XLVII

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Alban

J'ai fait un rêve étrange cette nuit. Étrange, car il ne ressemblait pas à un rêve. C'était un rêve d'une réalité troublante, trop réaliste même.

Allongé sur mes draps blancs, je fixe le plafond, tentant de me remémorer chaque détail. Mais il m'est impossible de me souvenir de la première partie de ce rêve. La seconde partie, en revanche, est gravée dans ma mémoire. C'était le jour où mon père m'avait expliqué pourquoi son poignet était orné du bracelet de ma mère.

Aujourd'hui, je ne travaille pas. Toutes les classes de terminale sont en sortie scolaire, y compris celle de Faith. Je ne pensais pas qu'elle irait avec tout ce qui se passe avec Ariana, mais contre toute attente, elle y est allée. J'ai oublié leur destination, mais il s'agit d'une sortie organisée par leur professeur d'anglais.

Je me redresse sur le lit, tournant la tête vers ma droite. Mon reflet dans le miroir me renvoie l'image d'un homme au regard hagard, les cheveux en bataille. Un effort monumental est nécessaire pour surmonter ma paresse et me lever.

Une fois debout, mon premier réflexe est de me diriger vers la cuisine. Je glisse un verre sous la machine à café et presse un des boutons qui affiche une tasse.

Après m'être rincé le visage, je saisis la tasse, mon paquet de cigarettes et me rends sur la terrasse.

Le vent froid de la fin janvier caresse doucement mon torse, le faisant frissonner. J'essaie de rester insensible au froid mordant, songeant à la journée qui m'attend.

L'appartement d'Ethan a été mis en vente et je suis le seul à pouvoir évacuer tous les cartons que Carmen et Dylan ont accumulés pendant leur séjour à Boston. Aller dans cet appartement va sans doute me paraître étrange et probablement faire ressurgir de mauvais souvenirs, comme celui de son corps sans vie affalé au sol.

Je prends une gorgée de mon café avant d'allumer une cigarette.

Dans la rue, des travaux sont en cours depuis plusieurs semaines. Qui sait ce qu'ils trament ? Tout ce que je sais, c'est que le bruit incessant est particulièrement agaçant.

Enfin, une fois mon café terminé, j'écrase mon mégot dans le cendrier posé sur la table. Un soupir m'échappe, lourd de toutes les pensées qui se bousculent dans mon esprit. Je me décide à me préparer. Dans la salle de bain, le miroir me renvoie un reflet que je peine à reconnaître. Je me lave les dents, essayant d'effacer les traces d'une nuit troublée. Puis, j'enfile un simple jean et un pull.

Faith trouverait sans doute ma tenue peu professionnelle. Mais peu m'importe. Je ne suis pas censé la croiser aujourd'hui. Du moins, c'est ce que j'espère.

Ce n'est pas que je cherche à l'éviter. Non, ce n'est pas ça. J'ai peur. Peur que ce que nous faisons soit mal perçu. Peur de m'attacher trop à elle, de lui révéler les recoins les plus sombres de ma vie. Peur que cette relation, déjà tortue aux yeux des autres, ne devienne une obsession. Peut-être suis-je déjà trop attaché à elle. Peut-être est-ce déjà trop tard.

Je redoute cette appréciation croissante que je ressens pour elle. Elle me déstabilise, me fait vaciller sur des terrains émotionnels que je croyais avoir abandonnés depuis longtemps.

Je saisis mes clés de voiture et descends les escaliers, mes pas résonnant comme un compte à rebours. M'engouffrant dans l'habitacle, je mets en marche le moteur et allume la radio. Les notes mélancoliques d'une vieille chanson remplissent l'espace, accentuant l'ambiance morose de cette journée.

Le ciel est couvert de nuages menaçants, lourds de promesses de pluie. Une pluie qui n'est peut-être pas prévue, mais qui semble inévitable, comme certaines vérités que l'on tente de fuir.

Forgotten MemoryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant