Cruauté

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Je cours encore et encore. Je ne cesse de courir. Où ? Je ne sais pas, mais j'y vais. Je suis maintenant déterminé à m'enfuir, peu importe les dangers qui me feront face. J'ai désarmé tout perdu, et je ne reconnais même plus ma famille, mon chez moi. Wembeck ne l'emportera pas au Paradis. Devant Dieu ce soir, je le jure, j'aurai ma revanche, peu importe le temps qu'il faudra. Je m'arrête enfin après avoir couru environ une vingtaine de minutes. Je regarde autour de moi. J'ai froid, la neige brûle mes pieds dénudés, ma robe déjà peu épaisse, mais qui est plus déchirée, ne me tient pas du tout chaud. Je cherche refuge. Je vois un lac et une grotte. Non. Je suis. Je suis sur le chemin d'Hèlben, là où Anthonin est mort. Je décide d'avancer jusqu'au rebord du lac. L'endroit où Anthonin est tombé a disparu. Surement à cause du grand froid, l'eau a dû regeler rapidement. Je m'avance en essayant de ne pas glisser sur la glace. C'est horrible, mes pieds me brulent horriblement. J'avance lentement et rejoins l'autre rive avec peu de facilité. J'entre dans la grotte étant étrangement chaude. Un feu... Je vois une lueur rouge au fond de la grotte. Quelqu'un est là, et a fait un feu. Normalement, je me précipiterai en demandant l'hospitalité, mais après ce qui s'est passé ce matin, j'avance avec lenteur. En arrivant au fond de la grotte, un homme est allongé sur le dos, sur un tas de paille. Mais ce n'est pas possible. Je m'avance un peu plus près, n'étant pas sûr de ce que je constate. Anthonin ! C'est lui, oui, c'est bien lui. Il est allongé au bord du feu, torse nu avec un bandage entourant son abdomen. Mais comment. Comment a-t-il pu survivre ! Je l'ai vu ! Je l'ai vu tomber, je l'ai vu mourir. Je m'agenouille auprès de lui. Je pose ma main sur son épaule. Il est inconscient ou bien dors juste, je ne peux pas m'avancer sur ce sujet. Je le regarde tendrement, je n'ai pas tout perdu tout compte fait. J'approche ma bouche de la sienne. Je sens le souffle doux de sa respiration esquinter ma joue. Je ne sais pas pourquoi, mais je l'embrasse doucement, ses lèvres n'ont pas changé, pulpeuses, douces. Comme notre premier baiser. Je relève une mèche tombant sur son front puis m'allonge à ses côtés. Je me sers à sa poitrine pour chercher chaleur. Malgré le froid, je crois réussir à m'endormir, grâce à lui. 


— Que faites-vous ici, Madame ? Vous ne devriez pas être ici.

Je me réveille brusquement et recule en me relevant, me collant par la même occasion à la roche. De la main droite, j'essaie de couvrir le côté de ma robe dénudée. Devant moi et Anthonin, qui lui dormait toujours, se tenait un homme. Un vieux homme. Une longue barbe blanche qui descend jusqu'à ses pieds. Une longue robe violette avec des symboles astrales brodés dessus. Un druide, surement ! Mon père m'en avait parlé, ce sont des monstres avides de pouvoir ne cherchant que la destruction du monde qu'on connait. Je réponds alors à voix basse.

– Qui êtes-vous, et pourquoi je ne devrais pas être ici ?

Le vieux homme rigola. Son rire n'avait rien de monstrueux. Au contraire, cet homme inspirait la joie. Il me répondit.

– Voyons, madame. Vous êtes la pupille d'Hutter, roi et criminel indéniable. Je suis Archibald le Sage. Druide, second de la famille. Et vous, vous êtes Rose. Vous ici, vous ne craigniez rien ?

Je n'arrivai pas à comprendre. Les druides n'étaient pas pourtant décris comme des barbares atroces pratiquant la magie à des mauvaises fins ? Et pourquoi ne m'a-t-il pas encore attrapé, tué ou pire. Je m'efforce de réfléchir avant de parler pour ne pas avoir l'air d'une idiote.

– Oui, je suis bien Rose, la pupille du roi. Que me voulez-vous, et que voulez-vous à mon ami ? Nous ne voulons rien de mal. Laissez-nous en paix, et nous ne dirons rien au Roi.

– Ah ah ah. Jeune Rose. Il y a bien des choses que tu ne sais pas. Je ne vous veux aucun mal. La politique d'Hutter a bien marché, à ce que je vois. Les druides ne sont pas méchants, c'est juste le portrait qui a été fait de nous. Et pour ton ami, c'est moi qui l'ai sorti en utilisant la magie de ce lac. Je l'ai soigné avec des plantes cette nuit et me suis assuré qu'il allait bien. Je viens justement de revenir de chez moi, tiens regarde, c'est pour le soigner, tu permets ?

J'étais bouleversée par ces paroles. Je garde le contenu de sa main et vois avec admiration plusieurs plantes. Pas du tout de saison. Forcément un effet magique, étant donné que nous sommes en hiver et que de telles plantes ne peuvent pas pousser. Je lui fais signe qu'il peut s'avancer vers Anthonin. Il s'approche alors et masse son abdomen avec les plantes qu'il venait juste d'écraser, puis sort quelque chose de sa sacoche. Une petite fiole contenant un liquide bleu. Il penche la tête d'Anthonin et lui fait boire le mélange. Mais je n'arrive pas à comprendre pourquoi veut-il nous aider. Même si imaginons que ce qu'il dit est vrai sur mon père et qu'il n'a qu'inventer des choses sur lui et son peuple. Pourquoi justement veut-il m'aider alors que je suis sa pupille ? Il pourrait très bien se venger et me tuer, comme tous les siens qui sont morts à cause de mon père. Je dois savoir.

– Pourquoi ne pas me faire prisonnière ou me tuer, pour venger les vôtres. C'est ce qu'aurait fait mon père ? Dis-je.

« Vous savez... » Nous ne sommes pas ce que décrit de nous votre père. Nous sommes un peuple qui autrefois vivait avec celui de votre père. Un beau jour, Hutter a fait appel à la magie pour une raison personnelle, mais malheureusement, ça s'est mal passé. Il arrive parfois des accidents. Mais il ne l'a pas supporté et depuis il nous chasse tous jusqu'au dernier. Il a promis de bannir la magie de ce monde. Nous autres n'avons jamais voulu de cela, mais maintenant nous sommes à bout. Il y a peu, votre père a envoyé une armée piller un village où se trouvait un jeune enfant de 8 ans possédant des dons naturels pour la magie. Ses soldats ont brûlé le village, violé toutes les femmes, et ont ensuite tué tout le monde. Depuis ce jour-là, un groupe de personnes possédant des dons de magie ont décidé de réunir une armée. Avec l'aide de certains citoyens en colère contre le Roi, ils sont montés et ont pillé de multiples villages. Nous ne sommes pas tous comme eux. Il y a du bon en beaucoup d'entre nous et même en eux. Ce qu'ils ont fait n'est pas bien, mais ils ont été poussés à bout. Maintenant, une grande guerre risque d'éclater, et les druides, nous, sommes neutres, et cherchons à ramener le bien des deux côtés, et à apporter l'équilibre dans le royaume de Pandragon. Mais seuls, nous ne pourrons rien faire. Nous avons besoin de quelqu'un comme toi, qui pourrait aider de l'intérieur à Padragon, pendant que nous serons focalisés sur les groupes armés magiques. S'expliqua-t-il.

– Quoi. Je ne peux pas, non. Je ne suis pas d'accord avec mon père, mais je ne veux pas pour autant le tuer. Répondai-je rapidement.

Je ne te demande pas de tuer ton père Hutter, petite Rose, il faudra que tu puisses le dissuader d'agir sur certains plans militaires, lui faire croire que tout va bien, avoir nos oreilles à l'intérieur. Tu comprends ? Si tu ne le fais pas, il y aura beaucoup de morts, beaucoup, et cette fois, le royaume de Pandragon ne s'en relèvera pas. Dit-il.

Je n'arrive pas à y croire. C'est trop d'informations d'un coup. Et qui me dit que ce qu'il me dit est vrai. Il est peut-être là pour me manipuler. Mais pourtant, ce qu'il dit a l'air de concorder. Je ne peux pas me voir laisser les choses se passer sans rien faire. Je dois agir. Je dois faire le bien et rétablir l'équilibre dans la magie et dans le royaume. Mais je dois y réfléchir.

– Je dois y réfléchir. Soignez mon ami et j'aurai déjà une petite dette envers vous. Je ne vous promets rien pour ce que vous m'avez demandé, en revanche je promets d'y réfléchir. Comment pourrais-je vous revoir pour vous donner ma décision. Je demande.

– Ici même. Je te retrouverai, petite Rose, ne t'en fait pas. La Magie me guidera.

Il se retourne alors, avance vers la sortie et disparaît comme par magie dans l'ombre. J'avance essayant de regarder dans quelle direction il est parti, mais tout ce que je vois, c'est un grand soleil. J'ai dû passer la nuit ici. Je me retourne et me dirige vers Anthonin. Je m'assois à ses côtés et pose ma tête contre son torse. De la main droite, je caresse son épaule et chantonne une petite musique que nous chantions plus jeunes, lui et moi.

Nous courions dans cette prairie, nous dansions avec maman, le soleil rayonnait fort, la chanson des jours heureux.

Je chantais doucement, pour l'appairer, mais aussi m'appairer moi. Je réfléchissais en même temps à ce qui venait de se passer. Eétrange, improbable. Mais Anthonin était vivant, et c'est maintenant tout ce qui contait pour moi. À son réveil, je lui raconterai surement l'histoire de Wembeck. Mais est-ce que je vais vraiment pouvoir lui dire ce que je ressens pour lui ? Et si elle ne le ressentait plus du tout depuis le temps. Et je ne parle pas de ma conversation avec le druide, il me prendra pour une folle. Je finis par m'endormir sur lui, attendant désespérément son réveil.

PandragonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant