Chapitre 27

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Noah se sentait emprisonné au milieu de ces quatre murs non pas blancs, mais aux tons si clairs qu'ils s'en rapprochaient grandement. C'était d'autant plus difficile qu'il attendait ici depuis une heure... Face à un lit vide. Aux dernières nouvelles, Stiles n'était plus au bloc. On lui faisait passer une batterie d'examens post-opératoires et... Noah n'avait pas compris grand-chose à ce qu'on lui avait raconté. Il avait juste retenu l'essentiel, à savoir que l'on faisait tout pour maintenir son fils en vie et lui garantir le moins de séquelles possibles. On lui avait bien sûr précisé que rien de tout cela n'était certain tant son état était... Difficile à décrire en termes de gravité. Il oscillait entre « mortel » et « miraculeux » car si Noah n'avait pas raconté toute l'histoire dont il était au courant aux médecins, il avait néanmoins dû accepter d'avouer l'essentiel. Quant au reste, il avait inventé. Ici, personne n'était au courant de l'existence du surnaturel à part Melissa et le père de Liam. Garder le silence à ce sujet était donc la meilleure chose à faire.

L'homme de loi laissa son regard froidement clair se poser sur le lit vide. Chaque seconde qui s'écoulait le tendait davantage étant donné qu'il n'attendait rien de plus que son fils arrive. Dès lors, il resterait à avec lui, ne lâcherait pas son chevet – et qu'on n'essaie pas de l'en empêcher. De toute façon, Melissa l'aiderait à faire respecter son souhait. Elle était à l'aise avec l'idée de jouer avec le protocole lorsque la situation l'exigeait et c'était en l'occurrence le cas.

L'on ouvrit soudain la porte et Noah releva tout de suite la tête. Il espéra voir le visage de Stiles, constater par avance une amélioration par rapport à ce qu'il avait entraperçu en arrivant à l'hôpital en même temps que lui... Mais à la place d'un visage juvénile aux traits issus des siens et de ceux de feu Claudia, c'est à Jordan Parrish qu'il dut faire face.

Et même s'il appréciait beaucoup son adjoint, Noah Stilinski n'avait pas véritablement envie de le voir cette nuit. Une certaine colère pointa d'ailleurs le bout de son nez. Le chien des enfers n'avait pas intérêt à lui parler boulot, autrement il l'enverrait bouler sans autre forme de procès. En cette soirée des plus horribles, l'homme de loi n'avait plus rien de loi, mais tout de l'homme. Son étoile de shérif, il ne la portait que pour faciliter certaines procédures. Ce n'était pas de l'abus de pouvoir à proprement parler... Juste une petite aide, un gain de temps, une garantie que l'on ne le laisserait pas de côté – et que l'on ferait tout ce qu'il fallait pour son fils. Noah n'aimait pas agir de cette manière, mais le côté « père » de son âme hurlait à la déraison. Pour une fois qu'il usait de son aura de shérif... On ne pouvait pas le blâmer – on ferait la même chose que lui si on le pouvait.

- Je reviens de la chambre de Lydia, l'informa son cadet. Elle ne s'est toujours pas réveillée mais son état est stationnaire.

Noah ne dit rien, mais même s'il aimait beaucoup la jeune femme, qu'il connaissait comme étant la meilleure amie de Stiles après Scott, il n'en avait actuellement rien à faire. Elle pourrait être morte qu'il ne réagirait pas tant toute son angoisse était tournée vers son fils, à savoir la prunelle de ses yeux. Le reste n'aurait aucune importance tant qu'il n'avait pas la chair de sa chair auprès de lui, avec la certitude qu'il était sauvé.

- Où est Stiles ? S'enquit l'adjoint.

Noah le regarda à peine un instant et haussa les épaules. Il avait la force de répondre, mais pas l'envie. Qu'on ne lui demande pas de faire le moindre effort pour l'instant, parce qu'il n'en réaliserait aucun. Rares étaient les fois où le shérif de Beacon Hills se montrait aussi coopératif mais en cette nuit, impossible d'obtenir de meilleur résultat de sa part. Jordan Parrish le comprit bien vite puisqu'il n'ouvrit plus la bouche durant de longues minutes, luttant contre son envie de l'aider, de tenter de le rassurer même s'il n'était pas doué en la matière. Il eut néanmoins la décence de respecter le désir de silence de son supérieur.

Si Stiles n'était pas mort, Jordan eut l'impression toute particulière que c'était tout comme tant il n'avait jamais vu Noah afficher un tel visage fermé. C'était comme s'il était en train de tout perdre – où que sa vie s'était envolée. Ici, il s'agissait plutôt de la raison de son existence... Qui restait en suspens. Tant qu'il n'aurait pas son fils auprès de lui, le shérif continuerait d'imaginer le pire et d'en vouloir à la terre entière. Quoique même s'il allait bien, l'homme de loi savait fort bien qu'il envisagerait l'idée de passer outre la légalité pour faire regretter aux ravisseurs de son fils d'avoir osé s'en prendre à lui... Et de lui avoir fait tant de mal que l'on ne soit pas certain à cent pourcents qu'il s'en sortirait sans séquelles.

D'ailleurs, Noah se sentait l'âme d'une ordure et n'en avait aucune honte tant ce qui était arrivé légitimait ce fait. Toucher à son enfant, c'était le détruire lui : lui faire perdre un peu de cette humanité qui s'égrenait au fur et à mesure des années. Son boulot le rendait plus froid, plus indifférent.

L'enlèvement et l'agression de Stiles, puis cette histoire de rituel que lui avait vaguement expliqué Deaton... Ces choses-là lui faisaient l'effet inverse. Noah ressentait tout plus fort, mais n'en demeurait pas moins cruel dans ses pensées. Autant dire que s'il était un loup-garou, il aurait déjà bien des meurtres à son actif.

Le temps continua de s'écouler à une vitesse si lente que Jordan Parrish ressentit le besoin de regarder l'heure sur sa montre à de trop nombreuses reprises pour que ce geste ne paraisse pas suspect outre mesure. Mais Noah ne lui prêtait pas la moindre attention. Son regard d'une froideur incroyable fixait la porte close de la chambre.

Porte qui s'ouvrit en grand si tardivement qu'il mit quelques secondes avant de se reconnecter à la réalité. Il se leva brusquement mais ne s'approcha pas du brancard, ni même des infirmiers.

- Attention, fit l'un d'eux à l'attention d'un autre. Il faut y aller tout en douceur.

Noah regarda d'un œil torve ces gens faire passer son fils du brancard au lit d'hôpital. Bien sûr, ils agissaient en prenant de nombreuses précautions, mais le fait est que la simple idée qu'ils le fassent bouger le tendait. Pourquoi ? Parce que Stiles lui paraissait atrocement fragile. Pourtant, il ne l'était pas. Mais il ne bougeait pas, ne semblait même pas vivant et... Enfin cette pâleur maladive lui faisait peur. Les ecchymoses qui marbraient sa peau ici et là ? Elles réveillèrent sa fureur fraîchement enfouie, sans la déclencher complètement. Elle était latente et bien placée. Noah ne la laisserait pas se déchaîner ici, pas sur des innocents non plus – même si l'envie ne manquait pas. Ses yeux fixèrent le visage inexpressif du jeune homme endormi, lequel ne semblait même pas se reposer péniblement. D'un coup, c'est comme si tout le reste avait disparu, perdu son importance. Les infirmiers, il les oublia. Jordan ? Sa présence avait cessé de le marquer dès lors que la porte s'était ouverte sur son fils. La chambre se vida, mais Noah n'attendit pas pour se précipiter au chevet de son fils unique, de sa chair, de son sang. Ses doigts s'emparèrent de sa main trop blanche. Il avait besoin de le sentir, savoir qu'il était là, ici, avec lui. Réaliser que c'était fini, qu'il lui était revenu. Mais Noah sentit un malaise le gagner.

Sa main était froide.

L'Emissaire PrimordialOù les histoires vivent. Découvrez maintenant