Atalante - partie II

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Le bruit étouffé du sable, tel le seul et dernier murmure de ce monde, m'enveloppa. Résonnant comme un écho lointain, il emporta mon esprit vers les arcanes d'un vaste rêve. Chaque grain de sable perdu sous cette surface silencieuse, pouvait contenir un secret, une menace. Je m'imaginai lever ma main tremblante, se parant de la douce chaleur de la magie, creuser ce sable, y révélant un objet ancien, un artefact couvert de symbole énigmatique, ou peu être même un monstre sorti du plus terrifiant des cauchemars. Je retins mon souffle, et détournai mon regard peu assuré de l'horizon, pour accepter la réalité. Quel ne fut pas ma surprise de voir le grand seigneur Alkan, se comporter d'une manière enfantine.

Il venait de se laisser choir sur son séant, son armure de stellite se parant des reflets ténébreux du sable, avec lequel il jouait ! Il l'empoignait à grosse main, les grains glissant entre ses doigts dans de légères volutes de fine poussière. Les rivières sablonneuses formaient un tas informe à ses côtés, qu'il écrasait grossièrement avant de replonger ses mains dans la noirceur de la plage. Je n'avais jamais ignoré qu'un dieu puisse jouir de plaisir espiègle. Mais le voir ainsi, m'étonnait. Des étoiles, tels des éclats de rire célestes, dansaient dans ses yeux, tandis qu'un sourire se dessinait sur son visage. Je savais, que ses prérogatives ne lui laissaient que peu de temps pour apaiser un tant soit peu son âme. Elle qui constamment se tenait aux abords des mondes, cherchant refuge dans les étoiles, fragile, telle une bulle de savon prête à éclater à tout moment. Le voir ici, lui le grand et puissant Katastrep, occultant sa divine mission pour se complaire dans une joie simple de la vie, était surprenant. Je fus surprise de ressentir la joie s'emparer de mon être, face à ce tableau ô combien déroutant.

- Tu souris princesse.

Les battements de mon cœur s'accélérèrent à l'entente de ces mots, dite dans la plus grande des joies. Laissant ma main caresser mon visage, je passai mes doigts sur la commissure de mes lèvres.

- Quel bonheur ma chère. Je contemple enfin ton visage s'illuminer. Quel déchirement de le voir sous peu, s'en retourner aux ténèbres.

Je fus troublée à l'entente de ses mots. , Une légère crainte se saisit de moi. M'habitant aussi vite que la joie, qui venait de s'en retourner à l'oublie, je fis quelque pas en arrière, prêt à fuir le moindre danger. J'attendis néanmoins, fébrile, qu'il daigne expliquer ses paroles pleines de sous-entendus. Il se releva, époussetant son armure, avant de se diriger nonchalamment, et sans un mot, vers la calme étendue aquatique.

- Il fut autrefois sur ce monde, des royaumes prospères. Certains, nichés au cœur de vallées verdoyantes, leurs habitants vivant en harmonie avec la nature, cultivant des champs luxuriants et érigeant des temples majestueux. D'autres ayant élevé sur les flots d'immense cité, joyaux étincelants de symbole de modernité. La vie ici-bas, n'avait d'égale que leur harmonie avec l'unique source de leur magie, l'océan. L'opulence de ce monde venait des chantiers navals qui se dressaient le long des rivages. Les grues rouillées s'étendaient vers le ciel, prêtes à assembler de robustes navires. Les charpentiers et les forgerons travaillaient sans relâche, martelant le bois et le métal pour façonner de solides coques et d'imposants mâts. Les navigateurs voguaient fièrement sur ce vaste océan. Car ces peuples, maniant la magie de l'eau, étaient fort connus pour leurs habilités en mer. Ils chevauchaient les flots, faisant fi des dangers marins qu'ils domptaient avec aisance.

Nombreux étaient les mondes jouxtant celui-ci, qui envoyait leurs soldats et leurs mages, dans les universités navales. Cette planète était un phare d'érudition et de technologie. Les connaissances maritimes, dont ils étaient les fervents adeptes, étaient connues de toute la galaxie.

L'histoire des mondes me fascinait depuis ma plus tendre enfance. Ce que je savais de l'univers et des Neuf Royaumes, je l'avais appris dans les livres. Pour moi, jeune divinité, dont la vie se devait de n'être qu'obédience et asservissement, les pages jaunis d'un recueil depuis longtemps oubliés, m'avaient permis de voyager. Ces périples oniriques, qui avaient de maintes fois accompagnés mon esprit sous le vieux saule des jardins de sanctuaires, se matérialisaient dans les paroles du seigneur Alkan. J'écoutais sans un mot. Me perdant au rythme de sa voix, je laissai mon imagination s'emparer de cette ancienne civilisation.

- Malgré cela, les activités humanoïdes, devenant plus gourmandes, à mesure que les temps s'écoulaient, les emportèrent vers la fin. Déforestation, pollution de l'air et de l'eau, exportation spatiale eurent raison de l'énergie créatrice. Les courants marins acheminaient d'innombrables déchets, emportant dans la mort les créatures aquaphobes. Le ballet incessant des vaisseaux, déchira l'atmosphère protectrice, laissant les rayons solaires martelés les immenses étendues forestières, devenu d'aride désert. Les températures devinrent si insoutenables, que ceux ayant échappé à la grande catastrophe, ne revinrent jamais. Toutes ces nations, sont aujourd'hui disloquées, englouties sous ce vaste océan. Les quelques îles éparses en constituent les derniers et prestigieux vestiges. Mais nous ne sommes pas là pour une aquatique visite, ni même pour refaire l'histoire ma chère. J'ai d'autres projets pour toi.

Le rêve s'acheva à la fin de son récit. Le souffle court, je m'enfonçai dans l'obscurité oppressante de sa phrase. J'ai d'autres projets pour toi, n'inaugurais rien de bon. Tel un piège semblant se refermer sur moi, l'omission de sa parole me fit trembler. Il se tourna vers moi, le regard sévère du maître à son élève. Sa voix changea d'intonation, et je sus que je ne rentrerai pas dans le confort de son palais avant un bon moment.

Spin off : Avant que la lumière ne s'abatte : OdysséeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant