Chapitre 13 - Juste un au revoir

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Toujours aussi silencieuse, Malori ne décrocha pas le moindre mot de tout le repas. L'esprit rempli de questions, Julia la rejoignit plus tard.

– Ma grande, comment tu te sens ?

– Fatiguée.

– OK. Peut-on parler en toute franchise ?

– Oui.

– Tu joues la comédie. Le choc est passé et tu fais semblant de toujours être affectée pour écarter les soupçons.

Sans surprise d'avoir été percée à jour, l'actrice afficha un sourire malicieux et posa son index sur ses lèvres, indiquant à sa belle-mère de ne rien dire.

– Maintenant que nous avons parlé de moi... Qu'en est-il de ton petit numéro de la fois précédente ?

– Je ne pouvais pas continuer d'agir normalement, comme si ça avait été un événement courant.

– En tout cas, je ne te remercie pas... Tu ne t'imagines pas le mal que j'ai eu pour me retenir de rire.

– Oh... Pauvre chou. Tu m'en vois sincèrement affligée.

– Je ne vais pas tarder à lever le camp. Demain, je retrouve Rohan et dès que les papiers sont remplis, ils seront déposés et je ne dépendrai de plus personne.

– Il s'agit d'une bonne nouvelle alors. Tu veux fêter la chose ?

– Je vais croire que tu espères te débarrasser de moi au plus vite.

– C'est exactement ça. Allez, du balai.

– Je vais aller le dire à mon papa et il va te mettre un coup de pied aux fesses.

– J'ai de gros doutes.

– Plus sérieusement, d'ici la fin du mois, je disparais. Je dois trier mes affaires et n'emporter que le nécessaire sans trop me charger.

– Tu partiras à l'aventure ?

– Si on veut. Et pour le début, ce sera très certainement comme ça. Je n'ai aucun plan en tête et ce n'est pas aujourd'hui que je vais tenter d'en concevoir un.

Elle avait beau ne rien laisser transparaître, Julia était malgré tout inquiète. Un stylo dans une main et un morceau de papier posé sur le bureau, elle griffonna quelques secondes avant de le plier et le donner à Malori.

– Si tu as le moindre problème. Rends-toi à l'une de ces adresses ou appelle en avertissant que c'est moi qui t'ai transmis ces informations. Aussi petit soit-il, ce papier peut vite causer des dégâts s'il tombe en possession de certaines personnes. Si tu n'en veux pas, brûle-le. En aucun cas, tu ne dois te contenter de le jeter à la poubelle ou de griffonner par-dessus pour cacher les données.

– Merci pour tout.

– Quoi que tu décides, j'espère sincèrement que tu parviendras à atteindre ton but.

– Ça me touche. En quelques mois, tu auras davantage agi pour moi que mon père.

– J'ai beau ne pas avoir connaissance de toute votre histoire, je sais en revanche qu'il essaye parfois de remplir son rôle.

Vu la tête peu convaincue de son interlocutrice, Julia reprit :

– Je ne cherche pas à le défendre. Ne va pas t'imaginer des scénarios.

– Tu vas faire part à ton ou tes chefs de mes actions ?

– La question m'est venue, mais sois rassurée. Je resterai muette. Ma mission concerne uniquement ton père. Dès lors que tu quitteras cette maison, nous serons, si je puis dire, de nouveau des inconnues et quand je l'aurai achevée, dans la suite logique des choses, toi et moi ne nous reverrons pas.

– Tu caches d'autres secrets ?

– Bien sûr. Par contre, ne va surtout pas croire que je vais te les révéler.

– Même si ça me concerne ?

– Encore plus.

– Ce n'est pas pour me rassurer ce que tu me chantes. Je peux au moins savoir si j'ai commis une erreur ?

– Tu n'as rien à te reprocher, n'embrouille pas tes méninges pour ça. Si je peux me permettre de te donner un conseil, vis ta vie comme elle vient.

– Je ferai au mieux, je t'en fais la promesse.

L'échange achevé, Malori tira de sa cachette, le sac de voyage qu'elle avait soigneusement préparé dans l'après-midi. Le réveil programmé pour 3 h 30, elle s'octroya une courte nuit qui venait compléter la longue sieste qu'elle s'était accordée plus tôt dans la journée.

Malgré son hésitation, elle finit par laisser un mot qu'elle glissa sous la porte de la chambre de Julia. Les pieds dehors, elle distingua au loin une silhouette qui avait commencé à s'avancer. La reconnaissant, Malori s'en approcha.

– Tu comptes partir aujourd'hui ?

– Oui. Mieux vaut que j'agisse tant que j'en suis capable et que tout est sous contrôle. Dis, on se reverra ?

– Je l'espère. Cette partie du monde n'est pas la mienne. Il faut que je retourne chez les miens. Pendant les prochains mois, évite les régions qui entourent la capitale des démons. Des événements se préparent et je ne veux pas que tu te retrouves exposée à un danger inutile.

– Dans ce cas, je me rendrai à l'opposé.

– Si je peux émettre des suggestions, Kelia est une très belle ville. Si tu y passes, je peux t'assurer que tu ne seras pas déçue.

– Je n'en ai jamais entendu parler.

– Ce n'est pas étonnant. Généralement dans les villes technologiques, les démons ne sont pas très bien vus ou accueillis. C'est pour cette raison que nous ne nous montrons pas tels que nous sommes vraiment et que nos villes sont peu représentées.

– C'est bien dommage.

– Je veux que tu me fasses une promesse... Enfin non, plusieurs. Premièrement, reste toujours à l'abri et en sécurité. Ne va pas te jeter de façon inconsidérée dans une histoire qui ne te concerne pas. Deuxièmement, vis pour toi et fais-toi plaisir. Sois égoïste un peu, profite de ta liberté. Il s'agit de quelque chose de rare ces dernières années.

– Il s'agit davantage de conseils, que de promesses.

– Pour moi, ce sont deux éléments étroitement liés. Ensuite, jure-moi que nous nous reverrons.

– Quel genre d'amie je serais, si je ne revenais pas ? Je t'assure que nos chemins se recroiseront, mais je ne peux pas te donner de date précise.

– C'est pour toi.

– Il est vraiment beau. Merci.

– Malori, n'oublie pas de penser à moi.

Le démon mit fin à leur échange. Pris de chagrin, il regagna son repaire temporaire et sans perdre un instant, il se mit au travail à l'aide des vassaux. Dans un sens, le départ de la jeune humaine l'arrangeait. Inconsciemment, elle s'était en partie éloignée du danger et ça le rassurait.

– Nous n'allons pas tarder à passer à l'attaque. Nous commencerons par les territoires les plus étendus. En grappillant du terrain, nous gagnerons en puissance par la même occasion et je suis prêt à parier que de nouveaux alliés se joindront à nous.

Le plan dévoilé et plus serein, le démon se retira et partit se reposer.

Déchéances T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant