Chapitre 30 Klara

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Mon fils fête aujourd'hui son deuxième anniversaire. Je n'avais pas prévu que le temps passe aussi vite, j'ai l'impression que j'avais 18 ans et que je venais de le mettre au monde hier. Il grandit, à une rapidité inimaginable, il marche déjà, s'appuyant parfois de ses mains potelées contre les murs ou les barrières, il prononce énormément de mots sans la moindre difficulté. J'espère faire de mon mieux, remplir mon rôle de mère correctement, et combler un minimum l'absence du père biologique.

Je marche dans tous les recoins possibles de la maison parentale, rangeant tout le bazar causé par Johann avant l'arrivée de Rainer. Depuis quelques mois, il est mentalement à bout, fatigué, en colère pour tout et pour un rien, je ne sais pas ce qu'il lui arrive. J'ai soumis quelques hypothèses à ma mère. Nous pensons toutes les deux que le traumatisme d'Elvire suite à son agression persiste encore, mon frère a peut-être du mal à réaliser qu'il est autorisé à recommencer à vivre sans culpabiliser des autres encore en détention en France, il souffre de syndromes post-traumatiques sévères, alors comment lui en vouloir d'être encore déboussolé ?

J'ignore les cris hystériques de mon fils enfermé dans son parc au milieu du salon, frustré que je n'aille pas avec lui. Je souffle face à ces sons répétitifs, il ne s'arrête pas, il hurle, hurle, hurle. Je tente de ne pas réagir, de ne pas hurler plus fort que lui. Si j'ai bien tiré une leçon de l'éducation que m'ont donné est de ne jamais répondre à ce genre de chose, "l'ignorance est la meilleure des vertus". Est-ce aussi facile lorsqu'on est qu'un seul parent de tout juste 20 ans ? Je n'en sais rien... Je continue mes activités, rangeant des assiettes, des biberons, du linge sale juste à temps, car lorsque je m'arrête, trois coups s'abattent sur la porte.

« Ma sœur ! Comment vas-tu ? Me sourie Rainer en déposant un baiser sur ma jouue.

– Contente de te voir.

– Un cadeau pour le petit, ajoute-t-il en désignant le paquet posé à ses pieds.

– Oh il ne fallait pas, mais rentres Johann se taira peut-être avant que je sombre dans la folie ! »

Il pouffe, se moquant sûrement de mon incapacité à rester patiente. J'aime le calme, ce n'est pas nouveau, tous ces cris bien qu'involontaires, me rappellent les hurlements des femmes agonisantes dans les rues de Berlin juste après la guerre. Je ne les supporte pas.

Rainer s'impose doucement dans le salon sous le regard pétillant de son neveu, qui passe de pleurs interminables à gazouillis tout mignons. Je reste coite. Mon frère n'a jamais eu une cote de popularité très importante avec les plus jeunes, car il ne les a jamais aimé. Je me souviens d'une des discussions que nous avons eu avant qu'il marie Elvire et qu'il s'en aille à la campagne de Pologne.

« Si je ne reviens que dans des années Klara, j'espère que tu auras une famille.

Mais t'aimes pas les enfants Rainer.

Non, je t'ai juste dit que je n'aimais pas assez les enfants pour en avoir. Tu imagines un mini Rainer ?

Ô Diable que non !

Alors voilà, mais pour mon neveu ou ma nièce, les choses seront bien différentes. »

Et effectivement, les choses sont différentes. Rainer n'est plus le type arrogant qu'il était, il est devenu un homme calme, posé, déterminé, qui fait de son mieux pour ne pas laisser ses démons du passé empiéter sur sa vie actuelle.

J'observe avec tendresse Johann tendre les bras vers mon frère avec de larges sourires et des yeux remplis d'amour, frétillant sur place, il rit lorsque son oncle le sort de son parc pour le serrer fort contre lui. Je reste encore spectatrice.

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