Chapitre XXI

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Mon armoire dans la Salle sur Demande présentait un spectacle désolant. J'avais beau extirper chaque vêtement entassé à l'intérieur, fouillant désespérément à la recherche d'une tenue convenable pour le bal, rien ne semblait à la hauteur de cet événement prestigieux. Les robes semblaient défraîchies, les costumes passés de mode, et même les accessoires avaient perdu de leur éclat. Chaque essayage devenait une déception supplémentaire, renforçant l'impression que je n'avais rien qui puisse me rendre justice lors de cette soirée exceptionnelle qui aura lieu dans deux jours.

La seule robe qui pourrait être convenable était celle que je portais pour les sorties dominicales au pensionnat. C'était une longue robe qui m'arrivait jusqu'aux tibias, autrefois d'un blanc éclatant, mais désormais jaunie par les nombreux passages dans la lessiveuse imprégnée de tabac. En tenant le tissu de coton défraîchi entre mes mains, je me sentais envahie par un sentiment de désespoir. Je me laissais mollement tomber sur le tas de vêtements en désordre, éparpillés sur le lit. La douceur rassurante de la robe d'autrefois contrastait cruellement avec sa dégradation actuelle, symbolisant mes espoirs ternis pour cette soirée que je souhaitais pourtant mémorable… Notamment parceque mon cavalier avait tout de quelqu'un de mémorable.

Ominis me l'avait maintes fois répété : peu importait la couleur ou le tissu de ma tenue, il ne la verrait pas et s'en fichait éperdument. Pourtant, malgré ses paroles rassurantes, je ne pouvais m'empêcher de douter. Il ne percevrait certes pas les nuances jaunies de la robe, mais l'odeur persistante de tabac froid ne lui échapperait pas, et je savais que le coton rugueux serait désagréable au toucher de ses mains sensibles. Cette simple pensée me plongeait dans l'embarras. Même sans la vue, Ominis avait toujours été attentif aux moindres détails, et je redoutais que cette robe, chargée de souvenirs désuets et d'odeurs désagréables, puisse ternir l'image que je souhaitais lui renvoyer lors de ce bal si important.

Dans un grand soupir désespéré, je laissai échapper toute ma frustration accumulée. Tandis que je me persuadais de renoncer à ce bal, mon esprit commençait à échafauder un plan de repli. Je me ferais passer pour malade, inventant une affection suffisamment bénigne pour ne pas inquiéter les autres, mais assez contagieuse pour qu'on me laisse tranquille. Je pourrais prétendre à un petit rhume ou une grippe légère, quelque chose qui justifierait mon absence sans susciter trop de questions.

Alors que j'étais plongée dans ces pensées, essayant de peaufiner mon stratagème, trois petits coups discrets retentirent contre ma porte. Le son me fit sursauter et interrompit mon monologue intérieur, ramenant brusquement mon attention à la réalité. Qui pouvait bien venir me voir à cet instant précis ? Mon cœur s'accéléra légèrement, mêlant une pointe de curiosité à l'angoisse déjà présente.

"Cheek a un colis pour vous," annonça la voix chevrotante du petit elfe, légèrement étouffée mais empreinte d'un enthousiasme palpable.

"Tu peux entrer, Cheek," répondis-je, ma curiosité piquée au vif.

L'elfe poussa la porte avec difficulté, ses bras frêles chargés d'un immense paquet violet entouré d'un ruban doré. Dès que je vis les couleurs distinctives de Gaichiffon, mon cœur fit un bond dans ma poitrine. Je me précipitai vers Cheek, l'excitation prenant le pas sur ma frustration, et m'emparai précieusement du colis.

"Il y avait cette lettre qui l'accompagnait," ajouta Cheek en me tendant une enveloppe brodée et écrite à la main. Son contenu promettait d'être aussi raffiné que le paquet.

"Merci, Cheek," dis-je, reconnaissante, tandis que je prenais la lettre. Le petit elfe me regardait avec une lueur de satisfaction dans les yeux, heureux de m'avoir apporté ce cadeau inattendu et ignorant totalement le bazard environnant.

Imperfect LegacyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant