l'étreinte du vide ;

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quand le tout noie mais que le rien dévore.


— écrit le : 14/15.03.2024
— 979 mots , pas de spoil,
tw : mention de la mort
@tojivenlyk


c'est troublant ; si c'est pour saigner, à quoi ça sert d'être ouvert ?
nekfeu — les étoiles vagabondes .

c'est troublant ; si c'est pour saigner, à quoi ça sert d'être ouvert ?nekfeu — les étoiles vagabondes

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⠀⠀⠀UNE CACOPHONIE. VOILÀ ce qui régnait dans sa tête depuis ce qu'il croyait être les dernières décennies de son existence. Des bourdonnements incessants, songes dévastateurs dans chaque coin de son cerveau, où qu'ils soient ; son corps, son âme ou son esprit. Son organisme courait à sa propre perte, il en était conscient comme il était conscient de ses cycles respiratoires répétitifs. Et pourtant, malgré ce chahut permanent qui avait nommé en logement son crâne, douloureux et vibrant d'une souffrance certaine, il trouvait le monde silencieux. Beaucoup trop muet pour la corruption qui y régnait, pour les milliards de voix se tranchant dans les airs, pour les Guerres que menait l'Homme pour conquérir les terres de sa propre race, et en anéantir d'autres, pour tous les morts et les vivants, pour tous les gens qui pensaient comme lui ; trop silencieux. Si silencieux que des frissons en dévalaient sur sa peau, et en dessous. Seuls ses songes tintamarresques semblaient résonner, comme s'ils étaient l'unique source de bruit sur des kilomètres à la ronde, voire sur la surface du globe. Et peut-être pouvait-on même les entendre fourmiller, creuser dans son cerveau tels les vers vicieux qu'ils étaient. Ils lui constituaient une aura négative et repoussante, désagréable et aussi dévitalisée qu'un cadavre.


⠀⠀⠀Fushiguro avait le singulier besoin de tout réduire à néant, afin de retrouver son silence. Trop de bruit qui polluait déjà son cerveau amoché depuis bien longtemps, beaucoup trop longtemps. C'était détestable, cette façon dont sa paix spirituelle avait été foutue en l'air, transformée en cendres, qui, comme un phénix, s'étaient ressuscités en cauchemar indésirable. Un phénix qui désormais, calcinait ses entrailles sans une once de réticence, laissant sous ses ailes un feu ardant qui consumait ensuite son âme.


⠀⠀⠀C'était ces pensées, ces cauchemars et ces rêves, ce silence et ce chahut, ces songes, ces voix, ces envies, ces désirs, ces besoins...tout ! Tout ce qui le charmait et l'envirait autrefois devenait le fondement-même de ses plus grands tourments. Voilà ce tout qui nouait sa gorge jusqu'à l'étouffer, lui tordait les intestins jusqu'à le faire vomir, qui montait à sa tête pour faire imploser tout son système dans une détonation que composaient ses cris et ses pleurs brûlés sans même atteindre sa gorge, mourants.


⠀⠀⠀Étendu de tout son long sur le lit central qui ornait, d'un cas bien monotone, sa chambre impersonnelle et aux murs tristement ternes, il laissait son âme se noyer sous la masse brute de ses émotions débordantes, et surtout indésirées. Quand bien même tentait-il en vain de se débarrasser de ce constant brouhaha, en s'y appliquant, le pauvre ne parvenait qu'à faire hurler plus fort ces voix inlassables, à multiplier le flux qui saturait tout son être en deuil. Il ne pouvait que sceller ses yeux en attendant qu'un sommeil assez charitable puisse l'accueillir ; lui faire, un tant soit peu, quitter cet éternel châtiment qu'était le monde qui lui arrachait les ailes. Enter dans une seconde illusion, toute aussi envoûtante d'apparence, pour, éventuellement, y demeurer le reste de son existence volée. Tel était cet état de demi-mort, une inconscience dont il n'espérait plus jamais se réveiller.


⠀⠀⠀Source-même de ce supplice auquel il était inéluctablement condamné, disparue dans une soudaineté apte à déchirer les cieux, elle l'avait maudit, astreint à errer sans trajectoire dans l'immensité de ses...l'immensité de quoi ?


⠀⠀⠀L'immensité d'absolument rien, l'immensité du vide, l'immensité du néant. Emporté dans l'explosion de sa bien-aimée, destiné à se perdre dans les abîmes, un peu comme les étoiles vagabondes. Parce que voilà ce que Megumi Fushiguro était, une étoile vagabonde, aspiré dans l'illusion d'un amour propre et baignant à tout jamais dans le cimetière des rêves, refuge des carcasses de ses plus grands espoirs. L'Homme sans chez-soi, dans un Univers aux astres, amas de poussières, étoiles et soleils aux dimensions délirantes, l'Homme seul. Celui qui ne voulait plus croire, ni au passé ni au futur, à toutes ces notions qui composaient ce qu'on appelait communément « la Vie », dont l'horizon bâtie par les Hommes s'achevait à « la Mort », une succession d'évènements désolants ornant les deux plus grands piliers d'une existence donnée. Mais rien. Rien n'avait plus aucune valeur, mais encore fallait-il trouver l'intérêt de vivre sur un globe. Même peuplée de bientôt huit milliards d'habitants, cette solitude onirique n'avait jamais été aussi frappante. Un monde dont les fondements devaient trembler, s'effondrer, se désagréger dû aux populations n'émettait plus une vibration. Non, personne. Il était l'Homme dans l'Apocalypse, l'Homme noyé dans sa propre déchéance.


⠀⠀⠀Sa vie orbitait autour de la mort comme celle des morts orbitait autour de la vie, et c'était dans un ennui morbide qu'il désespérait en attendant pour un drame de définitivement lui arracher l'âme, cette âme usée et meurtrie, qu'il n'aurait pas même échangée pour l'amour de tout un univers. Parce qu'il s'agissait de la sienne, qu'elle soit aussi blessée et amochée qu'une gueule cassée passé la Guerre, cette âme restait le dépôt de toute une vie passée avec elle. Parce qu'après elle, il n'avait plus vécu.


⠀⠀⠀Quoique Megumi fasse, son deuil demeurait irrémédiablement inachevé. Il ne s'y résolvait pas, et cet échec restant en travers de sa gorge, l'empêchait même d'ingurgiter une quelque forme de nourriture. C'était une coquille vide, amère et sans goût, aux yeux aussi profonds que des trous noirs.


⠀⠀⠀Subaru était son plus grand rêve, son plus grand cauchemar, son plus grand amour et sa plus grande haine, son plus grand chagrin et sa plus grande joie. Quel prix devait-il donc payer pour atteindre cette illusion qu'il avait autrefois nommée « bonheur », choir de nouveau dans les abîmes qu'étaient l'amour, ne serait-ce qu'avec elle ? Sa plus grande défaite comme réussite, qui en partant avait pourtant arraché barbarement la malheureuse âme qui logeait là, dans son corps. Et son cœur y siégeant avait cessé de palpiter, comme si l'intérêt n'y était plus. Elle n'était plus. 




l'étreinte du vide ; tojivenlyk

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