Chapitre 17

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{ April }

Il y a quatre ans, hôpital psychiatrique de Lisbonne, Portugal.

Le repas que les infirmières m'ont posé ce matin est toujours dans ma chambre. Et comme chaque jour, je n'y ai pas touché. Je vois bien que mon corps ne supporte pas le fait que je ne mange plus. Mais je n'ai ni l'envie ni la force de manger. Pourtant, la nourriture n'est pas si mauvaise. Ce matin, c'est pain perdu avec jus de pomme. Ils m'ont aussi mis des biscuits. Cependant, ils savent très bien que je ne mangerai pas.

Je tourne le dos à mon plateau et fixe le mur en espérant qu'il rentre. Mon père me manque. Mais chaque fois que je ferme les yeux, je regrette chaque seconde cette pensée. À peine ai-je fermé les yeux que je le vois. Et pas dans sa meilleure forme. Son corps est allongé par terre avec moi à ses côtés, regardant le sang qu'a procuré la balle dans son crâne. Le sang qui coule sur le sol, sur mes mains, son corps, ses vêtements, sans compter les miens en passant. Ses yeux grands ouverts que j'ai fermés parce qu'il me faisait trop peur à ne pas cligner des yeux.

Et avant de me réveiller, je la vois elle. Ma mère. Et comme à chaque fois, elle me dit que c'est de la faute.

« Pourquoi n'as-tu rien fait ? Maintenant, il ne vivra plus. Tout ça, c'est ta faute ma chérie. Tu n'as pas su être une fille capable et à cause de toi, il est mort. »

Et à chaque fois, je me réveille. Mes joues sont trempées tout comme mon corps entier. Mes yeux sont rouges et mes cheveux en sueur. Ils ont essayé de me faire voir quelqu'un. Et même après quatre mois, ils n'arrivent toujours pas à me faire parler. Je ne dis rien. Les seules fois où ils entendent ma voix, c'est quand je pleure et crie.

Une infirmière rentre dans ma chambre et s'approche de moi.

— Ta mère est là. Tu viens ?

Je la regarde. Ce regard qui est maintenant vide d'émotions. À l'évidence, la seule émotion que je peux ressentir est de la peine. Est-ce que j'arrive encore à l'avoir, cette émotion ? Je n'en suis plus si sûr.

— Je t'accompagne ? Me dit-elle en me tendant sa main que je prends avec hésitation.

Je sais où nous allons. J'y vais chaque semaine depuis quatre mois maintenant.

La salle de visite.

Cette salle, je ne l'aime pas. Elle est remplie de fous, comme moi. Mais eu en revanche, ils ne font pas pitié. Ils sont juste... fous. Ils l'ont toujours un peu été, non ?

Quand l'infirmière m'aide à m'asseoir, j'aperçois les yeux de ma mère s'arrondir.

— Vous la faites manger rassurer moi ?!

— Elle ne veut rien manger. Elle a son repas tous les matins, midi et soir. Et au cas où nous lui donnons un goûter. Mais rien n'y fait.

— Elle est tellement maigrichonne ! Trouver un moyen de la faire avaler quelque chose ! Ma fille va mourir de faim à ce niveau !

— Ne dit pas le mot mourir, maman...

La tête de l'infirmière et de ma mère se retournèrent vers moi. Je sais que l'infirmière est choquée de m'entendre. Elle n'est là que depuis un mois et elle ne m'a jamais entendu.

— Laissez-nous seules, s'il vous plaît, demande ma mère.

— Je n'ai pas le droit. Elle est trop fragile. Elle pourrait avoir des réactions disproportionnées.

Je suis fragile.

Je l'ai écouté débattre à ce sujet jusqu'à l'heure de la fin de la visite. Ça n'a duré que quinze minutes. Avant de partir, ma mère se retrouva vers l'infirmière pour lui dire :

BEFORE YOUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant