Après avoir appris que je n'aurais plus d'entraînement avec Léoni et Léandre avant longtemps, j'avais été de mauvaise humeur tout le reste de la journée. J'avais même raté l'occasion de me donner à fond lors de mon dernier combat avec Léoni en fin d'après-midi.
Non vraiment, je n'avais eu le cœur à rien. J'en voulais à mon frère de partir si tôt. Je lui en voulais pour ce qu'il ressentait à l'égard du palais et de notre famille. Je savais que c'était injuste mais je continuais de lui en vouloir.
Assise à table avec tout le monde, je soupirai. Le repas, bien qu'aussi succulent que d'ordinaire, était fade dans ma bouche. Je saisis mon verre pour essayer de faire passer le goût.
L'attablée était toujours aussi bruyante et animée. Ce soir, seul notre oncle par alliance, Siméon de Dvareine, était absent. Même Hector, le premier prince et bâtard du roi nous avait fait l'honneur de sa présence. Par ailleurs j'avais remarqué que je l'avais déjà aperçu sur le terrain d'entraînement principal en train de coordonner les chevaliers.
Tous discutaient et passaient un bon moment ensemble. Je me sentis coupable de ne pas en être.
Heureusement, le dîner se finit tôt et je pus enfin sortir de la pièce. Me frayant un chemin discrètement à travers la dizaine de personnes qui sortaient eux aussi, je me rendis sans plus attendre dans ma chambre.
J'attrapai un livre et continuai ma lecture pendant une bonne heure avant que des bruits ne m'interrompent. Plusieurs personnes entraient bruyamment dans la partie commune que je partageais avec Thalion.
— T'abuses, Léo ! Faire ça devant Lisabeth, râlait d'ailleurs ce dernier.
— Avoue quand même que c'était bien drôle ! Rétorqua l'interpellé, semblant, d'après sa voix, être pris d'un fou rire.
Plusieurs autres rires retentissaient.
— Thalion, mon chou ! J'ai affreusement besoin de tes mains expertes, s'exclama une voix aiguë dont le timbre s'approchait de celui de Léoni.
De nouveaux rires s'élevèrent tandis que je fis abstraction de ce qu'ils disaient. Je me relevai. De toute façon, ce livre ne m'intéressait pas et avec le vacarme à l'extérieur il m'était impossible de me concentrer.
Leurs rires me faisaient mal au cœur. Des larmes se formèrent au coin de mes yeux. Je les essuyai aussitôt.
J'avais besoin de prendre l'air. Je me dirigeais près de l'unique fenêtre de la pièce pour vérifier si je pouvais descendre.
Je l'ouvris en tâchant de faire le moins de bruit possible. De toute façon j'étais presque certaine que Thalion et les autres dans la pièce d'à côté n'entendraient rien.
Je penchais par-dessus le petit rebord de l'ouverture. Il y avait un petit rebord à un demi mètre puis une chute d'environ trois mètres.
— C'est faisable, ai-je murmuré pour me convaincre que ce que je faisais n'était pas juste une énorme bêtise.
Je courus vers l'armoire et attrapai une veste noir que j'enfilai. Je pris aussi le couteau de Léoni et tressais mes cheveux en deux nattes. J'agrippai ensuite la poignée du battant pour me hisser sur le rebord. Je lançai un dernier regard vers la porte de ma chambre. Les rires retentissaient toujours autant. Je pestai et retournai dans la chambre pour placer une chaise devant la porte. Peut-être que cela ne servirait à rien, mais bon, déplacer un meuble lourd ferait beaucoup plus de bruit.
Une fois tout en place, je retournai à la fenêtre. Regardant en bas, je fixai le toit avec appréhension.
Je commençai ma descente en me tournant dos au vide. J'atteins l'encoche avec mon premier pied. C'était beaucoup plus bas que prévu. Avec difficulté, je posai le second, tenant toujours fermement le rebord. Il me restait presque trois mètres à sauter.
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Gardiens des Magies - Tome 1
FantasiaDans un monde pourtant pas si différent des autres, règne la Magie. Anthéa Valberton avait seulement douze ans lorsque sa famille a été assassinée. Après un an et huit mois, elle s'est réveillée, seule, sans souvenir de ce qu'elle a pu faire depuis...