Bien loin et ignorante du tumulte qui se déroulait en son absence, Malori profitait pleinement de son voyage. En quelques mois à peine, elle avait grandement enrichi sa culture sur les démons ; un élément que son père n'avait jamais vu d'un bon œil et qu'il lui avait toujours empêché de faire.
Sans surprise, les premiers jours elle avait la désagréable sensation d'être observée par Basile, mais contre toute attente, cette dernière se dissipa en un clin d'œil. En chemin, elle distingua un panneau et le nom de l'un des lieux lui semblait familier. Plongée dans ses pensées, pour tenter de se remémorer comment elle avait entendu parler de cette ville, elle se fit aborder par un couple âgé.
– Mademoiselle, vous êtes égarée ?
– Oh non, pas du tout. Je suis juste en train de réfléchir.
Aussitôt l'homme et la femme éloignés, Malori se souvint que c'était le démon qui lui en avait parlé le jour de son départ. Le temps était loin de la contraindre. L'exploratrice avait ainsi donc tout le loisir de se rendre là où ça lui chantait.
Si à première vue, on ne savait pas qu'il s'agissait d'une ville de démons, pénétrer l'endroit servait amplement à dissiper tout malentendu. Chaque être — ou presque — avait une apparence différente, les bâtiments n'avaient aucune similitude avec les villes technologiques... La présence de cette diversité renforçait le choc entre les deux types.
Kelia avait beau ne pas être la première ville de démons dans laquelle Malori posait les pieds et pourtant, elle dégageait un petit quelque chose de différent et de très agréable.
Pressée d'en découvrir toutes les particularités et tout ce qui se rapportait aux coutumes, la jeune femme se dépêcha de trouver une auberge et d'y laisser ses affaires. Pour une fois, elle comptait se poser pour un moment. Habituellement, une semaine permettait amplement de faire un tour et explorer les alentours. Aujourd'hui, elle avait la certitude que même un mois ne suffirait pas.
Malgré l'immensité de la ville, les quelques démons qu'elle croisait chaque jour la saluaient comme s'ils se connaissaient depuis des années. Un matin en prenant son petit-déjeuner, elle avait eu un long échange avec le propriétaire de l'auberge, qui lui avait donné quelques petits tuyaux afin de l'éclairer dans les lieux les plus intéressants à visiter.
Deux mois plus tard, Malori n'avait toujours pas levé le camp et ce n'était pas réellement important. Pensant à rattraper le temps perdu que son père lui avait interdit d'utiliser à sa guise, elle ne s'occupait pas à ce qui se déroulait à l'opposé de sa position. Malgré tout, elle recevait des échos et dans certains coins, les esprits s'échauffaient. Si tout avait pu s'en tenir à de simples tensions, beaucoup s'en seraient contentés, soulagés que rien ne dérape, mais un jour en rentrant jusqu'à l'auberge, un groupe entoura Malori.
Chaque membre se regarda avant que celui qui se trouve dans son dos la pousse violemment. L'agression se passa en silence. Pas un mot, pas un cri de douleur. Les coups pleuvaient, laissant les os se briser et les organes subir les multiples chocs. Satisfaits, les démons décidèrent de ne pas s'attarder.
Soulagée, la victime patienta quelques minutes avant de difficilement se relever et tituber jusqu'à sa chambre. Rassurée de ne croiser personne, elle monta les escaliers un à un dans la lenteur d'une personne âgée.
Désormais, les yeux plus ouverts sur la situation extérieure, elle prit la décision de ne pas sortir jusqu'à ce que son corps se remette des coups. En meilleure forme malgré les bleus qui persistaient, elle remonta sa capuche et récupéra quelques provisions avant de regrouper ses affaires et s'en aller en toute discrétion.
De retour dans le monde du mouvement, un complément d'information s'imposait. Des conflits plus ou moins importants avaient été déclenchés dans divers territoires et les armées se trouvaient sur le point de se lancer dans une guerre.
L'heure était venue de se remettre à la page et de choisir son camp. Qu'importe lequel car en conclusion, tout le monde serait touché de près ou de loin. Rester neutre serait la pire des idées et avec les éléments qu'elle avait en tête, Malori avait déjà plus ou moins son avis. Rejoindre les plus forts, fermer les yeux et faire face en espérant que rien de méchant ne se passe... C'en était hors de question.
Malgré une envie de défendre ce qu'elle pensait juste, Malori devait dans un premier temps s'assurer que ses agissements n'allaient pas se retourner contre elle et que ce qui avait été dit ne tenait pas qu'à de simples rumeurs entendues au détour d'une conversation à moitié suivie.
De retour dans la ville où elle avait vécu la majeure partie de sa vie, la femme utilisa le double des clés qu'elle avait toujours gardé avec elle. Par chance, la serrure n'avait jamais été changée et pénétrer la demeure ne se transforma pas en parcours du combattant. À l'intérieur, malgré les mois qui s'étaient écoulés, rien n'avait bougé de place. Dans sa chambre, le constat n'en ressortit pas différent. Seule la poussière s'était installée sur les meubles.
Plongée dans ses pensées, elle tarda à se rendre compte que deux personnes discutaient. C'est donc précipitamment qu'elle se dissimula dans la penderie.
– Bizarre, il me semblait que j'avais refermé.
La voix de Basile s'était arrêtée à la porte.
– C'est ma faute. Ça faisait un courant d'air et par la suite, je n'y ai plus pensé, se justifia Julia.
– Ce n'est pas un problème.
Quelques secondes s'écoulèrent, avant que Malori sorte de sa cachette. Ce soir, exceptionnellement, je dormirai ici, pensa-t-elle. En quittant la demeure pas trop tard, elle pourrait échapper à son père. Malgré tout, et heureuse de pouvoir retrouver sa chambre et son lit, la demoiselle prit plaisir à s'y glisser.
Ne dormant que d'un œil, elle entendit la poignée de la porte se baisser. Aucune lumière n'avait été visible et pourtant, elle savait qu'une personne se trouvait actuellement en sa compagnie.
– Tu dors ? souffla Julia.
Soulagée qu'il s'agisse de la démone, Malori se redressa.
– Bonsoir.
– J'avais vu juste en pensant que tu étais passée par là.
– Dis-moi.
– Je m'assurais simplement de ne pas m'être trompée. Comment tu vas ?
– En un seul morceau.
– Tu es au courant des mouvements de chacun ?
– Uniquement ceux du début. Je suis revenue pour un échange d'affaires et je me suis laissé tenter par mon lit.
– Tu as bien fait. Même ici, ce n'est pas judicieux de traîner dehors à une heure tardive. Repose-toi bien en tout cas, et si nous ne nous revoyons pas, je te souhaite un bon courage et une bonne continuation.
– Merci. Toi également.
Un sourire sur les lèvres, Julia quitta la chambre et regagna la sienne.
Fin tome 1

VOUS LISEZ
Déchéances T1
ParanormalAu beau milieu de son enfance, Malori se retrouva à vivre en compagnie de son père avec qui elle ne s'entend pas vraiment, engendrant bien souvent des conflits entre les deux. Désireuse de prendre son envol, elle mettra tout en œuvre pour s'échapper...