Jour 49

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— Pourquoi on pourrait pas dormir ? demanda Salvator.

Ils marchaient, se contentant à ce stade de longer les rayons, avalant les kilomètres d'un bout à l'autre du magasin.

— Parce qu'on a pas le temps ! gronda Mickaël. Marcher, ça empêche de dormir.

— Mais on est fatigués. Du coup pour pas s'endormir on se fatigue encore plus. Je comprends pas la logique. C'est le milieu de la nuit, là. Pourquoi on aurait pas le temps de dormir genre deux heures ? Ça changerait quoi ?

Salva se pétrifia quand Mickaël empoigna son visage, l'obligeant à lui faire face.

— Tu voulais du temps, je nous ai trouvé deux nuits et un jour. Ça parait beaucoup, mais ça fait jamais que... trente-trois heures.... en partant du principe que les employés se pointent une heure avant l'ouverture. Soit lundi 7 h. Trente-trois heures, Salva. Il en reste moins de trente. De tout ce qu'on peut faire pendant ce temps, tu veux vraiment dormir ?

Les paumes de Micka glissèrent sur ses joues avant de le lâcher, à son grand désarroi. Salva aurait volontiers passé trente heures, les yeux fermés, sa peau contre la sienne, mais ce n'était pas le moment. L'idée, bien que séduisante, ne rendait pas hommage à ce que Micka lui offrait, même s'il ne voyait fichtrement pas pourquoi un supermarché.

— Ok. Alors on fait quoi ?

Micka écarta les bras, désignant l'immensité qui les entourait. Son regard se perdit de droite et gauche avant de se reposer sur lui.

— Ce que tu veux. C'est ton jour.

— Samedi ? Nan attends... il doit être plus de minuit. Dimanche ?

Les sourcils froncés, Salva l'interrogeait. Mickaël le traina derrière lui. Le bracelet que formaient ses doigts autour de son poignet arracha à Salva un complaisant sourire. En bout de magasin : le rayon d'électronique. Des étagères entières de télévisions à écran cathodique habillaient tout un pan de mur. Chaines hifi et platines se coudoyaient face aux magnétoscopes et consoles de jeux. Mais c'est vers les radios-réveils que Mickaël l'emmena.

Un réveil jaz – qui se targuait de posséder un écran à cristaux liquides – servait de modèle de présentation. Après avoir appuyé sur l'un des boutons du socle, Mickaël tourna l'appareil vers Salvator.

— Qu'est-ce que tu vois ?

— Euh... il est 1 h 20 du matin ?

— Et puis ?

Les mains sur les genoux, Salva se pencha. Il se demandait bien quel con trouvait une utilité dans le fait d'avoir l'heure de vingt-quatre villes du monde entier, quand son regard accrocha la date.

— C'est ton anniversaire !

Le sourire inversé de Micka mordit ses joues.

— C'est ton anniversaire, rectifia ce dernier.

Salvator se redressa. Il se sentit profondément idiot d'avoir oublié. Entre les murs, le temps ne filait plus de la même façon. Les jours se confondaient. Ils n'avaient guère d'importance par ailleurs. Le temps ne servait qu'aux gens qui poursuivaient des objectifs. Ceux qui avaient un futur.

— C'est ton anniv plus que le mien... marmonna Salva.

— Nan. T'as décidé que c'était aussi le tien. Donc...

Une fois de plus, Mickaël écarta les bras.

— Du coup, c'est notre anniv à nous deux, répondit Salvator.

Le plaisir fleurit en lui à mesure que le sourire de Mickaël s'étirait un peu plus. Il aimait la manière dont ses pensées déteignaient sur sa peau avant même que le moindre mot ne soit exprimé.

La minute effacée - (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant