle se couvrit la tête de son capuchon rouge, aux couleurs des remonteurs. Plus elle s'enfonçait dans la forêt, plus la terre était humide, était-ce dû à la pluie ou bien le lac renversé était une réalité ? Son avancée se fit moins sereine, quelle bête avait put accomplir un tel exploit. Un éléphant ? Même pour un troupeau cela aurait été impossible. Une baleine tombée depuis le ciel ? Comment se serait-elle retrouvée au milieu des terres, l'océan se trouvait à mille lieux de là ?

Vive inspecta le sol boueux parfait pour conserver une empreinte, à par ses propres pas, il n'y avait aucune trace d'une bête de titanesque. D'ailleurs, il n'y avait pas de trace tout court. Où était les renards en padouk, les lapins de pêcher, les rossignols naîent des arbousiers, et les ours taillés dans l'érable à feuille de vigne ? Le silence régnait autour d'elle, la forêt était morte, ses occupants avaient plié bagage. La jeune remonteuse frissonna, le vent soufflait mais n'amenait aucun grognement de bête, les sons étant trop lourds pour s'envoler. Les animaux n'avaient pu fuir que pour une seule raison : la peur, une bête était arrivée ici, plus imposante que tous les prédateurs de la région.

À force de rester immobile, ses pieds s'enfoncèrent dans la gadoue, Vive se débattu pour s'extirper du piège qui se transformait en marécage. Elle laissa un profond trou en forme de chaussure. Celui-ci capta son regard, l'hypnotisa, elle l'observa le corps inerte mais l'esprit vif. Soudain, elle scruta les alentours la boule au ventre et se rua vers un sapin pour y grimper. S'accrochant à l'écorche, elle monta jusqu'à la vingtième branche, puis se pencha pour contempler le sol. À l'endroit où elle se tenait plutôt, son empreinte se noyait dans celle d'une immense trace de pied. Cela ressemblait à des matriochkas auxquelles on aurait gardé que la première et dernière poupée.

Vive et le monde penchéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant