Chapitre 54

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Maddy

Les wisterias en fleurs ajoutent des taches colorées de plus en plus fréquentes à mesure que nous nous enfonçons au cœur du royaume. Mais j'ai le cœur bien trop lourd pour profiter du spectacle naturel qui s'offre à moi. Le regard dans le vide, je fais mine d'observer le paysage. L'atmosphère est glaciale dans l'habitacle, alors que je n'ai pas décroché un seul mot à mon frère.

Je ne veux pas prendre le risque de lui adresser la parole. Pas alors que les blessures de mon cœur sont encore à vif. Je risquerais de m'embraser, et de l'emporter dans ma chute. Il sait pertinemment qu'il ne sert à rien d'essayer de converser avec moi. Il s'est plongé dans l'un de ses livres depuis bien longtemps. Mais le voyage est long, et je sens qu'il en a marre de son bouquin. Même lui peut se lasser des études...

La migraine qui martèle ma boîte crânienne n'a pas cessé depuis l'avant-veille. Je n'ai eu de cesse de pleurer, seule au fond du jardin comme une paumée. Les yeux et la gorge irrités à force de sangloter, je me souviens avoir cessé d'un seul coup. Je ne sais pas combien de temps s'est écoulé entre le départ de Dior et le moment où mes larmes ont refusé de continuer à dévaler mes joues. Dix minutes? Ou peut-être deux heures. J'en sais rien. Mais j'ai eu la sensation d'avoir épuisé la réserve d'eau de mon corps. Mes yeux sont devenus secs et douloureux.

Les yeux fixés sur les constellations, je me souviens m'être posé mille et une questions. Mon traître de cerveau rejouait en boucle les mots de Dior. Me forçant à revivre la douleur. J'ai tenté de comprendre, d'analyser ce qu'il m'a dit. Peut-être y avait-il laissé un message secret? Mais non.

Alors, comme un zombie, je me suis relevée, délaissant le sol, et je me suis traînée jusqu'à ma chambre. Personne ne m'a vue, je crois. De toute manière, je n'étais pas là, on aurait pu me jeter une assiette à la figure que je ne l'aurais pas remarqué. J'ai fixé le plafond de ma chambre, le cerveau en surchauffe, jusqu'à ce que mes yeux décident qu'ils pouvaient à nouveau pleurer.

Je pousse un soupir tremblant, sentant mes yeux s'embuer de larmes. Je ne peux pas m'empêcher de penser à ça. Je refuse d'accepter que Dior m'a...

— Maddy... Il pose sa main sur mon épaule.

Je sanglote. Je ne m'en étais pas rendu compte. D'un geste brusque, je repousse le soutien hypocrite qu'Heinly tente misérablement de m'apporter. Je ne veux pas de son soutien. Je n'ai pas le fin mot de l'histoire, ou sur le rôle qu'il a eu dans ma... Dans cette histoire, mais il en fait bien partie. Je le sais.

Bien que Dior ait eu des mots plus que durs, je ne parviens pas à le croire... Il aurait orchestré ce jeu tordu où Milena a failli me tuer? Non, je suis incapable de croire ça. Ça m'a blessée qu'il l'affirme, mais c'est comme si mon âme savait que ce n'était pas vrai. Mais est-ce là ce que l'on appelle le déni? C'est ce doute qui me tue le plus. Suis-je dans le déni?

Je ne veux pas être l'une de ces femmes qui, aveuglées par l'amour, s'acharnent sur une relation vide de sens et vouée à l'échec, trouvant des excuses toujours plus absurdes à l'élu de leur cœur. Je ne veux plus être celle que j'ai été avec Viktor. Et pourtant, je me sens piégée dans le rôle de la fille naïve qui se fait avoir encore et encore "par amour".

— Maddy... Tu...

— Sincèrement Heinly, ce n'est pas le moment, sifflé-je d'un ton cinglant.

Il a l'air d'avoir compris puisqu'il ne tente plus aucune approche, même lorsque nous arrivons à la maison. Je m'efforce de faire semblant devant ma mère qui nous accueille chaleureusement. Mais c'est trop dur. Je sais que je ne suis pas convaincante. Mon sourire peine à faire remonter mes pommettes, et encore plus à atteindre mes yeux. Mais elle ne pose aucune question. Personne ne le fait. Peut-être pour éviter de me contrarier, ou alors ils sentent bien que je suis au bord de l'implosion et se refusent tous à en être responsables.

ARCADIA : Ominous (TOME 2) (Premier jet)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant