Chapitre 29

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     — Qu'est-ce que tu entends par là ?

     Les yeux d'Aubin sondaient le vert larmoyant, le vert blessé, le vert qui se contenait à grande peine, la bouche close, droit comme un i, sans jamais le quitter du regard. Il scruta davantage son regard, tenta de lire au-delà de l'expression qu'on lui présentait. La colère bouillonnait toujours, elle tardait souvent à s'en aller, mais une autre émotion lui vrilla les intestins. La panique. Pure. Mortelle. Violente.

     — Loup ?

     Les poings serrés, il ne parvenait plus à parler. C'était trop dur. Il détestait faire du mal aux autres. Même si lui souffrait en silence, il peinait à être l'auteur de mauvaises nouvelles. Il savait combien le malheur pouvait être douloureux. Il se refusait à endosser le rôle de méchant. Il refusait de voir Aubin pleurer, le supplier ou encore apercevoir ses traits se déformer. Pourtant, il était las. Las de lutter à contre-courant. Las de ces confrontations inutiles à longueur de temps. Las d'essayer de faire en sorte que cette relation fonctionne.

     — Loup ?

    Il sentit ses dents plantées dans sa lèvre inférieure, la mordre avec une force inimaginable. Il retint les sanglots, tenta de retrouver un semblant de calme, d'apposer ce qui signerait la fin. La fin d'un nous qui le bouffait de jour en jour.

     — Tu n'es pas... t'es pas en train de rompre ?

     La peur panique submergea Aubin dont la cigarette échoua sur le bitume du balcon. Dans un effort de sincérité, Loup hocha doucement la tête. Il eut tout le loisir d'observer l'expression arrogante de son petit ami se transformer, la peine de le submerger, la souffrance de l'emporter.

     — Non, tu... tu... tu veux vraiment rompre ? souffla Aubin d'une voix tremblante.

     — Je suis désolé.

     Et Loup éclata en sanglots. Il plaqua sa paume contre sa bouche pour en étouffer le son, conscient de ne pas avoir le droit de pleurer. Pourtant, ses larmes roulaient sur ses joues, la douleur était bien réelle. Il agissait pour lui-même. Par égoïsme. Il était incapable de continuer. Incapable de se perdre une nouvelle fois dans le noir.

     Les mains d'Aubin saisirent ses épaules, plus effrayé de le voir partir que pour le secouer dans les sens.

     — Loup, non, je suis vraiment désolé, je savais pas que je te faisais autant souffrir. Pardon mon amour, je suis désolé, pardon, pleurait ce dernier en saisissant son visage pour en effacer les larmes de ses pouces. Je suis désolé Loup, pardon...

     Il plaqua son front contre le sien et continua dans sa supplique, déterminé à le garder. Sauf que Loup n'en pouvait plus. C'était sans cesse des dérobades, sans cesse des excuses, et les choses recommençaient, une fois, deux fois et des milliers d'autres. Il était fatigué de parler à un mur, de faire des efforts pour deux. C'était trop.

     Il attrapa ses poignets et le repoussa doucement afin de ne pas le blesser davantage. Peine perdue. Le regard effondré qu'il lui lança lui lacéra le cœur.

     — Loup, je suis vraiment vraiment désolé. S'il te plaît ne me quitte pas ! Je n'ai jamais aimé quelqu'un comme je t'aime. Tu es tout pour moi.

     Cette affirmation l'étouffa. Dans sa bouche, Loup avait la sensation de n'être rien d'autre que son monde. Il ne voulait pas de ça. Il refusait d'être l'oxygène de quelqu'un.

     — Je sais Aubin, renifla-t-il en sentant sa voix flancher. Je sais... mais s'il te plaît, je suis fatigué.

     — Je le savais pas ! Je... je ferais tout, je... je peux changer, tu sais.

Tome 2 - True LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant