01 / to kill Aemond

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(You were born reaching
for your mother's hands)






Sa mère avait l'habitude de lui chanter des ballades pas très populaires chaque soir. Tous les soirs. Jusqu'à ce qu'elle ferme les yeux et fasse semblant d'avoir succombé au sommeil.

C'était toujours un chevalier et sa Dame. Le chevalier était prêt à tout pour elle. La Dame l'aimait comme elle respirait mais finissait par marier un noble d'une quelconque maison. Le chevalier s'enfonçait alors sa propre épée dans le cœur. Ballade sur ballade, le chevalier mourrait sans exception. Chaque soir, il décidait de retourner sa lame contre lui.

L'amour tuait le devoir. Où était-ce le devoir qui avait raison de l'amour? Peu importe, ils ne pouvaient pas coexister. L'un condamnait l'autre par automatisme. L'amour et le devoir se massacraient sans répit.

Sa mère avait l'habitude de lui chanter des ballades pas très populaires chaque soir. Elle était attentive à chaque mot qu'elle employait. Pour que sa fille s'endorme la tête remplie de doux rêves.

Ils n'étaient jamais doux, les rêves. Ils n'étaient même pas des rêves.

"Je ne veux pas d'un autre cauchemar où le chevalier doit se tuer lorsque sa Dame n'est plus sa Dame!"

Sa mère s'était arrêtée pour la prendre dans ses bras. La fille tremblait. Un autre rêve qui n'avait rien d'un rêve s'était emparé de son esprit pour le traîner dans un brouillard de sang et de mort. Une épée à la lame écarlate. Une larme solitaire. Un cri de détresse. C'était la même chose chaque nuit.

Le cri de détresse était devenu le sien. Elle commençait à devenir folle. C'était peut-être transmis de génération en génération. Elle en était seulement à sa onzième année.

"Tu es maudite, ma fille, nous le sommes tous."

Les mots de sa mère n'avaient jamais autant chamboulé sa tête qu'à ce moment là. Elle lui caressait les cheveux en répétant que les cauchemars seraient la seule chose qu'elle ne pourrait jamais posséder. C'était sa mère. Alors elle buvait ses paroles comme elle buvait celle des Dieux. Elle la croyait. Elle ne se plaignit plus jamais de ses rêves.

Sa mère est morte le jour de ses douze ans. Un chevalier du Roi l'avait décapitée, selon les dires du peuple.

Elle est morte seule dans une rue et a emporté l'âme de sa fille avec la sienne. Daehna est morte le jour de ses douze ans. La capitale n'avait jamais eu une seule once de pitié pour une bâtarde et sa génitrice complètement fanatique. Il avait plu ce jour-là. Sur les joues de la fille, pas dans la ville. Non, les Dieux n'allaient quand même pas pleuré pour si peu.

L'étranger venait tous les jours pour un nouveau cœur éteint. C'était écrit. Le cœur de la fille ne savait pas comment fonctionner sans celui de sa mère.

Personne ne la revit dans la capitale d'ailleurs. Personne ne la revit chez elle, ni dans la taverne malfamée du coin, ni dans la maison close où sa mère travaillait, ni derrière la maison close où elle se réfugiait, ni chez le forgeron avec qui elle s'était liée d'amitié par défaut. Elle n'était pourtant pas compliqué à rater avec sa cicatrice sur la joue gauche et ses vêtements rapiécés couleur rouge.

Il fallut attendre plusieurs saisons pour que la cicatrice soit aperçue de nouveau. De l'autre côté de la mer étroite. Sur les terres des cités libres. Comment la fille avait atterri là-bas? Il fallait sûrement lui demander. Daehna avait fuit la capitale, c'était une certitude, mais Daehna était-elle la fille?

La fille avait de longs cheveux noirs, plus longs qu'elle ne les avait jamais eus. Ses yeux reflétaient la même couleur que ses cheveux, comme si son corps avait pris l'apparence du deuil. Mais quel deuil? Et le deuil devait-il prendre la couleur du noir? Ne pouvait-il pas être rouge comme l'amour? Après tout, il n'était qu'un surplus d'amour.

Ah! La fille marchait dans une rue de Braavos (la cité libre où elle fut revue) sous les yeux attentifs d'un corbeau. Elle n'avait pas encore de nom, la fille resterait la fille pour l'instant. Elle n'avait plus de Dieux, seulement un. Son maître. Elle n'existait plus que pour lui.

Elle buvait les paroles de son Dieu comme elle aurait bu celle de sa mère si elle avait toujours été là. Sans elle, elle se racontait elle-même des histoires de chevaliers pour dormir. Des chevaliers qui succombaient aux dagues de leur Dame. Ils le méritaient. La fille faisait toujours de doux rêves après ces histoires.

Le corbeau émit un son. Elle leva la tête. Il la regardait. Elle fronça les sourcils.

Le papier qu'il tenait dans son bec tomba à ses pieds sans un bruit. Elle fronçait encore les sourcils. C'était la première fois que son visage était traversé par l'illustration d'une émotion depuis des années.

La peur? Non. La colère. Elle savait avant même de déplier le papier. Elle hésita, ses doigts tremblaient légèrement alors qu'elle se penchait. Le tremblement n'était pas digne de la fille.

Besoin de toi. Paye ta dette Daehna.

L'écriture était soignée mais précipitée. Le cursif avait souffert de l'urgence d'une situation qu'elle comprenait en s'enfonçant dans la lecture du mot. Ce n'était pas vraiment un mot mais plutôt des instructions.

Daehna. Comment osait-il? Le temps qu'elle finisse de déchiffrer le contenu, la fille fulminait. Elle pensa à déchirer le papier pour le jeter dans une flaque d'eau et le noyer.

Son cœur était pris de tremblements. Elle avait du mal à respirer. La dette. La stupide dette. Maudite dette. Daehna. Le prénom. Son prénom. Elle n'avait pas de prénom. Il connaissait son serment. Il venait de le trahir. Il demandait son aide. Il lui ordonnait de l'aider.

Les princes fougueux ne demandaient jamais.

La fille se pinça l'arrête du nez. Sa cage thoracique menaçait de se briser en mille morceaux sous l'agitation de son organe vital. Il ne s'était jamais, jamais, jamais agité de la sorte. Elle avait envie de se l'arracher pour le faire taire. Elle ne supportait pas. C'était impossible à supporter. Elle avait presque envie que ce soit le corbeau qui vienne lui arracher, qu'il le mange, son cœur.

Elle était folle. Fuir et se cacher ne pouvait empêcher l'inévitable. S'entraîner et apprendre à tuer ne pouvait tuer la folie. Elle était folle. Sa dix-huitième année en avait scellé le verdict. Bien qu'elle avait arrêté de compter les années. Ça n'avait plus d'importance.

Le message, qu'elle tenait toujours dans ses mains, était clair. Clair et simple. Rien ne pouvait être plus clair. La fille était ce que l'on appelait assez vulgairement une tueuse. Un assassin. Le message était presque une commande. Pour un meurtre, pour une vie.

On devenait souvent le prédateur quand le risque d'être la proie planait au-dessus de notre tête. (La fille se disait cela lorsque une ombre de culpabilité se traînait derrière elle)

Le message dit instructions ou ordre ou commande parlait d'une guerre. Une guerre de l'autre côté de la mer? Une guerre entre les dragons qui régnaient en maîtres sur les anciennes terres de la fille? Elle n'y croyait pas.

Peu importe. La fille avait maintenant un nom. Elle avait une mission, une vie à rendre à son Seigneur.

Aemond Targaryen.

C'était sa dette. Elle n'avait pas de choix. Elle ne pouvait pas s'en défaire. Même si le nom était celui d'un Targaryen. Les Targaryen étaient plus proches des dragons que des hommes. Ce n'était pas une rumeur, seuls les Targaryen chevauchaient les dragons.

Peu importe. La fille n'allait reculer devant rien. Aemond devait mourir. Il devait mourir.

Tous les hommes devaient mourir. Tous les hommes devaient servir.








NDA/ Dans l'univers de hotd, il y a deux main royaumes on va dire: Westeros (dirigé par les Targaryen, là où Daehna est née) et Essos (avec les cités libres), les deux sont séparés par la mer étroite!

FACELESS (Aemond Targaryen)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant