Prologue

62 9 3
                                    

Encapuchonné et vêtu intégralement de noir, le sorcier marchait vers la mort.

Le voyage avait duré trois nuits et nécessitait de passer l'une d'elles dans la forêt aux portes du royaume, connue pour renfermer toutes sortes de créatures aussi fantastiques que meurtrières. Cependant, le sorcier n'avait pas eu peur de croiser leur chemin ni même de les affronter. La peur était un sentiment qu'il n'éprouvait plus. Comme aucune autre émotion, d'ailleurs. Celles-ci étaient uniquement réservées au Faucheur. Il les lui avait volées il y a déjà bien longtemps, tout comme son âme.

La troisième nuit tombée, le sorcier se tenait devant l'entrée de l'enfer. Un temple en ruine et une énorme porte en pierre l'accueillirent. La porte était ornée de reliefs détaillés représentants des anges déchus. Jadis purs et êtres de lumières, ces créatures corrompues avaient été exilées du paradis et étaient devenues gardiennes des ténèbres.

Les anges semblaient presque bouger dans la lumière vacillante du clair de lune, comme s'ils prenaient vie sous le regard du sorcier. De chaque côté de l'immense porte qui était haute d'au moins vingt mètres, deux statues imposantes de créatures à cornes montaient la garde. Ces figures grotesques ne faisaient que renforcer l'atmosphère oppressante et macabre du lieu.

Le sorcier avança et entreprit la montée des quelques dizaines de marches en pierre, larges et usées, qui le séparaient de la porte colossale. Les battements de son cœur s'accélérèrent lorsqu'enfin les portes de l'enfer s'ouvrirent à son passage. Une fois à l'intérieur, les yeux du sorcier mirent quelques secondes à s'acclimater à l'obscurité. Le brouillard froid qui s'ajoutait à la pénombre et au silence régnant sur les lieux ne fit qu'amplifier son sentiment d'angoisse.

IL jouait avec lui.

IL se délectait de sa terreur.

La souffrance que cette perspective lui procurait était insupportable. C'était comme si ses émotions étaient décuplées des centaines de fois, tant il y avait longtemps qu'il n'avait rien éprouvé. La peur et la souffrance étaient bien les seuls sentiments que le Faucheur lui permettait de ressentir, d'ailleurs.

Le sorcier dut se faire violence pour continuer d'avancer dans les limbes, malgré les protestations de son corps et de son esprit. Chaque pas était une lutte contre l'angoisse et la douleur, mais il n'avait pas le choix. Arrivé dans une vaste salle à l'atmosphère lourde et inquiétante, un lieu maintenant familier qu'il savait être leur lieu de rendez-vous, il s'arrêta. La première fois qu'il avait franchi ce seuil, il était reparti changé à jamais.

Malgré le brouillard et la pénombre, il pouvait distinguer au centre de la salle un grand trou circulaire entouré de petites colonnes et stèles. Sur la gauche, l'imposant monolithe se dressait toujours. Les reliefs gravés et les inscriptions anciennes sur les murs et sur le monolithe n'avaient pas bougées, racontant des histoires oubliées de souffrance et de pouvoir dont seul le Faucheur en connaissait les secrets. L'air était chargé d'une énergie sombre, et chaque gravure semblait vibrer de magie ancienne, comme un écho de son dernier passage.

Des statues menaçantes, semblables à celles qu'il avait vues à l'entrée, semblaient observer ses mouvements, leurs yeux de pierre luisant faiblement dans la lueur diffuse. La lumière de la lune perçait à peine à travers le brouillard, créant des ombres dansantes sur le sol.

Le sorcier souleva lentement sa capuche, révélant ses cheveux blancs qui contrastaient avec l'obscurité environnante. Il plia le genou droit dans un signe de soumission, baissant la tête devant l'immense monolithe. Ses pensées étaient lourdes de résignation et de détermination, sachant que ce geste marquait le début d'une épreuve qui allait au-delà de tout ce qu'il avait connu.

Les héritiers du sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant