21 | Loélia

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TW : BLESSURE EXPLICE

Loélia Wealer

Son t-shirt blanc perd peu à peu sa couleur neutre, qu'il troque avec un rouge vif.

Pour la première fois, je distingue quelque chose dans les yeux de Rayn. Quelque chose qui peut s'apparenter à de la surprise. Mais avec lâcheté, je me tourne pour ne pas lui faire face.

Je ne sais pas comment m'y prendre ou comment je devrais faire ça. S'il faut se mettre assis ou plutôt à genoux ? Je pointe l'arme sur ma tempe, le métal froid entre en contact avec mon épiderme, me procurant un frisson.

Je me demande si on meurt instantanément d'une balle dans la tête, si je risque d'avoir mal... Dans l'idéal, j'aimerais ne rien sentir, comme lorsqu'on s'endort. Et pour ça, je n'ai qu'une chose à faire, pour enfin mourir et soulager toute ma douleur. De surcroît, j'amène avec moi un meurtrier, sauvant alors par la même occasion des dizaines de vies qui ont sûrement un destin plus glorieux que le mien.

Mes yeux se plissent à m'en donner mal. Ma main est tremblante, je le sens. Mon corps tout entier tremble sous cette tâche honteuse que je me dois d'effectuer.

Pourquoi est-ce qu'appuyer sur la détente est si compliqué ? Ça ne le devrait pas, on devrait me faciliter la tâche, je le mérite bien... La vie pourrait-elle être, pour au moins une fois, de mon côté ?

Depuis mon premier jour sur terre, on m'a fait comprendre (et j'ai saisi) que personne ne voulait de moi. Certes, depuis j'ai eu des parents aimants, mais parfois ça ne suffit pas. La vie me fait régulièrement comprendre que je ne suis pas à ma place. Je resterai toujours, malgré tout mes acquis, une enfant rejetée, qui ne sera jamais assez bien pour la société. Une enfant qui a peur qu'on l'abandonne une deuxième fois.

Je suis sûre de ce que je ressens, pourtant m'ôter la vie reste si compliqué, que je commence à en douter malgré moi.

J'ai pris cette solution si précipitamment que je n'ai pas réfléchi aux conséquences. Est-ce qu'au final, je ne voulais juste pas me venger ? C'est ce qui me passe à l'esprit, peut-être que j'essaie de me convaincre d'autre chose. Tout ça, c'est faux, je ne suis probablement pas si triste que ça...

Je presse l'arme contre mon visage avec plus de force, comme pour me faire agir.

Tire, c'est ce que je me répète.

Mais à chaque fois que je me le rabâche, une nouvelle raison m'empêchant de le faire me vient soudainement à l'esprit.

Si je me suicide maintenant, je serais vue comme une meurtrière.

Est-ce vraiment ce que je veux ? Mes proches penseront que je suis une tueuse, que je suis la coupable, et s'il faisait aussi le lien avec Benji ? Les gens ne se souviendront de moi que comme d'une jeune meurtrière. Non, d'une tueuse en série.

C'est ce que je me dis pour éviter cette solution radicale, que tout ça ce n'est pas moi, mais en réalité, je ne sais pas ce que je suis. Car même dans cette situation, ce qui m'inquiète le plus, c'est ce que les gens penseront de moi.

Je devrais plutôt me demander ce que je veux, si tout ça à réellement du sens. Me suicider ? Quelle blague... Continuer de vivre ? Les deux versions me paraissent inenvisageables. Alors qu'est-ce que je fais ? Je ne vais pas rester ici, entre la vie et la mort en me posant des questions jusqu'à en perdre la tête tant j'aurais usé mon cerveau.

Mes mains sont moites, si bien que l'arme commence à me glisser des mains. J'ai chaud, des bouffées de chaleur me prennent, ce qui ne fait que monter la tension en moi. Mêler à ma lourde respiration, j'ai l'impression d'étouffer.

CURIOSITÉ MALSAINEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant