Texte entier

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Désormais, j'étais prêt à en découdre, je me suis résolu à en finir ce soir après une sale journée : un boulot qui me prend toute mon énergie, une famille qui me demande sans cesse comment à trente ans passés "tu n'as pas encore trempé le biscuit" ; excuse-moi maman mais si je ne suis pas doué dans la vie c'est peut-être à cause de toi et ton absence parentale.

Vingt et une heure passée, je montai dans le grenier, corde dans la main gauche, tabouret dans la droite : c'est triste à dire mais ce fut ma seule échappatoire. Je posai soigneusement le tabouret en dessous, mis un premier pied dessus, puis l'autre, j'enroula la corde autour d'une vieille poutre en bois, seule maintien du toit de ma maison ; lorsque la corde fut autour de mon cou, il ne restait plus qu'à pousser le tabouret de mes deux pieds et tout le mal s'en irait, pourtant, quelque chose me retint : un sentiment d'amertume se logea dans ma bouche ; il fallait que je sautasse mais la vie me suppliait de rester, me susurrait à l'oreille que tout allait changer, il était clair que non. Alors, je pris le peu de courage que j'ai et poussai le tabouret qui s'écroula violemment contre le sol ; mon dernier souffle marqua le point de ma vie : en tombant je me remémorais les souvenirs de ma vie passée, ils sont au nombre de deux. Je n'ai pas menti quand je disais que ma vie n'était qu'une vaste blague.

Donc, je me rappelai cette journée à Paris, je me pavanais le long de la Seine, une fraiche journée de printemps. Les bourgeons commençaient à fleurir et les oiseaux montraient peu à peu leurs becs, moi aussi, ce fut une des rares fois où je sortis de ma grotte pour respirer l'air peu frais de la capitale de l'amour ; elle portait bien son nom car, alors que je prenais un verre d'alcool dans un bar où un whisky coca coûte la coquette somme de quinze euros, une femme s'installa non loin de ma table, elle était seule, cigarette en bouche, elle prit son briquet dans la trousse de sa veste et l'alluma ; elle remarqua mon regard peut-être un peu trop persistant sur elle et me sourit : une première victoire. Dans un élan de confiance, je plaquai mes cheveux en arrière, sentis mon haleine dans le creux de ma main, tout est bon, je me lève et m'installe à sa table sans lui demander son avis, c'est comme ça qu'un homme doit agir dit-on. Je ne sais ce qui m'a pris mais je lui proposai un verre, ce à quoi elle dit "non, je ne bois pas" ; aucun problème, je pris un baba au rhum pour lui montrer que je ne redoute rien : elle semblait aimer qu'on la désirât puisqu'elle ne me calcula que trop peu et regardait ailleurs "fais gaffe tu vas avoir un torticolis" blaguai-je mais elle resta dans son rôle de mur en pierre. Il ne me restait plus qu'à m'intéresser à elle, c'est pourquoi je faisais mine de m'intéresser à sa vie, cependant, elle ne répondait que par des phrases brèves. Peut-être ne lui plaisais-je pas ? Dernière carte que j'avais sous la manche : lui raconter mon plus gros exploit. "Tu sais j'ai rencontré le PDG d'Apple, Mark Zuckerberg, on a parlé buisines lui et moi parce que, ouais, je ne t'ai pas dit mais je travaille pour une grosse compagnie alors il m'arrive de rencontrer des gens un peu connus. Ils ne sont pas si spéciaux tu sais, Zuckerberg ou Markoko comme j'aime l'appeler, c'est un genre de surnom qu'on se donne pour rire, fin bref, en gros j'ai décroché un contrat à plusieurs millions et je vais avoir droit au prochain iPhone 16 en exclusivité. Oui je suis privilégié écoute mais c'est ça quand on a les bons contacts." Impressionnée, elle retorqua avec un "Oh ! Cool", cœur rassasié, je lui demandai si elle voulait venir chez moi, ce à quoi elle répond qu'elle doit bientôt partir, alors, je lui demande donc son numéro de téléphone : elle me le donne.

Je m'en vais du bar pour aller danser sur les pavés froids de Paris, les gens me regardent bizarrement mais ce n'est pas grave, j'ai rencontré l'Amour. J'appelle ma mère pour lui annoncer la nouvelle, elle fond dès lors en larme ; d'après ses mots, jamais elle n'avait cru que j'aurais pu trouver une femme, à tel point qu'elle pensait que j'aimais les hommes et que je le lui cachai.

Ainsi, je retournai chez moi sourire aux lèvres, avant d'aller dormir, je pris le soin de ranger les quelques cartons de pizza qui trainait au coin du lit car, si un jour je ramène ma femme à la maison pour pratiquer le coït, ça serait dommage qu'elle me voit comme un type sale. Le cœur palpitant, j'enfilai mon pyjama et m'installa dans mon lit sans oublier d'appeler le fameux numéro de ma femme : elle ne décrocha pas, elle devait sans doute être en train de dormir. A mon réveil, je dû aller travailler, pénible journée qui s'annonce, mon seul leitmotiv était qu'après ça, je retournerai au bar revoir ma princesse ; ce que je fis donc, mais elle ne vint pas, à défaut de ne pas l'avoir prévenue avant. Je pris à nouveau un verre seul et, de surcroit, le regarde de certaines femmes avides de ma personne me dérangeait, je suis un homme en couple, pour qui se prenaient elles ? Je sortis rapidement du bar, énervé, sans prendre le temps de payer : le gérant me poursuivit le long de l'allée, qui devait faire à vue d'œil une bonne trentaine de mètre, en criant "Au voleur, au voleur !", un passant me fit un croche pied, ma chute provoqua le rire de quelques groupes d'enfants qui se trouvaient non loin du bar. Forcé donc à payer, je puis repartir sans trop de tracas, le visage amoché mais c'est mon mental qui en paya le plein prix : ma femme allait voir son mari dans un état pitoyable, j'ai prié pour qu'elle ne s'inquiète pas. En parlant d'elle, je la croisai enfin au sortir d'un restaurant italien : elle devait sûrement travailler là-bas, ce qui était bon à savoir. Je l'approchai donc avec enthousiasme bien qu'elle se mit elle aussi à courir, amusé par ce petit jeu, je la suivis pendant un bon quart d'heure avant de la retrouver dans une ruelle. Essoufflée, elle ne prononça aucun mot mais je vis dans son regard une forte envie de m'embrasser, alors je m'approchai doucement d'elle, je la plaquai contre le mur tout en faisant attention à ne pas tâcher ses jolis vêtements, et l'embrassai avec passion, elle me résistait, alors un peu excité par ce petit jeu du suis-moi je te fuis, fuis-moi je te suis, je posai ma main le long de son cou et l'embrassai encore : son pouls s'accéléra et elle tremblait sur tout le corps. Je savais que je faisais effet aux femmes mais de là à ce que ça soit à ce point, j'en fus impressionné. Je ne suis pas fan des relations sexuelles en public mais je dois dire qu'une longue abstinence de trente-deux années et le petit jeu de ma femme me laissèrent m'adonner à l'expérience. Les femmes adorent l'homme entreprenant alors j'abaissai brutalement son pantalon et sa culotte avec de m'introduire en elle tout en posant ma main droite sur sa bouche. Bien que ça n'avait pas duré longtemps, je ne pensais pas prendre tant de plaisir, c'est vrai que je n'ai jamais eu le droit de goûter à cela avant, de sorte que dans mon imaginaire, le coït n'était pas aussi bon que de manger les lasagnes maisons de maman.

A la fin de notre rapport, elle pleurait toutes les larmes de son corps, à tel point que le ciel se mit à pleuvoir également : j'avais été tellement bon que j'en choquai même le ciel. Malheureusement, je dû partir, il se faisait tard et je ne voulais pas me coucher à une heure trop exagérée. Le lendemain soir, j'allai au fameux restaurant italien mais elle n'était pas là, les autres jours également. Elle avait disparue de ma vie sans laisser la moindre trace, je l'ai haïe pendant des jours et des jours pour ça.

Pendant de longs mois, je la recherchai mais rien n'est fait, elle était bien partie, il a fallu du temps pour m'en remettre, quoi que non, je ne m'en suis jamais réellement remis, c'est d'ailleurs une des raisons pour laquelle je me suis tué ce soir.

Je tombai sans toucher le sol, la corde me faisait tanguer de droit à gauche, inconsciemment, mes jambes s'agitaient de part et d'autre, mon visage se raidit et tendait vers le rouge ; ainsi, presque la totalité de mes muscles furent contractés, qu'est-ce que ça brûle, si j'avais su, j'aurais choisi une autre méthode. Incapable de respirer, la torture dura quinze longues minutes, je crois avoir mal placé la corde, d'où la longueur de ma souffrance, mais, un fois le chronomètre terminé, ça y est, les portes du paradis s'ouvraient à moi : j'allais pouvoir vivre une vie paisible, sage et qui sait, un beau jour, revoir ma femme. 

EROTOMANIAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant