Je me stationne dans l'allée. Il est onze heures trente. J'ai toujours pris l'habitude d'arriver chez les gens un peu en avance. La ponctualité est pour moi un atout majeur et une marque de reconnaissance. Je tiens ça de mon père. Mon grand-père, lui, avait une tout autre théorie. Il lui plaisait de dire, « on n'arrive pas en retard, on instaure du suspens ».
Je descends de ma voiture chargée d'un bouquet de roses et d'un grand cru. Je m'arrête et contemple la maison. Elle est réellement magnifique. Je prends alors une grande inspiration. Maintenant à moi de jouer. Je me suis appliquée pour me donner une apparence correcte mais c'est ma perte de poids qui m'a donné le plus de fil à retordre. J'apprends petit à petit à rentrer dans le rôle de la reine du camouflage. Une robe ample m'a semblé la plus appropriée. Tout le monde n'y verra que du feu. Enfin je l'espère.
Malgré tout, je suis confiante. J'ai ma grande idée comme béquille pour me soutenir et me donner du courage. Je suis sûre que ça va être un grand succès. Enfin pour être plus exacte, je prie pour que ça le soit.
Romain m'ouvre.
— Microbe ! me lance-t-il sur un ton désespéré. Tu tombes à pic ! Dis-moi que tu es une experte en remplissage de verrines !
— Quoi ? Bonjour pour commencer !
— Excuse... Il m'embrasse sur la joue. Sors-moi de là ! chuchote-t-il. Julie me fait remplir des toutes petites verrines pour l'apéritif avec une minuscule et ridicule cuillère. Tu veux que je fasse comment avec ça ?
Il me colle ses mains devant les yeux qui font trois fois les miennes.
— Évidemment ! Et te connaissant, tu n'oses pas le lui refuser.
— Je savais que tu comprendrais. Oh merci pour le bouquet de fleurs !
— Bas les pattes ! Toi, prends ça. Je lui tends la bouteille.
Il me pousse vers la cuisine, me laisse à peine le temps de dire bonjour à sa femme, me fourre dans les mains la verrine et la petite cuillère en question. Enfin, sans demander son reste, il détale comme un lapin. Bon ! Un gros lapin. Genre un lapin rugbyman gonflé aux hormones. Julie le regarde partir en lui jetant des éclairs.
— Il ne perd rien pour attendre celui-là ! dit-elle furieuse.
— Tout à fait d'accord ! Et entre nous, c'est même un motif de divorce.
Elle se tourne vers moi visiblement saisie par mon commentaire. Je ne la regarde pas, essayant de contrôler un ricanement imminent. Elle éclate de rire admettant la stupidité de la situation.
— OK tu as raison. Je suis ridicule. Peut-être un peu à cran aujourd'hui. Merci pour les roses !
Je m'approche d'elle et l'enlace. Julie est la « number one » pour se mettre la pression. Perfectionniste et consciencieuse, elle aime que ces instants partagés soient exemplaires. Nous avons beau lui dire qu'il n'est pas nécessaire qu'elle se plie en quatre pour nous, rien n'y fait.
— Et comme d'habitude tout sera génial. Même si tu nous commandais des pizzas, Julie.
— Ah non ! Je sais que c'est ton plat préféré mais pas de pizzas ce midi. Sans déconner... tu me vois servir des pizzas à tes parents ?
Ils me connaissent tous très bien. Je suis prête à parier qu'ils vont m'enterrer avec une pizza et le numéro de téléphone de chez Alfonso.
Hé ! Je progresse ! J'arrive même à plaisanter sur ma propre mort. C'est mon coach Fanny qui serait fière de moi. Je note mentalement de penser à le lui raconter en espérant que « la grosse Bertha » n'interfère pas entre temps et efface une partie de ma mémoire.
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Une année...le reste d'une vie
ChickLitKristelle voit son monde s'écrouler. Sans son autorisation, une tumeur s'est infiltrée dans son cerveau. Le verdict est sans appel. Il ne lui reste qu'une année à vivre. Sa première intention face à ce cataclysme est de ne rien divulguer à son ento...