Chapitre 7 : Duramen, la cité d'os

3 0 0
                                    

Ils arrivèrent à la capitale en milieu de matinée. Holly s'arrêta pour contempler l'entrée de la cité. Vive s'amusa à observer son visage stupéfait, elle avait réagi de la même façon la première fois qu'elle était venue à Duramen. La ville était construite dans le crâne d'un serpent géant. Avec le temps, sa partie inférieure s'était enfoncée dans la terre, on ne devinait sa présence que grâce au crocs qui sortait du sol. La mâchoire supérieure recouvrait la capital, le haute de la tête avait été scier et retirer pour apercevoir le ciel. La gueule grande ouverte, le crâne tenait en équilibre par les deux crochets de devant qui délimitait l'entrée principale. Cela ressemblait à un piège à souris. L'instinct de l'ogre lui soufflait de ne pas y pénétrer. Bien que la chaire du squelette est pourrie il y a fort longtemps, il sentait la bête le scruter par ses orbites creux. La créature jugeait chaque passant qui osait plonger dans son gosier, désireuse de refermer la bouche quand une proie intéressante tomberait dans ses filets. On avait jamais fait plus littérale à l'expression « entrer dans la gueule du loup ».

Autrefois, le pays était sous le joug de ce monstre à écaille qui avalait des villes entières en en-cas. Nombreux guerriers s'y étaient frottés, mais tous avaient terminé dévorés vivant sans être mâché, emprisonnés et digérés pour l'éternité. Si aujourd'hui il n'existait aucune passerelle entre le pays des morts et celui des vivants, à l'époque du serpent géant Oroboros, une troisième contrée dans son ventre, le purgatoire, torturait les hommes pour leurs péchés. Jusqu'au jour où un chevalier doré, un des guerriers chasseurs de monstre, Magnus le Grand, écrasa son marteau sur lui. Enfonçant ses crocs dans la terre, il le contraint à l'inertie. Durant des décennies Oroboros se débattu, frappant le sol de tout son long encore et encore avec véhémence, jusqu'à s'éteindre à petit feu. Son corps dépérit formant plusieurs cercles autour de lui. Ainsi, ses os devinrent les murailles du pays. Le monstre craint par tous avait fini protecteur du peuple, empêchant les assauts ennemis et les conquêtes de territoire. Il était la seule raison pour laquelle le royaume de Tsukka n'avait pas encore perdu la guerre.

Comme tout le monde, Holly connaissait la légende et savait que la muraille d'un blanc éclatant autour de son archipel, que le tsunami avait broyé, était le squelette du serpent. Cependant, il ne pouvait s'empêcher d'être troublé par l'immensité du crâne de la bête. À côté, le géant de bois qu'il avait calciné semblait minuscule, il aurait pu entrer dans un de ses orbites. La différence de puissance entre les anciens chevaliers dorés qui chassaient les monstres, et les actuels chevaliers flamboyants qui se contentaient d'abattre des géants de bois sur le champ de bataille, lui donna le vertige. Comment de simples mortels avaient-ils pu acquérir une force aussi prodigieuse ? Il faisait pâle figure en comparaison.

Plus grande encore que le serpent et que le palais royal qui dominait la ville de sa hauteur, une épée géante plantée dans les jardins de la cours couvraient l'horizon. On pouvait l'observer même à mille kilomètres à la ronde. Elle guidait les voyageurs jusqu'à Duramen telle un phare dans la nuit. Il s'agissait du tombeau de Magnus le Grand, en remerciement pour avoir tué le monstre, tous les forgerons du royaume lui avait bâti une arme à la hauteur de sa légende.

Bien, à partir d'ici il suffisait de rejoindre l'épée pour atteindre le palais, Vive ne perdrait plus son chemin. Tirant Holly de ses rêveries, la jeune remonteuse le poussa à entrer dans la capitale. La ville se réveillait comme un bourgeon qui éclot. Doucement, les portes d'entrée s'ouvraient en grinçant, le vent emportait les bâillements et les salutations légères. Le clergé sonna les cloches de l'église, tirant les derniers rêveurs de leur songe. Pour les plus gros dormeurs, dont même les tintements n'arrivaient pas à les faire émerger, des coqs d'épicéa, avec une horlogerie intégré, venaient chanter à leurs fenêtres. Affairés depuis un bon moment, les commerçants déballaient leurs marchandises sur les étals en bois : le fleuriste lâcha une nuée de papillons, qu'il avait peint toute la nuit, pour décorer son échoppe, le fromager caressa les chats qui gardaient ses produits, le facteur bourra de lettres les besaces des cigognes postières, et le pâtissier alla récolter le miel de ses abeilles pendant qu'une girafe montait des tuiles au couvreur qui réparait le toit de sa boutique. Parallèlement, les paysans des environs, portant des paniers remplis de légumes frais, pénétraient dans la ville par la porte principale entre les deux crocs du serpent, leurs charrettes tirées par des chevaux de cèdre.

Vive et le monde penchéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant