Nos gardes du corps nous embarquèrent peu après sans grandes explications dans une transillule. Après ce que je venais d'apprendre, je n'avais aucune envie d'aller à des funérailles ; mes pensées agitées essayaient de s'ordonner de manière à donner un sens logique à ce que Mingrid venait de révéler, en vain. S'ajoutaient les récits que m'avaient fournis Morganna, Magrien et Erlann sur les Plutoniens. Et si tout ceci était lié et pouvait s'enchâsser comme les pièces d'un puzzle ? Livaïna pouvait-elle m'aider, si elle daignait enfin de refaire surface ?
- Irene ? Irene, Uranus à Mars, tu m'entends ?
Je levai la tête et croisai le regard bleu foncé d'Inès.
- Pardon, j'étais ailleurs. Tu sais quoi ?
- Je voulais savoir si tu avais prévu des éloges funèbres pour...tu sais.
Je ne pus m'empêcher de grimacer et me renfrognai.
- Non, je n'étais pas au courant qu'il y aurait eu des funérailles.
- D'après ce que m'a dit Romy, seuls les élèves de l'Académie y sont conviés, ajouta Lina.
- C'est peut-être mieux. Je sais pas. J'ai jamais été dans un lieu pareil, confiai-je.
Mes deux amies me couvèrent d'un regard compatissant. Je me demandai si elles avaient pitié de moi. Dans un cas ou dans l'autre, cela m'importait peu. Quand il s'agissait de Magrien, j'étais encore trop troublée des récents événements pour comprendre moi-même mes sentiments.
- Irene, tu as été témoin du décès d'une personne qui t'était chère, je peux comprendre que toi sois quelque peu...ébranlée.
- Bel euphémisme, murmurai-je.
Lina et Inès durent comprendre qu'il s'agissait d'un sujet délicat pour moi, car leurs questions intrusives cessèrent aussitôt.
L'accumulation de toutes ces révélations et rebondissements n'était pas exactement ce dont j'avais besoin maintenant, pourtant même le magnifique paysage défilant par la fenêtre ne parvint pas à détourner mon attention des afflictions qui me tourmentaient. Je poussai un soupir et ramenai mes genoux à ma poitrine. Vingt-quatre heures. Dans vingt-quatre heures, tout ira déjà mieux. Je serai chez moi, auprès de ma famille, dans une chambre spacieuse et devant une montagne de chocolat. Ma vie redeviendra plus ou moins logique, du moins davantage qu'elle l'était en ce moment. Néanmoins, un doute balaya ma belle façade d'un revers de manche. Demain, serait-ce le début de la fin, ou la fin du commencement ? Un retour à la normale ou le début d'un jeu dont on ne venait que d'apprendre les règles ? Et si l'attentat n'était que la porte d'entrée vers un monde complètement inconnu qui se cachait derrière, un univers étranger et rébarbatif ?
Malgré notre séjour sur Mars, malgré les nombreuses promesses en l'air qu'on nous avait gratifié, certains questions étaient toujours ancrées en moi, patientant pour leur réponse. Avec la disparition de Magrien, je ne voyais personne vers qui me tourner pour éloigner la confusion qui enveloppait encore la raison exacte pour laquelle Livaïna logeait dans ma tête. Il était clair que je n'en avais pas fini avec elle, ni avec les Clés et leurs problèmes. Finalement, peut-être qu'il ne s'agissait vraiment que du commencement.
Mortem pontis, le pont de la mort, comme nous l'avait expliqué Yannick, était en soi un bel endroit, en dépit de la raison morbide qui contraignait les gens à s'y rassembler. Un petit parc verdoyant, rempli de végétation luxuriante en périphérie de Melganar. Une véritable oasis dans ce monde de gratte-ciel et de technologie.
Des bancs étaient installés en rangées devant neuf coffres en bois, les cercueils dans lesquels reposaient Magrien et les élèves de l'Elite. La cérémonie en honneur du Cycle 3 avait déjà eu lieu plus tôt dans la journée, tandis celle-ci était réservée aux Cycles 1 et 2. Sept des victimes appartenaient au Cycle 2, une seule parmi le Cycle 1 et la dernière...Enfin, dû aux nombreux élèves trop blessés pour assister aux funérailles, l'assemblée n'était pas aussi pleine que je l'avais imaginé. Nous nous installâmes au fond, laissant les meilleures places aux amis des victimes.
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La Clé de Mars
FantasyÀ la base, moi, je n'avais rien demandé. Déjà que j'allais devoir déménager à Bruxelles, changer d'école et de maison, loin de moi l'idée de m'engager dans une série d'évènements louches. Étrangement, quand j'ai rencontré un groupe d'élèves de mon â...