Chapitre 15:

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MATTHIEU ADAM

   — Allez, les jeunes, on va faire une pause. Dérouillez-vous les jambes, allez aux toilettes. On vous servira aussi un jus de fruits et un en-cas avant de reprendre, annonce le prof alors que le chauffeur allume les lumières, tirant tout le monde d'un demi-sommeil comateux.

   Je cligne des yeux, aveuglé par la lueur soudaine. Mon corps est endolori, engourdi par le froid qui s'est insidieusement infiltré pendant le trajet. Un frisson me parcourt l'échine alors que j'étire mes muscles ankylosés. À mes côtés, Laurie n'a pas esquissé le moindre mouvement. Elle dort profondément, recroquevillée sous son pull, son souffle paisible soulevant légèrement une mèche de cheveux tombée sur son visage.

   Je décide de la laisser récupérer et me lève en baillant, descendant du bus pour prendre l'air. Dès que je pose un pied dehors, une bourrasque glaciale me fouette le visage, me coupant presque le souffle. L'air est vif, chargé d'humidité, et chaque respiration me pique la gorge. Je resserre mon blouson autour de moi et regarde autour de moi : la plupart des élèves restent emmitouflés dans leurs écharpes, somnolents, tandis que quelques courageux traînent les pieds jusqu'aux toilettes.

   L'odeur du bitume humide et du café provenant d'un distributeur à proximité flotte dans l'air. Malgré la fraîcheur mordante, je profite de ces quelques instants pour m'étirer, sentant mes muscles protester à chaque mouvement.

   Ne tardant pas à céder au froid, je retourne dans le bus et retrouve ma place auprès de Laurie. Elle frissonne légèrement, sa joue pressée contre la vitre embuée. Instinctivement, je cherche quelque chose pour la couvrir, mais mes affaires sont coincées dans la soute avec ma valise. Frustré, je me contente de remonter le col de son pull et de lui tapoter doucement l'épaule, espérant qu'elle se réchauffe un peu.

   Le prof de sport remonte à son tour, portant une boîte remplie de petites briques de jus et de madeleines emballées individuellement. Il avance dans l'allée, distribuant les en-cas aux élèves encore vaseux.

   — Tiens, me dit-il en me tendant ma part.

   Je hoche la tête en guise de remerciement et récupère les provisions. Laurie n'ayant toujours pas bougé, je dépose discrètement son jus et sa madeleine sur la tablette devant elle, veillant à ce qu'ils ne tombent pas lorsqu'elle se réveillera.

   Je n'ai pas faim. Mes paupières sont lourdes et le sommeil commence à m'aspirer de nouveau. Je m'enfonce dans mon siège, rabats ma capuche sur mon visage et croise les bras sur ma poitrine. Le bus vibre légèrement sous moi, bercement monotone qui m'entraîne peu à peu dans une torpeur réconfortante.

¤¤¤

   J'entends des murmures autour de moi, mais je suis encore engourdi par le sommeil. Les vibrations du bus ont cessé, ce qui signifie que nous sommes arrivés quelque part. Les voix me parviennent comme à travers un brouillard.

   — Ils sont trop mignons tous les deux...

   — Tu as vu comment ils sont proches ? Encore un peu et ils s'embrassaient.

   — Laissez-les tranquilles, grogne Ben. On ne va sûrement pas avoir de temps pour nous une fois sur place, alors arrêtez vos conneries.

   Leurs voix finissent par me tirer complètement de ma torpeur. J'ouvre lentement les yeux, encore à moitié dans les vapes, puis me tourne vers Laurie... et manque de faire une crise cardiaque.

   Son visage est si près du mien que je peux sentir la chaleur de son souffle contre ma peau. Ses lèvres, légèrement entrouvertes, sont à quelques centimètres des miennes. Mon cœur rate un battement. Pendant une fraction de seconde, mes souvenirs de la soirée chez Eva resurgissent violemment. Nos lèvres se sont déjà touchées. J'en ressens encore la sensation, ce goût unique que je voudrais retrouver.

MY SOULMATE (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant